Les artistes et les expos

les cartes célestes et terrestres de Rossella Faraone

par Gérard-Georges Lemaire

      Si on s’arrête un moment devant l’un ou l’autre d’une des œuvres de Rossella Faraone et qu’on s’interroge sans préjugé sur leur réalité, force est de constater qu’elle ne laisse pas prise à une interprétation unique. Ils possèdent des significations plurielles, qui se complètent et parfois entre dans des contrastes insolites. Chacune de ces interprétations attribue à la suivante plus de force, de poids et de densité. L’étrangeté de ses compositions, qui reposent sur une contradiction entre la valeur des matériaux qu’elle utilise, leur nature décorative, et leur nature « explosive » opposée à la précédente. Et il y a fort à parier que son travail prenne dans un avenir proche un tour encore plus sophistiqué : J’en veux pour preuve une petite œuvre assez éloignée dans l’esprit et dans son intitulé (Hansel et Gretel, 2006-2007), qui est construite d’une façon atypique et confronte une plage rose et une plage bleu clair. La célèbre histoire des frères Grimm qui appartient à leur premier recueil de légendes populaires, les Contes de l’enfance et du foyer (1812), où le frère et la sœur sont perdus dans la forêt par leurs parents qui ne peuvent les nourrir : ils rencontrent une sorcière anthropophage dans une maison de pain et parviennent à lui échapper. Ce serait une autre direction vers laquelle elle pourrait aller.

      Peindre avec des pierres, comme autrefois ont peignait avec de l’or pour réaliser les superbes retables qui ont orné les auteurs de l’Europe de la Renaissance et de l’âge baroque, peindre avec des pierres brutes ou travaillées et avec de l’or est ce qui fait l’originalité de Rossella Faraone. On y entend résonner le poème de l’évêque Marbode (vers 1035, évêque de Rennes entre 1096 et 1123), Sur les douze pierres précieuses qui servent au fondement de la cité céleste, qui est un commentaire de l’Apocalypse de Jean :

« Citoyens de la céleste patrie
chantez pour el roi des rois ;
c’est lui le créateur suprême
de la cité céleste
dont les bâtiments
ont les fondements que voici.

« Le jaspe, par sa verte couleur,
apporte la verdeur de la foi,
qui, chez tous les hommes parfaits,
jamais ne perd sa force ;
et, par sa protection
ont résisté au diable.

« Le saphir, par son apparence,
est semblable au trône céleste ;
il représente le cœur des simples,
qui attendent dans une ferme espérance,
et dont la vie et la conduite
enchantent le Très-Haut. […] »

En manipulant avec dextérité et une science impressionnante les pierres de prix comme autant de pigments colorés, elle explore un domaine encore à découvrir où le tact est aussi important que la vue – domaine enchanté de l’art s’en trouvant enrichi par ses soins dans le flamboiement d’une abstraction emportée par les ressorts occultes de son désir.
Paris, juillet-août 2010

Gérard-Georges Lemaire

Les artistes et les expos : Mireille Loup. Autoportrait, autofiction : le je(u) et le masque par Xavier Lambert
mis en ligne le 06/10/2010
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