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[verso-hebdo]
30-06-2022
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Jean-Rousselot, cinéaste, écrivain, créateur |
Jean Rousselot a un homonyme, le poète récemment disparu. Il ne faut pas confondre. Lui fait des films, surtout des documentaires sur les maisons d'artistes (y compris la Boisserie de Charles de Gaulle, d'abord une maison d'écrivain !). Beaucoup sont diffusés sur la 5 ou Arte. D'autres restent à l'état de projet. Arrivé à 50 ans, il a pas mal roulé sa bosse, connu des succès mais aussi peut-être des échecs, tout ce qu'il faut pour se passionner pour un créateur de génie, mort à 36 ans savoir que son opéra serait le plus joué au monde, Georges Bizet, dont il fait le sujet d'un roman passionnant ( Georges et Carmen, éditions Phébus, 360 pages, 21 euros). Je vous le recommande au moment où, peut-être, vous allez prendre des vacances, car il s'agit d'un témoignage sur la condition de créateur aussi bien dans la société bourgeoise des années 1870 que dans notre univers mondialisé obsédé par le profit. D'ailleurs, le procédé narratif de Jean Rousselot alterne les prises de parole de Bizet et de l'auteur de manière particulièrement vivante.
Bref, on ne reprendra pas ici comment Georges Bizet, mal marié, s'éprend à la fois de sa création, Carmen, et de celle qui l'incarne à la scène, Célestine Galli-Marié : c'est fort bien raconté par le livre. On s'intéressera plutôt aux douloureuses conditions d'existence de ceux qui, hier comme aujourd'hui, ont choisi le destin d'artistes ou d'auteurs (ou les deux). Ainsi, page 94, c'est en principe Bizet qui parle, mais nous comprenons bien que c'est Rousselot qui s'identifie à lui : « J'en ai bouffé de la merde. Je sais que je ne suis pas seul dans mon cas. Les gens qui vous font des promesses qu'ils ne tiennent pas. Les gens qui vous en veulent de les avoir mis face à la nullité de leurs idées. Les gens qui vous font croire qu'ils sont passionnés par ce qu'ils font et ne cherchent en réalité que le profit ou le pouvoir. Ceux qui vous font croire que vous êtes dans une relation d'égal à égal pour mieux vous exploiter. Ceux qui vous font recommencer encore et encore, non pas parce qu'ils ont une idée précise en tête mais parce qu'ils n'en ont aucune et espèrent qu'à force de refaire, vous trouverez la solution miraculeuse qui ira à tout le monde... » Cela continue encore longtemps. Les griefs de Bizet/Rousselot envers les « décideurs » du monde de l'art d'hier et d'aujourd'hui sont innombrables !
Il y a certainement eu des moments de grâce dans la malheureuse vie de Bizet, que Jean Rousselot, romancier, invente avec bonheur. Par exemple la scène dans laquelle Georges et Célestine, en promenade au bord de la Seine à Bougival, rencontrent avec émerveillement le peintre Alfred Sisley. « Ils arrivent dans un coin reculé où ils découvrent quelque chose qui les surprend (...) C'est une véritable réinterprétation du paysage. La nature est là, mais recréée par les pigments, le trait, la couleur, de façon plus riche, plus subjective. (...) Le peintre procède par petites touches. Il mélange des couleurs sur sa palette et vient poser sur la toile des tons qui semblent plus vifs les uns que les autres. De la juxtaposition de ces nuances intenses d'une originalité et d'une beauté inattendues, naît la composition. » Passionné par la vie de Bizet, Jean Rousselot n'a pas voulu lui consacrer une biographie : le roman lui permet de dire tout ce qui manque dans ce que l'on sait déjà. Sa réussite est là : mêler tout ce qui est parfaitement exact à tout ce qui est parfaitement vraisemblable. Mieux : tout ce qui est nécessaire pour nous faire aimer à notre tour un génie à la fois célébrissime et inconnu.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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