Dossier Nathalie Du Pasquier
De la nature morte et de ses avatars
considérations sur les menées de Nathalie Du Pasquier

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 01/09/2011

Les genres, tous les genres, sans exception, semblent aujourd’hui frappés de sénilité. Ils n’ont plus lieu d’être. On les a balayés d’un revers de manches pour d’autres manigances. La peinture a profondément été bouleversée et a atteint ses frontières – elle les a même souvent dépassées. Nous sommes parvenus à une époque où même l’expérience de la monochromie, expérience des limites de l’expression plastique, semble désormais une vieille lune. La Bad Painting s’est changée en une forme d’académisme à rebours, tout comme l’art conceptuel : tout ce qui est laid est bon et donc implicitement beau.

Malgré cet état de fait, Nathalie Du Pasquier n’a pas renoncé à la peinture. Mais est-ce pour autant qu’elle tourne le dos à cette nouvelle modernité que nous ne savons même plus définir ? En un sens oui, car elle semble respecter les codes de la représentation. Son langage est encore « moderne », ce qui signifie qu’il ne provoque pas de rupture fondamentale avec l’art du siècle précédent. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Cette manière de peindre qu’elle a choisie, qui est produite par les biais de techniques on ne peut plus classiques. Mais l’emploi de ces techniques éprouvées (elle a recours à des peintures industrielles et à du matériel standard) ne signifie pas pour autant que sa production soit conventionnelle. Loin s’en faut.

Peu à peu, au fil des années, elle s’est débarrassée des « scénettes » d’intérieur qu’elle a créées au préalable. Bientôt, son attention se porte exclusivement sur les « choses » les plus banales et surtout celles qui possèdent le moins de valeur à nos yeux – les objets domestiques, les objets que l’on jette après usage. Elle s’emploie à construire des natures mortes (et quand je dis « construire », j’emploie ce mot avec précision : elle compose son « sujet » comme l’aurait fait un peintre hollandais du XVIIe siècle ou un Chardin). Elle les installe sur une table souvent calée contre un mur servant de fond indifférent (mais rien n’est systématique chez elle). Et elle prétend « peindre ce qu’elle a sous le yeux ». C’est vrai et faux à la fois. Ce sont bien les mêmes verres et bouteilles qui sont là, sur la surface de la toile. Ils ont bien les ombres qu’ils ont possédées dans la réalité (mais le soleil tourne !). Mais s’ils sont bien concrets et fidèles à leurs modèles, parfois à des minuscules différences près, ils prennent d’autres apparences et d’autres valeurs dans la sphère de la peinture. Qu’est-ce à dire ?

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