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[verso-hebdo]
15-02-2018
La chronique
de Pierre Corcos
De l'inconscience à la folie
Que l'inconscience puisse être délétère, criminelle, qu'elle conduise même à la folie ne lui ôte guère les charmes de l'insouciance et de l'irresponsabilité. Elle n'est pas souvent bienvenue, la lucidité, sauf quand la satire ou le drame dessillent le regard du spectateur tout en le distrayant. Trois spectacles, ingénieusement mis en scène, dévoilent quelques errements de l'humain, saisi dans des folies collectives ou emporté dans une démence solitaire.

Jusqu'il y a quelques jours, on a pu voir au Théâtre 13/Seine l'excellente pièce du bulgare Stanislas Stratiev (1941-2000), L'Autobus, dans une mise en scène inspirée de Laurence Renn Penel, qui a donné à cette satire virulente du régime communiste bulgare des années 80 la dimension plus ample d'une parabole sur la servitude volontaire, l'égoïsme lâche des uns et des autres confortant un Pouvoir irresponsable. Et sans aucun doute, cette lecture et adaptation n'était point extorsion du sens premier, puisque les noms des personnages (« le raisonnable », « le virtuose », « l'amoureuse », « l'irresponsable », etc.) et l'action globale permettaient une généralisation applicable à notre propre monde... Pour décoder vite la pièce de Stratiev, ce bus délabré qui fonce dangereusement sur les routes, c'est notre société, et son invisible conducteur symbolise un pouvoir inconséquent, irrationnel et nous entraînant vers maints désastres, voire le chaos. Les passagers du bus représentent quelques types humains dans leurs rapports aux autres et au pouvoir... Cette tragi-comédie burlesque porterait au plus haut le désespoir si l'on en restait à ce qu'elle montre, de manière directe et figurée : la pusillanimité égoïste, l'inconscience - qui va jusqu'à la recherche d'un bouc émissaire plutôt qu'affronter le réel et le pouvoir - nous conduisent à la catastrophe collective. Et, comme l'écrit justement Laurence Renn Penel, « nous voulons du changement mais nous ne sommes pas prêts à changer ». Les ruses minables ou les sottes vanités des uns, le conformisme à courte vue des autres laissent le champ libre à un pouvoir qui, enivré de lui-même, coupé de ceux qu'il « gouverne », ne sait pas prendre la bonne direction, éviter les écueils... Cependant, par sa dénonciation même, la parabole de Stratiev dessine les linéaments d'un possible salvateur. La vigilance, la lucidité, le courage du refus, la solidarité et l'intelligence collective peuvent empêcher que notre civilisation ne disparaisse, comme toutes celles qui l'ont précédée, que cet Autobus/monde au pilote fou ne s'écrase dans l'abîme.
Le jeu choral et clownesque des comédiens, le rythme infernal donné à la pièce, le clignotement des lumières, le tempo des musiques, et enfin cette brinquebalante cage métallique figurant le bus forcené emportent avec éloquence cette tragi-comédie vers la folie dont notre monde, anomique et menacé de graves périls, donne parfois l'apparence. Stanislas Stratiev, Laurence Renn Penel et ses comédiens nous ont proposé là une dramaturgie du détour par la métaphore et l'image expressives, pour rendre compte de ce que, dans l'opacité du vécu et derrière le rideau de l'actualité, plus ou moins complices, nous subissons.

Anne-Laure Liégeois a traduit, adapté et mis en scène Les Soldats de Jakob Lenz (1751-1792) et Lenz de Georg Büchner (1813-1837), deux spectacles qui se suivent où, également, on passe de l'inconscience à la folie. C'était jusqu'au 2 février au Théâtre 71 de Malakoff... Comme Goethe et Schiller, Lenz reste une figure clé du mouvement Sturm un Drang, un courant littéraire où la liberté, le sentiment, la nature jouent un rôle essentiel. Les Soldats (1776) saisit les ressorts dramatiques de l'union impossible entre membres de classes différentes, également ceux d'une catégorie sociale spécifique à l'époque, les soldats, interdits de mariage, société virile, violente et misogyne. L'inconscience des protagonistes conduit au meurtre ou au suicide. C'est, dit Anne-Laure Liégeois, qui a logiquement appuyé sur la dimension féministe en germe dans la pièce, le « récit d'un rêve de corps tendre qui se fracasse contre la violence d'un monde sexuellement érigé. Un monde de soldats, un monde par nature fait d'êtres rassemblés pour tuer (...). C'est aussi le tableau de la relation violente et autoritaire qui lie les parents aux enfants ». Les personnages se rendent-ils seulement compte de ce que signifie et provoque la violence qu'ils charrient ? Pouvoir des familles, force destructrice des pulsions, puissance incoercible de la caste, du groupe, de la classe... Un type de pièce comme celle-là, d'une grande liberté de propos et de style, était révolutionnaire pour l'époque. Mais, plus de deux siècles après sa création, dans le contexte du sursaut féministe actuel, Les Soldats interroge encore l'archaïsme de certains rapports entre les sexes.
Avec Sylvain Groud, chorégraphe, Bernard Cavanna, compositeur, et tous ses comédiens, Anne-Laure Liégeois a voulu créer un spectacle mobile, exalté, où les scènes silencieuses, brutales revêtent autant d'importance que les dialogues. Une esthétique brechtienne affleure ça et là... Ce qui est d'autant plus justifié qu'une dimension « didactique » doit émerger devant ces personnages impulsifs, sauvages, peu soucieux du dégât que leur conduite occasionne. Quant à l'admirable nouvelle inachevée de Büchner, Lenz, elle vient comme un court deuxième spectacle, nous raconter une folie qui semble être la conséquence, la continuation, ou alors l'échappée d'un monde où règnent la férocité, l'inconscience, l'inhumanité. Olivier Dutilloy fait vivre et vibrer ce texte majeur sur la folie...
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
15-02-2018
 
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Verso n°136

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