III

       Mais la part la plus considérable de son travail, depuis quelques dix ans, est l’élaboration de films vidéo, où Denise Jeanmart a pris une place de plus en plus importante. Ces films emploient des techniques qu’il utilise déjà pour des œuvres sur papier photographique. Là, il a recours à des photomontages en tous genres, où il ne se contente pas de superposer ou d’accoler des images qu’il a faites ou qu’il a dérobées : il intervient parfois en utilisant le pinceau, le stylo, le crayon, le fusain. Ces ouvrages forment, en général, un groupe qui est disposé dans l’espace d’une manière très particulière, accompagné ou non d’un fragment du texte qui leur a servi de point de départ pour réaliser leur propre fiction. Dans ces films, la même chose se produit, sauf que l’éventail des possibles est beaucoup plus grand : il peut reprendre et pasticher des formules cinématographiques, surtout issues du cinéma muet (mais pas exclusivement). Dans les Nouvelles du Protocosme, un texte que j’ai écrit à partir d’un livre de Giacomo Casanova, l’Icosameron, il retrouve l’esprit de Georges Méliès. Il est aussi fréquent qu’ils insèrent des fragments de textes, un bout de phrase qui est le déclencheur de leur interprétation du chapitre ou de la nouvelle. Cela est évident dans les nombreux films qu’ils ont réalisés à partir de l‘œuvre de Franz Kafka.
       En fait, chaque film a sa propre dimension formelle, qui peut aller du collage aux découpages de la lanterne magique. Ils restent fidèles aux textes qu’ils emploient, mais les traduisent dans un langage qui n’appartient qu’à eux. Cela constitue une des rares fusions aussi profondes entre la création plastique et la littérature. Cervantès, Kafka ont été leurs premières aventures dans ce territoire. Et puis ils ont abordé des auteurs contemporains, à commencer avec Patrizia Runfola et ses remarquables Leçons de ténèbres. Récemment, ils ont décidé de collaborer avec des écrivains vivants, qui écrivent des textes spécialement pour leurs films.