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[verso-hebdo]
04-04-2019
La chronique
de Pierre Corcos
Un photographe inhabituel
Le photographe dont il va être ici question n'est pas sorti d'une école de photographie, pas plus qu'il n'a appartenu à une agence photographique. Enfin, il n'est même pas considéré principalement comme un photographe... Et si jusqu'au 14 avril, le Pavillon Populaire de Montpellier (dédié à la photographie depuis sa restructuration en 2010) consacre à Andy Summers une première rétrospective mondiale d'envergure - avec une sélection de 185 tirages, inédits pour la plupart, complétés de 200 petits formats de la série Let's get weird -, ce n'est pas seulement que la démarche qui s'intéresserait au violoniste qu'était aussi Ingres (ou bien au cordon-bleu qu'était aussi Rossini) aide à mieux comprendre ces artistes, c'est aussi et surtout qu'elle va déceler un talent second que le premier, bien plus connu, dissimulait.
Combien en effet savaient qu'Andy Summers, le guitariste et compositeur anglais du groupe pop mythique The Police, était également un talentueux photographe ? Et combien, l'apprenant, accepteront ensuite de compléter, voire rectifier l'image qu'ils se sont faite de ce musicien au succès immense dans les années 80 ? La spécialisation artistique crée une identité si puissante, en effet, que Gilles Mora, commissaire de l'exposition, et directeur artistique du Pavillon Populaire, a dû en tenir compte. Et tout le premier étage du lieu est ainsi consacré aux photos (accompagnées d'extraits d'un journal de bord attachant) des tournées du groupe. Les rockers fans, qui passeront ici, ne seront donc pas déstabilisés ! D'autant plus qu'une bande sonore, diffusée en continu, a spécialement été composée par Andy Summers...

Le titre de cette exposition, Une certaine étrangeté, expression empruntée au poète Coleridge rappelle Andy Summers, donne une idée assez juste de ce qui unit la plupart des photographies présentées. Si, d'après l'artiste, les deux valises remplies d'« instantanés » jaunissant, monochromes aux bords dentelés évoquant la jeunesse de ses parents, étrange « voyage dans le temps, le monde avant que je n'y naisse », furent sans doute à l'origine de sa passion pour la photographie, c'est bien la musique, et particulièrement celle, « anguleuse, dissonante et asymétrique » (sic), de Thelonious Monk qui a formé sa sensibilité. Et cette sensibilité-là, devenue son soi authentique, fut également le guide esthétique de ses choix photographiques, le conduisant vers l'inhabituel, le plus souvent, l'étrange. « Les choses deviennent intéressantes quand il y a un paradoxe ou une ambiguïté - quelque chose qui nous sort de notre zone de confort », écrit Andy Summers. Parfois l'étrange est là, dans la réalité, il suffit de l'apercevoir et le saisir dans l'objectif : c'est un objet qui n'est pas reconnaissable, ou une tenue très curieuse, ou bien une scène de prime abord incompréhensible, ou un jeu de reflets qui brouille les repères, ou encore un contrejour aux effets bizarres, etc. Mais d'autres fois, intentionnellement et par différents procédés, Andy Summers crée de l'étrange dans ses photographies : c'est par exemple le recours à l'ombre ou au flou qui tend à « fantomatiser » le réel, ou à un cadrage, à un détourage contrariant les habitudes visuelles, ou encore à des différences d'échelles qui dérangent la perception... Les photos sont prises un peu partout dans le monde, au gré et en marge des nombreuses tournées du groupe musical.
Dans la première série de photos étranges, on peut admirer celle montrant une tête trempée de cheval aux yeux inquiets, émergeant de la mer, tandis que, lui tournant le dos, on voit le haut d'un homme, qui semble être un cavalier souhaitant l'enfourcher à l'envers ! Il y a aussi cette curieuse surface blanche plissée qui s'avère n'être que le dos couvert d'un tee-shirt d'une femme assez ronde. Et là, que vient faire ce zèbre dans un bel appartement ?... Dans la seconde série, celle des photos qui fabriquent l'étrange plus qu'elles ne le recueillent, on est frappé par cette maquette de voilier « échoué » sur des rochers qui donne, par la différence d'échelles, un curieux effet. Intrigué par ce floutage du second plan et par un énorme premier plan de capuchon tout noir : une évocation menaçante du quartier de Soho. Et encore cette photo : prise dans la lumière, la fumée soufflée par ce Chinois qui vapote prend, grâce à un cadrage resserré, une impressionnante valeur... Parfois l'étrangeté n'est pas si flagrante, ou alors elle procède simplement d'un champ culturel qui nous est étranger. Et ce sont là sans doute les limites de cette belle exposition, qui aurait gagné à être plus sélective sur son thème.

Il est vrai que, parmi ses influences photographiques reconnues, Andy Summers admettait le rôle que jouèrent d'abord pour lui la photographie documentaire et la « street photography ». Et ce n'est que lorsqu'il tomba sous le charme de Robert Frank et Ralph Gibson qu'il se tourna vers une pratique plus « autofictionnelle », plus introspective de la photographie. Comme un journal intime en images, faisant se rencontrer les téléscopages de son inconscient, les « condensations » de ses rêves, et cette « inquiétante étrangeté » (Freud) que semble revêtir parfois le réel lorsqu'il se fait le miroir involontaire de ce qui devait en nous rester caché... Alors ce photographe inhabituel qu'est Andy Summers devient le témoin privilégié de ce qui, dérangeant nos habitudes somnolentes, éveille notre intériorité.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
04-04-2019
 

Verso n°136

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