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[verso-hebdo]
24-11-2016
La chronique
de Pierre Corcos
La ligne de la couleur
Si l'ultraconservateur démagogue et xénophobe président Donald Trump n'arrive pas à réaliser les promesses économiques et sociales qu'il a jetées en pâture à son électorat réactionnaire, on peut alors craindre la désignation sournoise d'un bouc émissaire. Et qui servira de cible à une agressivité collective suscitée par la frustration. Quelle minorité alors sera vouée à la vindicte populaire ? Les Hispano-américains ? Les Afro-américains ?... Déjà, depuis cette victoire de Trump, les médias ont rapporté que des actions et paroles racistes anti-Noirs, naguère contenues, se sont débridées. Certains racistes se sont vraiment lâché avec un sentiment d'impunité triomphant. L'exemple venait d'en haut...

Sans doute faut-il avoir ces quelques considérations à l'esprit pour ne pas quitter la passionnante exposition The Color Line - les artistes africains-américains et la ségrégation (jusqu'au 15 janvier 2017 au Musée du Quai Branly) avec la conscience tranquille des problèmes résolus... Tout progresserait sans accrocs : nous serions passés de l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis, en 1865, à la fin complète de la ségrégation et des lois racistes, en 1964, avec le « Civil Rights Act », et enfin à une situation complètement normalisée de nos jours, avec l'élection sur deux mandats d'un président noir américain, Barak Obama.
Sauf qu'à Obama succède Donald Trump, dont le Ku Klux Kan célèbrera l'élection par une grande parade le mois prochain... Sauf que de 1880 à 1980, plusieurs milliers de Noirs ont été lynchés... Sauf que la mort violente et plus que suspecte de jeunes Noirs, lors d'opérations policières, reste toujours d'actualité... Sauf que cette « ligne de couleur », donnant son nom à l'exposition et désignant la ségrégation des Noirs, peut aujourd'hui prendre d'autres formes discriminatoires, de type professionnel ou social. Commentant cette exposition dont il est le commissaire, Daniel Soutif déclare : « On comprend qu'il va s'agir d'une histoire d'art, mais dans un contexte marqué par une terrible réalité sociale et politique ». Cette terrible réalité politique du racisme aux Etats-Unis, l'exposition ne l'élude jamais, au point même qu'à l'entrée de certaines salles, on prévient les visiteurs que certains documents peuvent heurter leur sensibilité. Cartes postales illustrant la loi de Lynch, qui donna naissance au mot « lynchage », Noirs pendus (les « strange fruit » chantés par Billie Holiday), battus à mort, brûlés, émasculés, etc. Et, comme toujours, le stigmate de la dénomination injurieuse accompagne l'agression physique : les coons (ratons-laveurs), niggers, blackface (forme théâtrale), ou simplement le « coloured people » visant à interdire aux Noirs tel lieu, telles places dans un bus, etc.
Pourtant, méprisés, opprimés, persécutés, les Africains-Américains (c'est l'appellation aujourd'hui utilisée, adoptée par et pour les Noirs aux U.S.A) n'ont pas cessé à travers différents arts (musique, peinture, littérature, cinéma, etc.) de vouloir effacer cette « Color Line » discriminatoire. De la seconde moitié du XIXe siècle à nos jours, au croisement des arts et d'un mouvement d'émancipation, à travers 600 oeuvres et documents, cette grande exposition nous invite à découvrir une foisonnante création, certes, mais aussi à ne pas oublier une permanente ségrégation. D'où l'ambivalence de son titre, « Color Line »... Le visiteur passe d'un medium à l'autre, avec aisance dans le sinueux parcours de cet ample espace. Ici, des extraits du film Within our gates (1920) d'Oscar Devereaux Micheaux, le « père » du cinéma noir américain, là, les couvertures de la revue The Crisis, un magazine politique américain fondé par W.E.B. Dubois en 1910, organe officiel de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), plus loin, quelques peintures des grands boxeurs américains (car la boxe - et d'ailleurs le sport en général - fut l'un des moyens pour les Africains-Américains de s'extraire de leur condition opprimée, et de prouver leur valeur), plus loin encore, et on l'attendait, de l'entraînante musique de blues à écouter... Organisée chronologiquement, l'exposition parcourt cent-cinquante ans de ségrégation, persécutions, et de luttes pour la reconnaissance de droits fondamentaux et l'égalité. De Dave the Potter, considéré à tort ou à raison comme le premier artiste africain-américain à Mikalene Thomas cette artiste contemporaine d'une quarantaine d'années nous offrant son Origin of the universe, une ironique reprise de l'oeuvre célébre de Courbet, en passant par Basquiat, les peintures d'histoire de Jacob Lawrence, le drapeau américain en charpie de Thornton Dial, l'impressionnant What kind are you de Norman Lewis, l'ensemble DeLuxe d'Ellen Gallagher, pour ne citer que ces artistes, la « ligne de couleur » témoigne d'une réjouissante vitalité, dans des conditions souvent hostiles, très difficiles, doit-on le répéter.

Exposition politique et sociale à l'évidence, exposition d'art mais aussi d'histoire culturelle des artistes africains-américains, The Color Line nous donne bien des éléments pour scruter l'envers de l' « american dream ». Et enfin pour réfléchir gravement sur le racisme en général... Et à cet égard, l'humour désespéré du remarquable dessinateur et « cartoonist » Oliver W. Harrington parvient à la fois à amplifier et à alléger par ses images cette réflexion.
Pierre Corcos
24-11-2016
 
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Verso n°136

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