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[verso-hebdo]
11-01-2018
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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A propos du retour de la Figuration libre |
L'exposition qui vient de s'ouvrir au Fonds Hélène&Edouard Leclerc pour la culture à Landerneau (jusqu'au 2 avril) constitue un événement important. D'abord parce que, sous le titre Libres Figurations années 80, il a une véritable dimension internationale : sont réunis par la commissaire Pascale Le Thorel aussi bien les graffitistes new-yorkais que les bad painters berlinois ou les artistes critiques russes (alors clandestins) et bien sûr notre petite bande nationale de la Figuration libre. Ensuite, parce qu'il restitue de manière très convaincante l'atmosphère effervescente de ces fameuses années 80 marquées, au moins en France, par le souffle de liberté né de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Dès l'année suivante, par la volonté de François Mitterrand, les fréquences s'ouvraient et les radios se multipliaient ! J'occupais quant à moi une heure d'antenne chaque samedi sur Ark.en.ciel_fm (« la radio arts et spectacles ») pour mon émission « Ecoute voir », et je voyais défiler au micro toutes sortes de jeunes plasticiens littéralement ivres de leurs possibilités d'expression nouvelles. Parmi eux, quelques uns de ceux qui exposent aujourd'hui à Landerneau, mais aussi certains de ceux dont Pascale Le Thorel indique simplement qu'elle aurait pu les inviter, comme Jérôme Mesnager, qui se peignait le corps entièrement nu en blanc le long des voies de chemin de fer, et taguait dans cette tenue ses « hommes en blanc » un peu partout au grand ébahissement des voyageurs : il était vraiment le pionnier des graffitistes à la française.
Côté américain, Jean-Michel Basquiat est représenté par des oeuvres de premier ordre, choisies dans l'année intensément créative 1983, encore loin de celles de la fin (1987-1988) que lui arracherait le business de l'art en le poussant à l'overdose fatale. Devant Florentine Red et Untitled (Spermatozoon), deux extraordinaires acryliques et crayon gras sur toile, on pense irrésistiblement à l'épitaphe rédigée par André Breton pour Antonin Artaud : « A jamais la jeunesse reconnaîtra pour sienne cette oriflamme calcinée. » Les autres, presque tous les autres exposants de toutes nationalités correspondent assez bien à ce que dit Buddy Di Rosa de lui-même : « ça a été principalement le rock and roll, la BD, la télé. Aujourd'hui, c'est toujours ça qui me passionne et m'inspire. »
Historiquement, iI y avait peu de filles parmi les artistes des libres figurations, mais Pascale Le Thorel ne les a pas oubliées. Heureusement, car Samantha Mc Ewen, Catherine Viollet ou la regrettée Marie-Odile Camdessus, par exemple, échappaient aux excès de vulgarité dans lesquels s'égaraient complaisamment certains de leurs camarades garçons. Il faut s'arrêter devant le magistral Paravent (1982) de Catherine Viollet, acrylique sur carton et linoléum collé : les moyens sont pauvres, mais le résultat est un splendide travail de pure peinture, rapidement composé sans la moindre hésitation. Samantha McEwen, défendue par Tony Shafrazi à New York (un acteur essentiel de l'histoire des libres figurations, judicieusement interrogé par la commissaire dans le catalogue), peignait avec sensibilité, vers 1986, des animaux - zèbres ou gazelles - et des gamins mélancoliques. On comprend que l'univers « marqué par la drogue et le sida » n'était pas le sien et qu'elle l'a quitté. Quant à Marie-Odile Camdessus, elle créait des petits personnages sortis de l'actualité, dans un style inspiré de la BD et du dessin animé, certains coulés en bronze. L'artiste ne manquait pas d'humour : cette enfant de l'un des plus grands banquiers de la planète (elle ne s'en vantait pas !) avait choisi pour thème d'une série Le casse de Nice (1987), autrement dit le fameux « casse du siècle ». Son héros était Albert Spaggiari qui avait écrit sur les murs de la salle des coffres de la Société Générale de Nice : « Ni armes, ni violence et sans haine ». Ce pourrait être aussi la devise des libres figurations, toutes tendances confondues, et c'est bien ce qui les rend sympathiques. Une exposition à ne réellement pas manquer, au moins par le moyen de son excellent catalogue.
www.fonds-culturel-leclerc.fr
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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