Les artistes et les expos
les cartes célestes et terrestres de Rossella Faraone
par Gérard-Georges Lemaire

      Les Navajos peignait de magnifiques compositions sur de la pierre et les Chinois anciens ont élevé au rang d’œuvres d’art des pierres extraordinaires. Un écrivain comme Roger Caillois ressentait devant une pierre autant de plaisir que devant une toile a évoqué cette passion qui s’est perpétuée en Orient au vingtième siècle: « De nos jours, on peut acheter dans les magasins de Pékin et des grandes villes de la Chine, et aussi du Japon des pierres aux formes élégantes et aux courbes harmonieuses, installées sur des socles ouvragés. Elles sont l’équivalent d’objets qui pouvaient atteindre de grands prix. Au XVIIIe siècle, Tch’en Ki-jou énumère dans son Traité des Vertueux divertissements les conditions favorables à l’appréciation de la peinture. Il note parmi elles ; “ Sur de nombreux tableaux de l’époque Song, qui représentaient des jardins ou des terrasses de palais, on voit de hautes roches déchiquetées, apportées là et dressées comme ornement suprême de la demeure. ” » Et je pourrais aussi évoquer les jardins zen, qui parfois entièrement composés de rochers et de gravier. Ainsi, ce ne sont pas exclusivement les géologues qui se sont passionnés pour les différentes pierres : les cabinets de curiosités de la Renaissance et de l’âge baroque en conservaient. Et ce goût n’est pas éteint.

      Rares sont les artistes qui ont travaillé avec la pierre en dehors de la sphère spécifique de la sculpture. On peut citer le cas de Raoul Ubac, qui est presque une exception. La recherche de Rossella Faraone prend alors une dimension assez singulière, puisque ses œuvres n’utilisent pas d’autre « pigments » que les roches qu’elle a choisies. Mais elle a eu la force, le talent et les qualités indispensables pour faire que ces pierres se changent, par l’exercice de sa volonté, en « pigments » pour un genre de peinture pouvant sembler une authentique gageure et une sorte de défi.

I L’écriture des pierres

      « Jusqu’ici le dessin reste à l’état d’étoile, de rosace, de lignes et de courbes articulées en structures semi-régulières qui se développent selon une raison secrète, mais qu’il est sans doute possible de calculer. D’autres modules sont affranchis de toute cadence. Aucune arithmétique ne s’y laisse plus deviner. Maintenant, de larges taches s’évasent en plages scintillantes ou lustrées : profils d’alevins ou de têtards, de salamandres, de cornues d’alchimistes au bec démesuré, d’algues dont les rubans sont soudains distendus par d’énormes vessies quasi rectangulaires ou par des profils de bombes volcaniques qui terminent en torsades et où halètent un souffle d’éruption. »
«Septaria », Pierres, Roger Caillois, 1966.

      Rossella Faraone a élaboré son art au-delà de toute figuration. Elle n’a pas opté pour les constructions rigoureuses et froides du néoplasticisme ou des artistes du Hard Edge américain. Tout au contraire : ses tableaux sont de nature exubérante et on pourrait les qualifier de « baroque », même si ce terme recouvre bien des formes différentes et contradictoires.

Les artistes et les expos : Mireille Loup. Autoportrait, autofiction : le je(u) et le masque par Xavier Lambert
mis en ligne le 06/10/2010
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