Dossier Nathalie Du Pasquier
De la nature morte et de ses avatars
considérations sur les menées de Nathalie Du Pasquier

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 01/09/2011

Elle se comporte à l’opposé d’un Giorgio Morandi, qui attribuait à chaque vase, à chaque pot, à la plus modeste céramique ou la plus innocente faïence, une grandeur une dignité, un attrait et une sublimité sans égal. Et cela est vrai autant pour Eugène Delacroix que pour Henri Fantin-Latour, qui faisait partager son amour pour ses bibelots vernis. Cézanne, malgré toute sa rudesse, n’échappe à la règle, même si ses natures mortes ont une allure de petit théâtre concret. Nathalie Du Pasquier se place devant des verres de bistro, des coupes et des tasses de magasins bon marché, quelques fois de la vaisselle chinoise bon marché, souvent devant les pathétiques flacons en plastiques aux contours bizarres qui sont logés en général sous l’évier pour qu’on ne les voit pas et qui sont indispensable à l’entretien de l’intérieur, sans parler de morceaux de bois à la fonction indéterminée. Mais elle ne fait ni un inventaire à la Prévert, ni un recensement à la Pérec : ses choix, sans être aléatoires, sont tout de même le fruit ultime d’une succession de hasards objectifs. La composition la plus préméditée est en fait le fruit de rencontres dignes de la formule de Lautréamont (la fameuse table de dissection). Quand on a eu comme moi le bonheur de la voir en train de travailler dans son grand atelier milanais (elle est sage et souriante, avec un regard malicieux qui est aux antipodes de son air timide), on la voit s’appliquer comme une enfant à l’école, en scrutant chacun de ses modèles muets pour en restituer et le volume et les coloris. Le résultat peut être traduit dans des termes empruntés à René Magritte : « Ceci n’est pas tout à fait une pipe ». Rien à dire quant à l’imitation dans le sens le plus strict. Tout est là, fidèlement reproduit. Mais quelle différence ! L’exercice de la peinture a tout métamorphosé. On est loin de l’esprit de la Neue Sachlischkeit des artistes allemands de l’entre deux guerres. Les objets choisis et disposés selon un plan secret révèlent leur être vernaculaire, mais aussi autre chose. Un je ne sais quoi de mystérieux et d’intriguant. Sans parler de mystère, on a tout de même affaire à une sorte de metafisica, mais pas telle que De Chirico l’avait conçue. Ici, on ne distingue rien qui ne soit la conjonction d’architectures, de fruits, de légumes, d’objets domestiques, de statues équestres et de trains dont la locomotive fume derrière un mur en brique. Non. Mais une étrangeté insidieuse en émane. La simple décision de les réunir sur un même plan et de leur donner un ordre n’appartenant qu’à ces objets simples et sans beauté.

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Dossier Bruno Macé Original ? par Bruno Macé