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[verso-hebdo]
07-10-2021
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Palais disparus de Napoléon, sous la direction de Thierry Sarmant, Editions in fine / Mobilier national, 496 p., 49 euro.

Napoléon a éprouvé le désir de s'installer dans les grandes demeures royales, en particulier les Tuileries, Saint-Cloud et Meudon. Malheureusement elles ont toutes les trois été détruites à cause de la désastreuse guerre franco-prussienne de 1870 ou pendant la Commune de Paris en 1871. Ce que le visiteur peut découvrir jusqu'au 15 janvier 2022 dans la Galerie de Gobelins comprend une partie de ce qui a pu être mis à l'abri pendant ces conflits, avec des éléments décoratifs et du mobilier appartenant à d'autres château, tel Fontainebleau et qui sont actuellement conservés par le Mobilier national. Il lui sera donc possible de découvrir un important ensemble de meuble et de décors permettant de se faire une idée juste de ce qu'a pu être le style Empire. L'histoire commence le 20 brumaire de l'an VIII, le lendemain du coup d'Etat qui a mis fin au Directoire : les trois consuls, Ducos, Sieyès et Bonaparte s'installent au palais du Luxembourg. Ils démangent aux Tuileries (palais construit par Philibert de l'Orme) trois mois plus tard, et le Conseil d'Etat y sera bientôt installé. Bonaparte s'approprie l'ancien appartement de Louis XIV. Il fait entreprendre des travaux au Louvre, ce qui ne va pas sans heurts avec les architectes Percier et Fontaine, nommés architectes du gouvernement.
Fontaine sera nommé en 1804 architecte des Tuileries, du Louvre et des dépendances. Une fois sacré empereur, Napoléon fait percer une nouvelle entrée d'honneur et fait élargir la place du Carrousel. Le Grand Dessein incluait aussi le percement de la rue de Rivoli et l'aménagement d'une grande esplanade. Les différent salons, antichambres et les grandes salles nécessitent la récupération de meubles anciens et la mise en oeuvre de nouveaux mobiliers. Des tableaux imposant sont commandés comme La Bataille d'Austerlitz de Gérard. Percier et Fontaine réalisent d'imposants décors, comme la cheminée du grand cabinet de l'empereur. Et tout cela dans la perspective d'un changement de style profond. Le château de Saint-Cloud, construit par Mansart à la fin du XVIIe siècle. Il avait été transformé par Marie-Antoinette entre 1786 et 1788.
Sa forme a changé et il a également été agrandi. Le premier consul l'a fait réaménagé par Percier et Fontaine pour en faire un palais républicain. La disposition de pièces est changée, mais de parties entières ont conservées comme les grands appartements dessinés par Mignard. En revanche, Fontaine a imaginé une nouvelle salle à manger, avec des guirlandes de fleurs et de oiseaux. A partir de 1804, Saint-Cloud devient la résidence d'été de Napoléon. Les travaux de décoration se succèdent et le mariage avec Marie-Louise d'Autriche en 1810 a entrainé de nouveaux travaux. Le dépendances ont aussi été restaurées et des bâtiments saisis pendant la révolution sont L'ancien enclos de la Laiterie est conservé et les jardins à la française sont préservés. On fit ériger la lanterne de Démosthène sur le modèle de l'oeuvre de Lysicrate. Quant au château-neuf de Meudon, qui était le domaine du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, il devient en 1806 l'établissement pour l'éducation des princes de la famille impériale. On y a installé une grande bibliothèque, de cartes et une ménagerie a été mise en place.
La restauration intérieure est confiée à Raymond. L'ameublement est soumis à des règles strictes. La naissance du roi de Rome entraîne de nouvelles transformations. La description de ces trois hauts lieux du pouvoir impérial et suivi d'essais très détaillés concernant les événement qui ont eu lieu dans chacun d'eux comme des mariages célébrés au Tuileries pour sceller des alliances, tel celui de Joseph Bonaparte avec Catherine de Wurtemberg en 1807. Cela dit, les Tuileries demeurent un lieu de pouvoir puisque de nombreuse réunion de travail y ont lieu. C'est là qu'a été décidé la campagne de Russie malgré les réticences de Caulaincourt. C'est là aussi que l'empereur a préparé la campagne pour sauver la France en 1813. On trouve également dans cet ouvrage une description de la vie de cour, un aperçu complet du rôle du Garde-meuble, une étude sur la transformation du mobilier ancien. Puis l'on passe à des description très précises de ce qu'ont été le grand appartement des Tuileries, des appartements personnels de Napoléon, de ceux de l'impératrice, de grands appartements et de la chapelle du palais de Saint-Cloud, etc.
Une partie importante est dédiée à la politique manufacturière de Napoléon. L'évolution du style est aussi examinée de près. En sorte que ce grand livre richement illustré permet de se faire une idée non seulement de l'architecture et de l'époque, des différents art mis au service de ce renouvellement esthétique complet, qui implique de nouvelles créations de la manufacture de Sèvres, de tapisseries, jusqu'à l'ensemble des objet décoratifs. Cela va donc bien au-delà de la reconstitution de ces trois lieux emblématiques du pouvoir, mais se révèle un authentique compendium de l'esprit de l'empire et des événements qui se sont succédés en une décennie. C'est une merveille et une source inépuisable d'information sur ce qu'a été la volonté d'un homme de changer le cours de l'histoire et de tous les arts, majeurs ou mineurs.




Bernard Moninot, le dessin élargi, Catherine Millet & Jean-Luc Nancy, Editions in fine, 176 p., 35 euro.

Bernard Moninot (né à Le Fay en 1949) est un des artistes les plus importants de sa génération. Mais il n'a pas eu jusqu'à présent la reconnaissance que ses recherches plastiques auraient méritée. Cette exposition itinérante qui a commencé au Domaine de Kerguéhennec et s'achèvera à la Fondation Maeght l'année prochaine après avoir été installé au musée de l'Hospice Saint-Roch d'Issoudun devrait permettre à un plus large public de découvrir ce parcours des plus orignaux. En premier lieu, il faut comprendre que l'un de points de départ de son oeuvre est sans nul doute le Grand Verre de Marcel Duchamp. Mais cela ne fait pas de lui un disciple de cet artiste si singulier, qui a été utilisé a posteriori de toutes les manières possible, souvent dans un optique abusive.
Non. Duchamp lui a inspiré un champ visuel d'un genre particulier et que Catherine Millet, dans son essai, qui a le mérite de la clarté et de justesse, insiste sur le fait que cette oeuvre cryptée et conçue selon des règles inédite (et idiosyncrasiques) a permis à Bernard Moninot de représenter de formes dans un espace qui suggère la quatrième dimension. Le Studiolo, élaboré entre 1992 et 2005, présente les différents éléments qu'il a extrapolé du Grand Verre et qu'il a transformés pour servir se propres desseins. L'assemblage du tout, avec les ombres portées, et un véritable détournement de ce qu'a pu faire Marcel Duchamp. C'est un point de départ et rien de plus car il développe par la suite des oeuvres en deux ou trois dimensions, parfois des installations, comme Objets de Silence (2008), qui conjuguent trois installations précédentes constituant un ensemble assez impressionnant. Il ne se défait pas pendant longtemps de cette référence initiale, mais n'a de laisse de générer des propositions plastiques en évolution constante.
Au fond, il rejoue l'un de points de départ emblématiques de l'art moderne sou ses aspects les plus radicaux. La Chambre d'écho, qu'il a achevée en 2015 après une recherche qui a duré cinq ans, métamorphose de nouveau les principes qu'il avait édictés auparavant. Il l'a ensuite réalisée en volume en jouant sur les différents volumes autonomes de son invention. Puis il en donne de nouvelles versions sur papier en 2012 et 2017. Les variations sur ce thème se multiplient et lui permettent de proposer des digressions plastiques surprenantes pour enfin aboutir à des propositions qui ne préservent que peu d'élément fondateurs. C'est là un perpétuel va-et-vient qui exploitent le composante et cela est d'autant plu patent dans ses Prémonitions de l'avalanche en 2019. Il a désormais une maîtrise d'une grammaire et d'un vocabulaire avec lesquels il joue avec beaucoup d'habilité. Le Migrateur partiel de 2019 indique une orientation vers quelque chose de plus abstrait que Catherine Millet voit comme des constellations.
Il estompe en partie les références de plus en plus lointaines à Duchamp (mais ne les abolies pas toujours). Ses Partitions et ses Cadastres en 2018 prouvent qu'il s'est engagé dan une voie nouvelle. L'introduction de la musique a été la source de cette modification sensible. Mais La Mémoire du vent (2011) avait déjà, avec ses « dessins de lumière », avait alors indiqué cette relative bifurcation dans ses conceptions. Il s'invente une forme d'abstraction graphique par cette introduction de la lumière (qui est souvent un leurre). Il ne reste plus qu'à espérer que ces événement et que ce catalogue très éclairant rendront justice à ses spéculations.




Umberto Mariani, Gilbert Hsiao, le strisce et le pieghe della classicità, Verso l'arte, 40 euro.

D'avoir réuni dans une même exposition deux artistes qui ne travaillent pas dans une direction similaire, mais qui ont des affinités évidentes n'et pas une si mauvaise idée que cela. Umberto Mariani (né à Milan en 1936) a toujours travaillé sur la question du plissé et cela déjà depuis ses débuts, quand il faisait une peinture figurative. Il a abandonné la figuration pour se lancer dans une aventure purement abstraite, d'une relative radicalité et exclusivement monochrome. Il a dû faire front à un problème technique d'une rare difficulté : comment rendre des plis sur une surface assez grande avec toute la finesse que ce rendu requiert de manière impérative. Il a fini par utiliser le plomb, qui est très souple et donc malléable et lui permet de faire de compositions complexes où les plus sont disposés selon un ordre ophitique. Si le champ d'investigation paraît réduit, il ne cesse d'évoluer, de métamorphise, sans changer es critères primordiaux, et aussi de se sophistiquer. Il a ensuite introduit l'usage de cadres anciens, qui ne font que renforcer la tension entre l'ancien et le moderne.
Et il est aussi l'auteur de grande installations comme, par exemple, dans ce catalogue, Il luogo dell'illusione (1979-1980). Je dois également ajouter qu'il a instituer une suite assez particulière au milieu des années 1970 avec l'insertion de lettres capitales dan le tableau. En sorte que, si l'on veut bien observer son oeuvre dan le détail au fil de son histoire, on se rend compte qu'elle a présenté de multiples mutations dans un cadre qui n'a pas varié essentiellement. Umberto Mariani et sans conteste l'un de représentants les plus intéressants de ce renouveau inattendu de l'art abstrait. Gilbert Hsiao, fils d'émigrés chinois (né en 1956 à Terre Haute dans l'Indiana). Il fait ses études supérieures à l'université de Columbia à New York et se spécialise dan l'histoire de l'art. Il a choisi ensuite d'adhérer à l'Art Student League. De nombreuses bourses d'étude lui ont permis de voyager de par le monde et il a fait des expositions importantes aux Etats-Unis. Son style dérive de l'art minimal et du Hard Edge. Il aime jouer sur la forme de ses tableaux, qui n'est pas conventionnelle, et part du principe d'un alignement de stries très serré, mais qui peut être disposé selon mille modes formels. Ce qui engendre une sorte de paradoxe dans son travail : le principes de base sont très rigoureux, mais l'expression est assez baroque.
C'et ce qui fait le charme de cette réflexion sur la peinture telle qu'il l'entend. Il aime aussi jouer avec des dispositifs chromatiques très singulier. En sorte que son formalisme prend une tournure plutôt originale et plaisante. Il a rejeté le sérieux et la rigueur absolue de ses grands prédécesseurs. Et il 'est dirigé vers une direction qui peut avoir deux lectures : celle de la rigueur formalité et celle de divertissement spéculaire. Chez les deux artistes, l'un et l'autre vont de paire, avec des mobiles et de finalités assez différents, mais toujours avec la mise en avant d'une volonté commune de dépasser les codes de l'art abstrait géométrique pur et dur.




Théorie de la restauration, Cesare Brandi, traduit de l'italien par Monique Bacelli, Allia, 160 p., 14 euro.

Avant de commenter ce livre, il est indispensable de dire deux mots sur la personnalité et l'oeuvre de Cesare Brandi (né et mort à Sienne, 1908-1988) qui et malheureusement peu connu en France. Il a fait ses études supérieures à l'université de littérature de Florence. En 1930, il est nommé à la Sopraintendenza dei Monumenti e Galerie de Sienne. Il devient ensuite inspecteur au sein de l'administration des antiquités et des beaux-arts, pour ensuite diriger la Soprintendenza ai Monumenti de Bologne. Il publie sa première monographie sur le peintre et poète ferrarais Filippo de Pisis après avoir visité son atelier à Paris. En 1936, il devient inspecteur à la direction de antiquité et de beaux-arts, puis et nommé Provveditore agli Studi à Udine. Deux ans plu tard, om est muté à l'Education nationale.
Il fonde en 1939 le Reggio Istituto Centrale del Restauro (ICR), qu'il dirige jusqu'en 1959. Son livre Teoria del restauro, qui constitue la somme de son expérience dans ce domaine, a été publié en 1963. Il a aussi longtemps enseigné, a travaillé comme journaliste (en particulier au Corriere della Sera), a même créé une émission de télévision intitulée « A tu per tu con l'arte » en 1975. Il a produit un grand nombre d'ouvrage sur l'art surtout sur la Renaissance siennoise, mais également sur l'art contemporain), la musique, l'architecture, ainsi que de carnets de voyage et a écrit également une Teoria generale della critica en 1974. Telle qu'on peut la lire aujourd'hui a Théorie de la restauration peut paraître qu'une série de truismes étant donné la façon dont nous sabordons aujourd'hui la question -, pour l'essentiel dan une optique scientifique très fine. A l'époque où il a fondé l'ICR, juste avant la dernière guerre, la question dont il débat longuement dans son livre pour avoir une idée précise sur les ajouts et les remaniements. Il examine avec soin ce qui peut être extrapolé (en fonction de l'environnement de l'oeuvre, du contexte historique, etc.) et ce qui est absolument interdit de faire (par exemple, imaginer ce qui correspond à une lacune).
Il s'interroge aussi sur les différentes restaurations qu'un tableau ou une statue ont pu connaître : faut-il les annuler complètement ou pourraient-elles faire partie de son histoire ? C'est la question qui se pose aujourd'hui avec la flèche en bois de neuf tonnes inventée a posteriori par Viollet-le-Duc pour Notre-Dame de Paris. En somme, ces pages sont une remarquable introduction à la pratique de la restauration des monuments et des oeuvres d'art car de très nombreux critères s'ajoutent aux principes de base et aux règles fondamentales à ne jamais transgresser. Cet ouvrage demeurera longtemps le vadémécum de qui entend faire carrière dans cette profession, qui requiert des jugements assez complexes (de l'histoire à l'esthétique, en passant par mille autres problématiques dont celles techniques) et des connaissances de plus en plus nombreuses. Mais les piliers de la méthode sont tous inscrits dans ces pages.




Arendt, sous la direction de Martine Leibovici & Aurore Mréjen, L'Herne, 312 p., 33 euro.

A propos de l'affaire Eichmann, Hannah Arendt & Karl Jaspers, « Cahiers », L'Herne, 112 p., 14 euro.


Hannah Arendt (1906-1975) et dorénavant reconnue comme un de grand penseur du XXe siècle. Mais elle demeure inclassable, comme si elle devait demeurer le vilain petit canard de la philosophie qu'on ne parvient pas à classer dans une quelconque catégorie ni à rattacher à une école moderne. Née à Linden, près de Hanovre, elle a passé ses jeunes années à Königsberg. Puis elle va étudier la philosophie à Berlin, où elle devient l'élève de Marin Heidegger. Elle est devenue la maîtresse de ce dernier qui était marié. Elle soutient sa thèse sur l'amour chez saint Augustin sous la direction de Karl Jaspers avec lequel elle continuera à entretenir des relations amicales. Cette thèse et publiée en 1929. Mais elle ne peut pas à enseigner à cause de loi raciale édictée par le régime nazi. Elle épouse Günther Anders en 1929. Elle quitte l'Allemagne en 1933 pour s'exiler d'abord à Paris (où elle s'engage à favoriser la fuite de ressortissants allemands d'origine juive) puis aux Etats-Unis en 1941. Après avoir divorcé d'Anders, elle épouse en 1940 le poète allemand Henrich Blücher. Elle collabore au journal juif de langue allemande Aufbau. Après la guerre, elle retourne en Allemagne et témoigne en faveur d'Heidegger accusé de complicité avec le régime nazi.
En 1946, elle publie What is Existenz Philosophy ? Son ouvrage majeur paraît entre 1951 et  1966 : The Origins of Totalitarism. En 1960, elle e rend à Jérusalem pour suivre le procès d'Eichmann, dont elle rend compte dans les pages du New Yorker. Dans le copieux Cahier de L'Herne, on peut se faire une idée assez précise de qui a été Hannah Arendt et quelle a été sa pensée. Le auteur de on volume en font une excellente présentation. Roger Berkowicz explique très bien ce qui a pu tant gêner le lecteur de sa considérable étude sur le totalitarisme : elle dénonce le nazisme, sur quoi tout le monde s'accorde, elle critique aussi le socialisme de l'Union Soviétique. A l'époque, les partis communistes bénéficient encore d'une grande influence en Europe occidentale et parmi les intellectuels américains. Il expose avec clarté et pertinence les différents points développés par l'auteur à propos de ces régimes fondé sur la terreur. Il nous apprend qui ce qu'Arendt entend par « désolation », un thème qu'elle reprend par la suite. D'autres auteur apportent leur contribution à cette lecture : Vincent Lefebvre d'une part Claudia Hib et Matias Sirczuk. En sorte que la partie consacrée à la vaste et complexe question du totalitarisme est traitée avec beaucoup de discernement. Une autre partie est entièrement dédiée à la question juive. Mais là ce ont deux textes inédits d'Arendt qui retiennent notre attention : « Histoire juive - fin de l'histoire allemande » et « Protocoles du Jungjüdiche Gruppe », un document précieux sur le problème sioniste.
Le premier de ces textes, probablement écrit en 1941, examine comment s'est élaborée une doctrine scientifique du Reich en ce qui concerne la question juive. On trouvera aussi dans ce volume passionnant de essais sur sa pensée politique et sur le cheminement de sa philosophie (très intéressant l'étude de Martine Leibovici sur sa relation intellectuelle avec Heidegger). Le volume contient un grand nombre de lettres inédites (dont celles adressées et reçues d'Hermann Broch, l'auteur des Somnambules et de La Mort de Virgile et quelques écrits qui n'ont pas encore été publiés. C'est là un ouvrage indispensable.
Le petit volume qui a été publié dans la collection « Carnets » est un recueil indispensable pour comprendre la position adoptée par Hannah Arendt lors du procès intenté à Eichmann. Le premier essai que nous y découvrons est celui de son vieil ami Karl Jaspers paru dans Provokazionnen en 1969. Ce texte a été publié après la publication de Eichmann in Jerusalem. A Report on Banality of Evil. Jaspers répond aux questions de Peter Wyss en 1965 et met en avant le fait que la philosophe a Tenu à parler de la résistance allemande, ce que tout le monde s'interdisait alors. Il explique ensuite pourquoi elle s'en est prise aux organisations juives pendant l'holocauste. C'est en fait une question très délicate et qui n'est pas tout à fait simple à expliquer. La docilité contrainte des Jugenräte a facilité la tâche de SS et a peut-être aidé à la bonne marche de la solution finale. Quant à la personnalité d'Eichmann, il souligne le fait qu'Eichmann a été tout sauf un esprit démoniaque.
Ce que ce procès a montré, c'et un homme an imagination, assez peu à même de comprendre les conséquences réelles de on rôle pourtant majeur dan l'extermination de millions de personnes. Cette vision ne pouvait pas être admise par tous le Juifs qui ont survécu ou à ceux qui ont assisté au procès. Karl Jaspers a fait ici un excellent résumé de cette pensée qui allait à rebours de la majorité de commentateurs. Ensuite vient le texte d'Alexander Mitscherlich, « Dans la peau de l'accusé », paru en 1965, qui est une défense et illustration de la manière de voir ce procès en essayant de comprendre le criminel nazi « de l'intérieur ». De plu, elle s'était interrogée sur le fait que quasiment personne ne s'était offusqué de cette volonté génocidaire de la part du régime. Question on ne peut plus gênante ! Enfin, ce petit recueil s'achève par la traduction de deux textes inédits d'Arendt, « Discussion avec les étudiants juifs... » (1963) et « Le problème juridique du procès Eichmann » (1964) qui met en avant l'absence de fondements légaux pour juger un personnage tel que celui-là. Cet ensemble est essentiel pour entrer dan la logique d'Hannah Arendt et l'une des meilleures façons de pénétrer sa pensée en apparence tellement marginale.
Gérard-Georges Lemaire
07-10-2021
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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