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[verso-hebdo]
29-09-2016
La chronique
de Pierre Corcos
Ben et diction
Diction aisée, fluide, véloce de Ben. Des « l » à la place des « r », pas ou très peu de silences. Il faut remplir, toujours... Comme pour exorciser une hantise du néant : ses impulsions avouées, reconnues au suicide, et le noir profond sur lequel se détachent trois lettres en blanc : Ben. Son étonnante spontanéité, aussi bien dans ses newsletters que dans ses interviews, fait de son « art » (un mot pour lui, à sans cesse redéfinir) une permanente auto-analyse. Réjouissante et vivifiante dans un micromilieu où les discours sont bridés par la référence et l'érudition. Une oeuvre de Ben en témoigne, Le chant du critique d'art. On y voit un vélo retourné dans lequel, aux rayons de l'une des roues sont accrochées ces boîtes à sons que le mouvement fait invariablement se répéter... Alors tentons - en vain sans doute - de ne pas jouer au critique d'art réservé, pédant avec lui. Donc aller vite sur les influences, écoles, filiations, schèmes esthétiques. Et garder en tête sa bénédiction : s'être tenu au coeur de la vie.

Sous le commissariat avisé, rigoureux d'Andres Pardey, la grande exposition Ben au Musée Maillol (rénové, dédié à un art contemporain ouvert à tous) va permettre aux visiteurs, jusqu'au 15 janvier 2017, de bien comprendre où l'artiste franco-suisse Ben Vautier, 81 ans et toujours vert, demeurant à Nice, se situe dans les champs esthétiques du XXème siècle... Au début, Ben est un Nouveau Réaliste. Puis un post-duchampien : réfléchir sur l'art de manière critique, « explorer le potentiel des ready-mades de Marcel Duchamp et aller jusqu'au bout de cette idée de l'art » (dépliant de présentation). Avec son festival d'Art Total, la fondation du Théâtre d'Art Total (1963), sa volonté d'abolir la distinction entre l'art et la vie, ses Gestes, Ben reste une figure du mouvement Fluxus. Ses actions de rue provocatrices, d'un humour absurde ou contestataire, en font également un néodadaïste. Ben peut se voir enfin revendiqué par l'art conceptuel : L'art, c'est un mot (1965), tout son travail sur les concepts.

Qu'il s'agisse de la section historique ou bien des espaces d'exposition du rez-de-chaussée, avec une sélection de ses installations récentes, on est estomaqué par ce fourbi, ce bric-à-brac, ce capharnaüm, toutes ces baroques accumulations de Ben, qui semblent vouloir éliminer le vide, tout comme sa diction coulante et rapide étouffe le silence. Ne pas oublier les débuts du « magasin » à Nice, cette boutique bazar de disques d'occasion, vite devenue lieu continuel d'expositions pléthoriques ! Un film dans l'exposition nous montre aussi comment Ben garde tout, dans boîtes et dossiers, sur les créateurs qu'il aime (peu fréquent chez les artistes, cette amicale reconnaissance d'autres créateurs vivants...), comment il opère son archivage, etc. A côté des entassements confus de Ben, les archives rangées du Suisse Vautier... Face au temps barbare qui défait tout, une pathétique conservation humaniste de textes, images, objets. La mort, l'oubli, l'effacement gagneront bien sûr. Mais en attendant...

Comment il se définit, Ben ? Un artiste-peintre ? Oui forcément, mais il dit qu'il aurait préféré être un philosophe, ou un homme politique ! Effectivement, il n'arrête pas de penser. Je suis donc je pense... « Ben définit la « recherche de la vérité » comme l'objet principal de sa création artistique, à la fois sur le plan pratique et sur le plan théorique » (dépliant de présentation). Fulgurations diamantines parmi un fatras d'assertions naïves... Le monde culturel postule la substantialité de l'individu artiste original. Pourtant, ce grand sceptique découvre, en brèves successives, cette grande nouvelle que l'ego n'est qu'illusion ou (im)posture. Le monde culturel muséifie, fétichise, panthéonise à tout-va. Or ce grand vivant désespéré ne pressent que vie, sexe, expression, néant. Il faut s'attarder sur les installations Sex Maniac ou Le Temps ou encore celle consacrée au suicide, pour comprendre que ce rigolo est grave, que ce ludique ne joue pas, et que ses yeux mi-clos sont grand ouverts sur le rien.

Ceux qui déconsidèrent Ben vont répètant que la plupart de ses oeuvres et/ou pensées ne valent pas tripette, qu'il a cédé largement aux logiques banalisantes du marketing et de la production de masse : Ben sur la trousse d'écolier, Ben sur le tapis à souris d'ordinateur, etc. Que ce « touche-à-tout » n'étreint rien, enfin que « Si tout est art, alors... » rien n'est art. Et en particulier ce qu'il propose... Mais c'est, en négatif, Le chant du critique d'art sans doute : et de quel lieu chante-t-il ? Du lieu où se distribuent les catégories esthétiques, où s'étagent les valeurs hiérarchiques, où se déploie le temps historique. Bien. Mais lui Ben, où se tient-il pour penser, créer, communiquer ainsi, sans temps mort ? Pour que tous les messages de ses Gestes se réduisent à un seul : Regardez-moi cela suffit ? Entendez : je pourrais être mort ou bien ne pas être né, et vous pourriez n'être plus là !... Pouvoir créer et s'exprimer de cet espace mental où vivre est ressenti comme un miracle, si précaire, oui c'est une bénédiction.
Pierre Corcos
29-09-2016
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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