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[verso-hebdo]
28-01-2016
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Les Grands auteurs juifs de la littérature française au XIXe siècle, une anthologie, Maurice Samuels, Hermann, 136 p., 22 euro.

Cette précieuse anthologie a la grand mérite de nous faire découvrir une chose surprenante : il a existé une littérature spécifiquement juive en France à l'époque où Alexandre Dumas publiait en 1853  Isaac Laquerem peu après le grand succès d'Eugène Sue, le feuilleton du le Juif errant (1844-1845). Ce genre d'ouvrages dérive directement de la célèbre Bibliothèque bleue, comprenant des livres populaires, imprimés à la diable, mais d'un prix très abordable, publiée essentiellement à Troyes, et qui était vendu en province et beaucoup par des colporteurs dans les campagnes de France depuis la fin du XVIIIe siècle : le Juif errant était un de ses grands succès avec la vie des saints et les ouvrages pratiques. De plus, les grands romans de cette époque étaient combles de personnages israélites pas nécessairement sympathiques et souvent dépeint selon des schémas archétypaux. Des ouvrages ouvertement antisémites voient le jour par exemple avec Alphonse Daudet, dans un conte de Noël, Salvette et Bernardou (1873) et dans un roman, l'Evangéliste, paru en 1882, un an avant qu'il ne finance la France juive d'Edouard Drumont. Ce que nous fait découvrir Maurice Samuels, un universitaire américain, c'est que dans une Europe où le juif n'était pas particulièrement bien traité par les hommes de lettres (il commet néanmoins une erreur grave en fustigeant Walter Scott qui, dans Ivanhoé, dénonce l'antijudaïsme médiéval et la belle Rebecca celle qui sauve le héros d'une mort certaine). Quoi qu'il en soit, les auteurs qu'il nous fait découvrir n'ont pas la dimension d'un Benjamin Disraeli (1804-1881), dont les hautes fonctions politiques ne l'ont pas empêcher de produire une importante suite de romans, dont Vivien Grey (1831) ou Henrietta Temple (1837). Il y a une raison à cela qui n'a pas de relation avec le personnage politique de Disraeli, mais au fait qu'il s'adressait aux lecteurs anglais sans distinctions. Les auteurs que nous découvrons s'adressent, pour l'essentiel, aux autres Juifs de notre pays ; Les problèmes qui sont soulevés dans ces nouvelles sont le plus souvent liés au respect des traditions et, bien entendu, le respect des règles delà religion. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une période où l'assimilation est un désir prédominant et qu'une grande partie des Juifs se convertissent au catholicisme, ou négligent leurs devoirs spirituels. L'adhésion aux idées les plus novatrices, aussi bien en philosophie que dans les sciences, puis l'apparition du sionisme, l'invention de la psychanalyse, le développement des courants révolutionnaires ou socialistes qui les attirent en nombre, sont autant de raison de laisser derrière eux les vieilles lunes de la synagogue ; la majorité de ces nouvelles sont la mise en scène d'un conflit entre l'amour et la soumission aux impératifs religieux. Prenons par exemple le récit d'Alexandre Weill (1811-1899) écrit en 1860 et intitulé « Braendel ». La passion qu'éprouve cette jeune fille très pieuse pour un jeune garçon, Joël, se termine par un stupide accident de cheval. Mais ce qui compte ici, c'est la résolution de Braendel de ne pas déroger aux décrets divins, en tout cas plus que l'intrigue sentimentale. D'autres s'attachent à décrire la situation des Juifs dans le pays où il vivent, comme on peut le constater avec « Grandeur et décadence d'un taleth polonais » (1841) de Ben-Levi (pseudonyme de Golchaux Baruch Weil (1806-1878). Eugénie Foa (1796-1853). Issue d'une famille aisée de Haïti, elle a été la première femme écrivain de langue française dans le monde juif. Ses oeuvres de fiction concernent surtout les relations violentes entre chrétiens et juifs et elle s'y est démontrée un fervent partisan de l'émancipation du poids des traditions. « La Kalissa » reproduite ici (1833) relate une histoire où une veuve doit décider si elle accepter le mariage avec son beau-frère pour « relever sa maison ». Elle veut montrer à quel point les femmes sont prisonnières des préjugés ancestraux. Sans être de grandes pièces de la littérature française de l'époque romantique, ces nouvelles sont très révélatrices des tensions qui ont existé au sein de cette communauté qui s'est avérée de plus en plus hétérogène et surtout de plus en plus divisée sur les questions de l'orthodoxie judaïque. Le combat des anciens et des modernes y est fondamental. Les écrivains qui plaident en faveur du respect des règles d'autrefois sont enclins à consolider les mythes et légendes qui entourent les communautés anciennes. Les réformateurs poussent leurs lecteurs à s'interroger sur le bien-fondé de ces résurgences des temps passés, donc des observances religieuses, qui mettent les Juifs à l'écart de la société. Dommage qu'on ne découvre pas ici comment a été interprétée par ces auteurs la question du sionisme qui se pose à la fin du siècle.




Une vie, Hanna Axmann-Rezzori, sous la direction de Robert Bonaccorsi, Villa Tamaris / La Nerthe, 216 p., 35 euro.

La passionnante exposition qui vient de s'achevée à la Villa Tamaris de La Seyne-sur-Mer est accompagnée d'un catalogue qui est richement documenté. Ce dernier nous permet de faire la connaissance d'une femme hors du commun et, jusqu'à présent, inconnue en France. C'est une biographie très bien faite par Robert Bonaccorsi. Cette personnalité peu commune a vu le jour le 14 juillet 1921 à Bachun, en Rhénanie du Nord. Son père était un industriel allemand qui avait réussi et sa mère est une Juive convertie au catholicisme. Sa fille Hanna peut suivre des études très soignées en Suisse et elle connaît une enfance plutôt heureuse et sans problèmes. Mais l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir, puis les premières lois raciales de 1935 commencent à rendre la vie de cette famille aisée de plus en plus compliquée et bientôt de plus en plus dangereuse. Oscar Axmann ne veut pas se séparer de son épouse, et celle-ci est résolue à ne pas accepter les conditions imposées par le pouvoir nazi ; elle décide de vivre dans la clandestinité. Elle va donc vivre cachée dans un discret pavillon de chasse en Bavière. Les enfants restent à la maison et n'ont pas de problèmes jusqu'en 1944. Alors Hanna part vivre dans les montagnes en attendant l'effondrement du régime. Si elle est sortie indemne comme tous ses proches de ces années effroyables, elle ne désire plus vivre en Allemagne. Le hasard veut qu'elle embarque dans un navire à Brême en 1946 qui transporte aux Etats-Unis d'anciens déportés ! La jeune femme arrive à New York le 24 juin 1946. Elle se fait vite des relations : elle y rencontre bientôt un jeune poète viennois, Arthur Gregor, qui devient son cicérone. Et elle fait la connaissance d'écrivains en vue, comme James Agee. Mais ce n'est la littérature qui l'attire, mais l'exercice de la peinture. Elle présente ses travaux à des amis, les Coleman, qui ont eu une galerie et ils lui organisent une exposition en 1947. Par ailleurs, elle a pris un agent car elle rêve de faire du cinéma. Elle tourne un bout d'essai en vue d'un film intitulé The Great Sinner, inspiré du Joueur de Dostoïevski et obtient un premier rôle dans The Red Menace (1949). La voici donc propulsée à Hollywood. Mais le problème est que ce film est l'un des premiers tournés dans l'optique de la politique maccarthyste : c'est l'histoire d'un G.I. qui tombe amoureux de son instructrice au sein du parti communiste. Le film suivant est de la même eau : Underground Spy est un échec comme le précédent. Sa carrière de vedette est hypothéquée par ces productions de propagande. Elle se console en se liant à des personnages notoires d'Hollywood, comme Charlie Chaplin ou Roland Petit. En 1952, elle épouse un acteur, Ed Tierney. Mais elle n'obtient plus que des seconds rôles. Son mariage périclite rapidement (elle divorce en 1953) et ne tourne presque plus. Elle décide alors de retourner à New York. Elle expose une seconde fois chez les Coleman. Après quoi, elle souhaite rentrer en Allemagne. IL est probable que les conséquences de la chasse aux sorcières faite aux Etats-Unis ait joué un rôle dans ce retour dans la mère-patrie. A peine arrivée, elle s'est lancée dans une activité frénétique, tentant de se frayer un chemin dans le monde des coproductions germano-américaines. Cela ne l'empêche pas de reprendre des études à l'académie des Beaux-arts de Munich et de se passionner pour la nouvelle pensée philosophique allemande (elle a une correspondance nourrie avec Adorno). Elle rencontre l'écrivain autrichien Gregor von Rezzori (1914-1998) et l'épouse en 1959. Celui-ci avait commencé à se faire connaître au début des années cinquante, en particulier avec oedipe à Stalingrad et Männefibel. Cet aristocrate originaire de Bucovine, grand romancier, est aussi peintre et collectionneur. Leur mariage a une durée relativement courte puisqu'ils se séparent en 1963. Dans son livre de mémoires, Sur mes traces (1997), il écrit à son sujet : « Ce n'était pas une femme-enfant avec d'innombrables possibilités, mais une femme résolument développée et pleine de vie. Elle promenait avec elle un halo de sensualité comme un essaim d'abeilles dorées. » Pendant cette période elle a organisé un salon dans le quartier de Schwabing où elle recevait la fine fleur de l'intelligentsia allemande, continue à peintre (elle dessine même des vitraux, une fresque également), illustre des livres pour enfants et tourne dans le film Les Désarrois de l'élève Törless, puis dans Baal de Fassbinder. Elle a beaucoup collaboré avec ce dernier, non seulement comme actrice, mais aussi comme décoratrice. Elle est alors animée par le désir de voir renaître le grand cinéma allemand d'avant le IIIe Reich. Par la suite, elle quitte une fois encore son pays natal et s'installe en 1972 à Saint-Firmin une toute petite localité dans les Alpes françaises. Et c'est la peinture qui prend le dessus après ses dernières expériences au cinéma. Ses tableaux relatent ses voyages dans un curieux mélange d'expressionnisme et de collages proches du Nouveau Réalisme. En 1997, la grande galerie Springer de Berlin lui organise une importante rétrospective. Fait curieux, elle n'a jamais écrit qu'un seul livre, un roman, en 1982, Kleine Zeit für Engel, qui reçoit un prix. Plutôt assez douée en de nombreux domaines de la création, elle n'est parvenue à s'imposer en aucun. Ni l'art, ni le cinéma, ni la littérature, n'ont fait d'elles une des grandes figures de la culture du XXe siècle. Malgré tout, sa personnalité et son originalité sont assez grandes pour qu'elle pût représenter quelque chose au cours de singulier dans ce siècle tourmenté avec un rien de mystère que sa beauté étonnante n'a pu qu'exaspérer. Quoi qu'il en soit, elle a joué un rôle à son époque, surtout quand elle est revenue en RFA, qui est loin d'être indifférent car elle fait partie de ces intellectuels qui ont permis à la culture allemande de retrouver sa véritable dimension après la guerre. Sa plus grande création se trouve là, plus que dans ses films et dans ses tableaux, même si ces derniers sont loin d'être dépourvus d'intérêt.




Il déficit estetico nell'arte contemporanea, Giancarlo Pagliasso, Marcovalerio, 230 p., 18 euro.

A nos lecteurs qui lisent l'italien, je ne saurait trop recommander la lecture du dernier essai du Piémontais Giancarlo Pagliasso, Il déficit nell'arte contemporanea. Il s'agit d'une suite d'articles sur des expositions que l'auteur a pu voir aussi bien à la Biennale de Venise qu'au New Museum de New York, dans des galeries en Italie ou à la Foire de Bâle. C'est un voyage qu'il nous propose et au gré de ses déplacement dans son pays, en Europe ou aux Etats-Unis. Chaque fois qu'il rend compte d'un événement, il décrit avec soin les oeuvres présentées et nous offre un commentaire qui forme avec les précédents et les suivants une chaine méditative sur l'état de l'art à notre époque. La forme est amusante, et permet de se rendre compte de l'immense et déconcertante diversité de ce que recouvre aujourd'hui le terme « art ». La bizarrerie de cette circumnavigation est qu'elle nous présentes des artistes célèbres comme Gerhart Richter par exemple, et une multitude d'artistes dont nous ignorions jusqu'à l'existence (peut-être sont-ils connus sous d'autres cieux, ou dans les salles de vente, ou dans un circuit que nous ne connaissons pas). Quoi qu'il en soit, la démarche de Giancarlo Pagliasso a le mérite de faire comprendre comment toutes ces propositions cohabitent dans une lente corrosion de l'idée d'esthétique moderne (au-delà du postmodernisme selon lui, mais là encore faut-il se demande ce que recouvre le terme postmoderne). Sans doute nous ne partagerons pas ses conclusions sur les artistes qu'il a choisi de commenter, ni même ses conclusions sur la situations présente, mais il a au moins le mérite de nous livrer une réflexion qui permet de mettre en scène un vrai dialogue sur la valeur réelle ou supposée de ce bric-à-brac de la création ! Il a écrit ce livre avec beaucoup d'esprit, une certaine ironie, sans donc le sérieux papal des critiques encartés, et n'est pas là pour nous donner des leçons sur ce qui est intéressant et sur ce qui ne l'est pas. Il s'interroge, scrute les créations et nous offre ses premières réactions et ses méditations. Nous devons le remercier nous avoir pris dans ses bagages et de nous avoir fait faire ce périple vertigineux car nous en sortons peut-être encore plus déconcerté qu'au départ, mais en ayant vu et compris beaucoup de choses. Il sait à merveille prendre ses distances avec les « oeuvres » les plus improbables et sait aussi sourire devant les plus sottes. Au coeur de cette foire aux vanités où tout un chacun devient un expert d'art contemporain, heureusement qu'il existe des personnes avisées et qui savent observer les événements pour ne pas sombrer dans le délire et la déréliction !
Gérard-Georges Lemaire
28-01-2016
 
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Verso n°136

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