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[verso-hebdo]
29-06-2017
La chronique
de Pierre Corcos
Photographes de rue
À la différence du photographe de studio, par exemple, qui enferme et soigneusement apprête son modèle dans le cadre de son atelier, le « photographe de rue » saisit l'humain parcourant les espaces publics, séduit qu'il est par le spectacle divers, permanent, renouvelé des passants, de la rue et des microévénements qui s'y déroulent. Mais, comme souvent, cette étiquette imprécise peut désigner des pratiques, thématiques et esthétiques très différentes.

Le photographe de rue et cinéaste néerlandais Ed Van der Elsken (Amsterdam, 1925-Edam, 1990), dont le Musée du Jeu de Paume nous offre jusqu'au 24 septembre la première grande rétrospective en France (La vie folle), traduit en images - tout comme son compatriote documentariste Johan Van der Keuken (Amsterdam, 1938-Amsterdam 2001) d'ailleurs - ce qu'un Franz Hals exprimait  jadis en peintures : la vigueur et la vivacité. Ces qualités transcendent le thème de la photo ou du film, qu'il soit positif ou bien négatif : ce qui témoigne d'une forte adhésion à la vie. Et la composition ou l'expérimentation importent moins ici que la force vivante d'un geste, d'une expression, d'une situation... Il suffit de regarder Pierre Feuillette et Paulette Vielhomme s'embrassant au café Chez Moineau (1953) : l'étreinte de l'homme est vorace, presque violente, le geste de la femme d'une grande sensualité. Observons maintenant l'expression d'un Chet Baker lors d'un concert au Concertgebouw, Amsterdam (1955) : nerfs, muscles, tensions extrêmes, fougue musicale, grimace luisante de sueur « crèvent » de leur véhémence la photo. Dans Jean-Michel Mension et Auguste Hommel (1953), la situation d'un jeune homme allongé, sur la poitrine duquel un autre personnage assis plus haut met son pied, déroute, comme la mimique du personnage étendu sur ce banc... Le monde urbain, cosmopolite d'Ed Van der Elsken (que le commissaire de l'exposition, Hripsimé Visser, a bien mis en valeur à travers photos, films, diaporamas, livres) peut être drôle, sensuel ou désespéré, mais jamais atone, fade ou éteint.
Pour mieux comprendre ce monde photographique, convergeant avec une manière, une technique (ce qui pointe là une vraie signature artistique), il faut avoir en tête la rencontre décisive, après la guerre, d'un photographe hollandais rebelle avec ce Paris bohème de Saint-Germain-des-Prés. Avec sa jeunesse à la fois enthousiaste et désespérée, voulant vivre, aimer, jouir à corps perdu. Quand on apprend la fin tragique, brutale (asile, overdose, suicide par défénestration, etc.) de maints personnages saisis par son objectif, on comprend qu'il y a là une nette rupture avec la rassurante « photographie humaniste » traditionnelle. À cette jeunesse brûlée, « carbonisée », Van der Elsken renvoie une photographie où les noirs profonds et les contrastes saisissants dominent. Peu de jeux sur les nuances, les valeurs intermédiaires. Auparavant, il s'est passionné pour le Paris des mendiants, des clochards, des paumés, des saltimbanques... Très vite, les histoires de ces marginaux, de cette jeunesse énergumène incitent à la scénarisation, et la scénarisation à la forme du livre, où se mêlent documents et fictions : un mode de présentation spécifique à Van der Elsken. Paraissent successivement Une histoire d'amour à Saint-Germain-des-Prés, puis Bienvenue dans la vie, mon petit chéri, et enfin Bye, ouvrage dans lequel, les yeux et l'objectif grands ouverts, il affronte la maladie qui l'emportera, tout comme Van der Keuken. Auparavant « il réalise des films et des documentaires, proches de la Nouvelle Vague par le style et du cinéma-vérité par la méthode » (sic). Les visiteurs peuvent en voir suffisamment d'extraits pour comprendre une personnalité attachante, et cette passion incoercible pour la rue et ceux qui l'arpentent.

Un autre photographe de rue, polonais cette fois, Wladyslaw Slawny (1907-1991), est exposé sur les grilles du Square du Temple, jusqu'au 31 juillet. Beaucoup de ses photos datent des années 50, elles sont en noir et blanc, et le spectacle éphémère de la rue sollicite également l'attention de celui qui fut chef du service photographique dans le grand magazine polonais Swiat, qui accueillera plus tard Willy Ronis, Cartier-Bresson... Faut-il pour autant rapprocher ces deux photographes de rue, Van der Elsken et Slawny ? Nullement ! Slawny pouvait par exemple photographier des événements « officiels » (et donc servir indirectement à la propagande communiste), sa « photographie humaniste »  s'attardait sur les gens ordinaires avec tendresse et respect, évitant les marginaux ou les individualités trop marquées : ce qui n'est pas du tout le cas de Van der Elsken... Si la rue de Varsovie, comme celle de l'Allemagne, de la Yougoslavie, de l'Union Soviétique, reste clairement son domaine, Slawny, dans son traitement bien composé, soigné, peut être ça et là tenté par une forme d'esthétisation - ou d'embellissement si l'on veut -, ce qui est rarement le cas chez Van der Elsken. Enfin Slawny ne répugne pas à se faire badaud parmi les badauds (cf. ses photos du 5ème Festival mondial de la Jeunesse et des Étudiants, « Parade internationale des artistes du cirque »), tandis que le photographe hollandais s'y serait refusé...
Mais, chez l'un et l'autre, la rue, cet immense réservoir de visages, d'anecdotes, de drames entrevus, cette permanente inspiration pour des esthétiques variées, ce lieu qu'aiment fréquenter les « amoureux du tout-venant » (Brassens), la rue nous raconte la vie, en nous dévoilant la Ville, cet englobant insaisissable en son flux, ses réseaux, ses intensités.
Pierre Corcos
29-06-2017
 
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Verso n°136

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