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[verso-hebdo]
31-05-2018
La chronique
de Pierre Corcos
Reconstitutions
Jusqu'au 23 mai s'est joué au Théâtre de l'Aquarium, à la Cartoucherie de Vincennes Reconstitution de Pascal Rambert. Il a assuré la mise en scène, la scénographie et les lumières de ce spectacle dont il a écrit le texte. Insistons d'autant plus sur la complétude minutieuse de cette création qu'ici - tout comme chez Vladimir Velickovic, le dessinateur et peintre - les réalités charnelles se voient inscrites dans des agencements millimétrés. Pascal Rambert chorégraphie, éclaire avec précision les intermittences du coeur. Et l'intime ne doit pas plus être prétexte aux formes floues que la passion amoureuse au brouillon déballage... Un homme et une femme se sont aimés et se retrouvent pour essayer de reconstituer le moment de leur rencontre, de leur désamour, et les conséquences de cette histoire sur leur vie, jusqu'au moment présent. Sur le plateau, où ce face-à-face s'opère comme un étrange rituel, des tables (la table du passé, la table de la reconstitution…), des caisses emplis des éléments de leur histoire, un établi : l'opération d'anamnèse sur la maladie d'amour peut commencer. La femme est maîtresse de jeu, l'homme s'exécute. Elle habite le corps, dirait-on, mais lui est en retard sur la question. Il y aurait sans aucun doute quelques postures de vérité dans ce yoga qu'elle initie. Et tout le spectacle s'instaure dans un artifice parfaitement assumé, une mise à plat esthétisée du fait amoureux. Dialogue, interpellation, confidence, déclaration de (res)sentiment jusqu'à cette scène finale où le couple, dénudé, se pétrifie comme deux gisants. Bien entendu, aspirant à une lumineuse éternité, les grandes histoires d'amour tôt ou tard se confrontent à l'ombre gigantesque de la mort. Tout se referme, la reconstitution de leur belle histoire est achevée : Guy Delamotte et Véro Dahuron, touchants de fragilité, suscitent l'identification du spectateur, par ailleurs admiratif devant cette rigoureuse partition.

C'est une autre sorte de reconstitution que Myriam Saduis et Valérie Battaglia (dramaturgie) nous ont offerte dans le spectacle Amor mundi (sous-titre : portraits d'une pensée) et qu'on a pu voir au Théâtre des Martyrs, à Bruxelles, jusqu'au 26 mai dernier. Reconstituer ce moment pathétique où une bande amicale de réfugiés se retrouve, lors d'une soirée, exultant d'avoir échappé à une épouvantable catastrophe, mais aussi accablés d'en avoir été les témoins historiques privilégiés. Car ces témoins sortent de l'ordinaire par leur esprit, leur pensée, leur éthique, leur vrillante lucidité : il s'agit d'Hannah Arendt, de son mari Heinrich Blücher, d'Hans et Lore Jonas, de Robert Gilbert, et puis d'une amie américaine, la romancière et journaliste Mary McCarthy. On précisera illico que les deux créatrices du spectacle ont voulu à tout prix éviter le genre à la mode du « biopic », mais tout aussi bien la pièce didactique sur la pensée d'Hannah Arendt... Depuis les spectacles de Jourdheuil et Perret au moins, spécialistes en la matière, on sait qu'aborder une philosophie au théâtre nécessite - sauf à être ennuyeux, irrecevable - une (re)création originale où la dramaturgie joue un rôle majeur. Donc il s'agit de fabriquer des scènes à partir de concepts, du « drama » à partir d'une intellection. Et, de scènes qui, métaphoriquement, symboliquement, évoquent la folie d'un monde où l'humain fut piétiné par le nazisme, les fascismes, qui exaltent aussi la force rédemptrice de l'amitié, Amor mundi en regorge, Myriam Saduis et Valérie Battaglia ayant été généreuses en musiques, lumières, accessoires étonnants. Si bien que, de cette tension entre le spectacle pur et la finalité pédagogique, le spectateur apprécie l'étonnante dialectique. Tout comme il ressent combien la joie folle s'impose après le désespoir absolu, et comment l'Amor mundi reste la bonne réponse possible aux terribles forces de destruction. Gageons que ce spectacle jouera comme un réveil, tragique et joyeux, de lucidité ! Fidèle ainsi à celle qui écrivait : « Les hommes qui ne pensent pas sont comme des somnanbules ».

Longwy Texas - Au pays des pères de et par Carole Thibaut, à la Maison des Métallos : une sorte de conférence à peine théâtralisée, qui évoque l'histoire de la sidérurgie, des aciéries lorraines, et reconstitue à travers une histoire sociale et des documents de l'époque, entremêlés de souvenirs d'enfance (car elle est née là-bas de père, grand-père et arrière-grand-père ouvriers dans les forges de ces aciéries), le temps où l'industrie française, avant les implacables logiques de la mondialisation, faisait la richesse de tout un territoire. On appelait d'ailleurs cette région « le petit Texas français ». D'où le titre du spectacle... De sa voix tranquille, Carole Thibaut raconte les luttes ouvrières désespérées de la fin des années 70, quand il fut décidé que les usines n'étaient plus rentables et devraient fermer. Elle évoque aussi la culture masculine qui s'impose dans un environnement où les femmes sont souvent interdites d'entrée dans les usines. On pense au livre d'histoire de Gérard Noiriel, Longwy, immigrés et prolétaires (1880-1980), mais aussi, puisqu'il s'agit de l'héritage symbolique laissé par un père, au roman autobiographique d'Annie Ernaux, La place. Cette reconstitution, conjuguant le « nous » et le « je », suscite à la fois tendresse, colère et mélancolie.
Dommage que le spectacle n'ait pas été présenté plus longtemps en mai : avec fort peu de moyens, Carole Thibaut nous a montré que les cadres sociaux et politiques de la mémoire, même la plus personnelle, pouvaient concourir eux aussi à notre émotion.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
31-05-2018
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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