Bibliothèque de l’amateur d’art

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 01/09/2011

Le catalogue de l’exposition intitulée « Les sujets de l’abstraction » qui a eu lieu au musée Rath de Genève et qui sera présentée au musée Fabre de Montpellier est impressionnant. C’est un monstre éditorial ! Mais c’est aussi une prodigieuse source de documentation sur l’art abstrait de l’après-guerre. La grande erreur de cette vision d’ensemble (elle embrasse l’Europe, surtout l’Italie en plus de la France) est d’être trop vaste. On se rend compte que face aux artistes mis en exergue – Hartung, Mathieu, Schneider, Soulages – on se rend compte non seulement d’oublis graves (Albert Bitran par exemple, mais ce n’est qu’un artiste parmi d’autres qui comptent) et d’avoir minoré la situation de Jean Degottex et de Simon Hantaï (qui d’ailleurs avaient formé un groupe avec Mathieu). Et Wols ? En fait, il s’agit d’une collection, la Fondation Gandur pour l’Art, et là il n’y a plus rien à dire. La présentation de l’ensemble est néanmoins fautive. Cela dit, ce catalogue fournit une importante documentation pour redécouvrir cette période qui avait déjà été amorcée avec « L’Envolée lyrique » au musée du Luxembourg. Mais on aurait aimé un peu plus de documents photographiques et d’invitations ou d’affiches, sans parler de manuscrits, pour éclairer notre lanterne.
Les Sujets de l’abstraction, collectif, 5 Continents éditions, 320 p., 45 €.

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Daniel Dezeuze est sans aucun doute l’un des artistes les plus passionnants de sa génération. Cofondateur du groupe Supports/Surfaces, il n’a pas cessé un instant de donner un prolongement aux expériences plastiques qu’il avait entreprises à l’époque. Son parcours est exemplaire car, sans jamais se renier, il est parvenu à renouveler sans cesse son langage et a produit des ouvrages mémorables. Dezeuze est également poète. Il cultive cet art avec soin, mais le réserve essentiellement à ses amis les plus proches car il ne travaille qu’avec des éditeurs aux tirages plus que confidentiels. Je recommande à tous d’acquérir son dernier livre, Mysticades et pas seulement pour son titre ironique. Il parvient à cristalliser une pensée tout à fait originale, avec un style très singulier et surtout une capacité de tenir une pensée aussi complexe qu’une figure géométrique de Paolo Uccello. Très attiré par les textes gnostiques et par tout ce qui est marginal au christianisme, il voit sa poésie comme son art – aux confins des grands principes fédérateurs de la pensée occidentale. Dezeuze n’est un homme de la transgression – mais la transgression peut être l’objet de son écriture comme de ses œuvres plastiques. De plus, je vois ces poèmes comme le complément indispensable de ces dernières – un peu leur mode d’emploi. Comme s’il voulait échapper à n’importe prix à une analyse qui mette à nu sa mauvaise conduite intellectuelle…
Mysticades, Daniel Dezeuze, Tarabuste Editeurs, 46 p., 20 €.

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