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[verso-hebdo]
10-09-2015
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

André Derain, le titan Foudroyé, Michel Berzlat, Hazan, 384 p., 39 euro.

André Derain n'a pas eu droit aux honneurs de la postérité à égalité avec Braque et Picasso. Et pourtant il a été à l'origine du fauvisme, comme il a été à celle du cubisme. Sans doute n'a-t-il pas eu la volonté surhumaine du premier à surpasser tout ce qui se faisait de son temps, ni même la volonté du second de décliner le cubisme avec le désir de pousser toujours plus loin ses implications même dans la représentation la plus éloignée qui soit des premières expérimentations. Sans doute le voyage dans l'Allemagne du IIIe Reich pendant l'Occupation, bien qu'il ait été rapidement absous de ce péché de collaboration, n'a pas contribué à sa renommée universelle. C'est sans doute son « retour à l'ordre » (Picasso a pourtant fait de même au milieu de la Grande Guerre) qui a été la cause majeure de la défection dont il a été victime. Et pourtant, ce garçon qui n'a démontré pendant son enfance aucune disposition particulière pour le dessin ou la peinture, va devenir l'un des piliers de l'art moderne au début du XXe siècle. Après des études assez médiocres, il s'inscrit à l'Académie Camillo, où il fait la connaissance de son aîné Henri Matisse. Puis il rencontre Vlaminck, et avec lui, c'est la grande amitié. Il fait partie d'une génération qui a le sentiment d'être arrivée trop tard, après tout ce qui était audacieux de faire, des impressionnistes aux Nabis en passant par Van Gogh, Gauguin et aussi le symbolisme. Et pourtant, c'est le postimpressionnisme qui le conduit, comme ses camarades, à se libérer de certains carcans pour se livrer à la couleur. Et cela les conduit à la « cage aux fauves » du Salon des Indépendants, puis à la relation étroite avec Ambroise Vollard. Le succès des fauves est presque immédiat. Chatou, Collioure, La Ciotat, Londres, sont les étapes clefs de son cheminement vers un art qu'il a mûrement réfléchi et qu'il veut traduire par tous les moyens possible - la sculpture, la céramique, la xylographie. Braque avait rejoints ces « peintres enragés ». En revanche, il rencontre Picasso quand il vit à Montmartre et commence à avoir une relation forte. L'auteur insiste sur le fait que Derain a été le premier à s'intéresser aux arts primitifs. Il a commencé l'aventure du cubisme en développant les intuitions de Cézanne et puis il s'en est retiré (en partie). Sans doute parce qu'à chaque fois, il s'est retrouvé, en seconde position, malgré ses merveilleuses Baigneuses de 1908. Aussi s'éloigne-t-il des recherches de ses amis dès 1911. Il fait cavalier seul, mais demeure l'un des préférés de Kahnweiler. La guerre interrompt en partie cette épopée artistique. Si elle reprend de plus belle après l'armistice, c'est dans d'autres termes. Derain s'éloignent de ses anciens amis, dont Matisse, se fâche avec Vlaminck et ne le voit plus. Il rejoint la mouvance européenne du « retour à l'ordre » même s'il flirte avec Breton et les surréalistes. Peu à peu, il est le plus connu des membres de ce qu'on a appelé l' « Ecole de Paris ». L'auteur dresse un portrait passionnant de ce grand peintre, lui rend justice et tente d'expliquer ses choix, même s'il n'est pas aisé à suivre. Le seul reproche que je pourrais lui faire serait d'avoir fait quelques grosses erreurs d'histoire de l'art (par exemple, pas un mot sur Munch et il fait des artistes de Die Brücke de vagues disciples du fauvisme français ! Quelle erreur !), d'avoir négligé de mettre mieux en lumière la mélancolie de l'oeuvre de Derain dès après la guerre, et de ne pas raconté le changement complet de son attitude après la mort de son marchand, Paul Guillaume survenue en 1934. Mais c'est finalement peu de choses par rapport à l'important travail de recherche qui nous permet enfin d'avoir une vision d'ensemble de l'homme et de son oeuvre.




Remarques sur art-sculpture-espace, Martin Heidegger, édité par Hermann Heidegger, traduit de l'allemand par Didier Franck, Rivages poche, 64 p., 5,10 euro.

Martin Heidegger est un des rares philosophes du siècle dernier qui ne s'est pas mêlé d'art. Si seulement il avait pu faire la même chose pour la politique ! Cette brève conférence a été prononcée à l'occasion du vernissage d'une exposition de Bernhardt Heileger le 5 octobre 1964 à St Gall. La première chose que note le grand philosophe allemand, c'est qu'on écrit un grand nombre de choses confuses sur l'art à son époque. C'est une remarque qui mérite d'être soulignée, car c'est l'époque où les philosophes ont commencé à beaucoup s'emmêler des questions artistiques. En revanche il se trompe sur la Grèce ancienne, car il exista bien une littérature artistique ! Il fait état néanmoins d'Aristote et compte s'y référer. Il en subsiste peu de traces, mais elle est là. C'est sans doute un phantasme de l'auteur. Quoi qu'il en soit il a surtout voulu parler du rapport de l'oeuvre et de l'espace, d'un espace qui se transforme matériellement pour passer à ce qui l'intéresse, la relation de l'artiste avec l'espace. Il se demande à ce point qu'est que l'art et qu'est-ce qu'un artiste important - là, il se montre divertissant car il a raison de se moquer des réponses apportées à ce problème. Il évoque Aristote pour définir cet espace, qui est « ce qui vient en présence ». Pour les Grecs était pensé en rapport avec le corps -, donc un lieu assigné. Puis les savants ont fait de l'espace un espace calculable. Kant en fait une forme subjective. Mai subsiste le constat que l'homme n'est pas exclusivement un corps. Pour lui « l'espace espace », c'est-à-dire crée du champ entre l'espace lié au corps et l'espace à l'étant. Ce faisant, il réfute Kant et affirme qu'il s'agit ici de la relation de « l'être » à l'homme. Et il reprend ce qu'a pu déclarer Aristote  en disant que l'art est plus philosophique de la science. Donc plus près de l'essence de la chose. C'est un plaidoyer facétieux avec ce passage permanent des expressions grecques et latines et l'interprétation qu'on peut en donner. En somme, il ne se mêle pas d'art, mais lui donne un sens dans l'espace.




Jacques Poli, oeuvres sur papier, Robert Bonacorsi, Villa Tamaris/La Nerthe, 238 p., 40 euro.

Jacques Poli nous a quitté en 2002. Robert Bonacorsi a décidé de faire une étude (qui est aussi le catalogue d'une exposition à la Villa Tamaris) qui examine l'ensemble de ses travaux sur papier. Etrange démarche que celle de cet homme ! Au début, il a voulu détourner des plans d'autoroutes, en ne retenant qu'un mince fragments, qui lui donnaient un élément visuel qu'il réélaborait. Puis il s'est intéressé au balancier et cet univers mécanique est soumis à un traitement analogue. La référence à l'objet est toujours présente, mais il se changeait en autre chose de purement plastique. Puis ce fut le tour des boulons, qui sont métamorphosés. En somme, le monde objectal est transmué, mais pas annulés dans ses recherches plastiques. Au début des années 70, il s'est emparé de plans techniques, qui lui ont fourni des paradigmes. Ce principe de base s'est développé par la suite avec des objets de toutes sortes. C'est alors devenu sa marque de fabrique. Mais cela n'a pas signifié que son oeuvre s'est figée à ce point. Bien sûr, il a exploité des formes de machines, mais il est passé ultérieurement aux coléoptères, qui, à ses yeux, possédaient de fortes analogies avec les engins fabriqués par l'homme pour l'industrie. La série la plus curieuse est sans doute celle dite « baroque », qu'il a exécutée entre 1980 et 1983. Où il a exploité un répertoire formel propre à l'âge baroque, en extrapolant des détails décoratifs. C'était à la fois très clairement une méditation sur le style, mais aussi un glissement net vers l'abstraction. Après ces années dédiées à l'art ancien, il s'est concentré sur un notion des plus insaisissable : l'éternité. Mais il est revenu au début es années 80 à des inspirations urbaines, comme celle des gratte-ciels de New York pour en arriver à des oeuvres plus abstraites et surtout plus légères dans leur esprit, par exemple avec Les Perruches (1987-1989) et Les Cages (1988-1990), qui sont des prétextes à des variations formelles. Son univers n'a jamais cessé de s'enrichir de nouveaux horizons et s'est conclu par une suite baptisée Gris (2000-2001). C'est un bel album en même temps qu'une analyse très poussée de ce qu'il a pu accomplir.




Terminus radieux, Antoine Volodine, Points, 560 p., 8,10 euro.

J'aurais déjà dû lire ce roman l'an passé, quand il a reçu le prix Médicis, d'autant plus que cet écrivain ne m'était pas inconnu, que j'avais lu plusieurs de ses livres qui m'avaient subjugués. Antoine Volodine représente la relève après Modiano, Quignard et quelques autres, trop rares, qui enchantent nos soirées solitaires. Ce livre est vraiment étonnant. Après un conflit planétaire qui a entraîné la chute de la Deuxième Union soviétique, les rescapés de l'Armée rouge a du fuir dans des régions désolées et dévastées par une sorte de grande peste atomique. Dans ces zones à haut risque, nos héros tentent de survire. Dans ces contrées désolées, ils rencontrent des restes d'une armée défaite, des kolkhoziens rescapés, des individus qui paraissent être devenus immortels malgré les radiations et toutes ces centrales détruites ou endommagées. C'est une immense saga, qui réinvente une Sibérie d'après un conflit atomique, où subsistent vaille que vaille les doctrines, les idéaux, les modes de vie de ces irréductibles combattants désormais coupé du monde dit civilisé. L'épopée du héros de cette saga infernale, Kronauer, paraît un abominable voyage au bout de la nuit halluciné avec ses horreurs, mais aussi ses moments envoûtants et presque merveilleux. Il rentre au « Terminus radieux », mais ne retrouve là que ruines, mort et désolation. Mais une vie étrange continue, avec ses tyrans improvisés et ses bonnes âmes errantes. Des trains qui rappellent à la fois ceux des camps de la mort et celui, légendaire, de Léon Trotski continuent à parcourir les steppes vers une zone de combat hypothétique. Volodine a su rendre l'atmosphère de ce monde désormais condamné et aussi campé des personnages étonnants en imaginant ce monde futur qui est hérité aussi bien de Tolstoï, de Céline et de Burroughs ! Cet auteur a aimé jouer avec le plagiat. Et à force de plagier sans vergogne, il est arrivé à forger une littérature tout à fait originale, décalée et profonde. Ce livre devrait demeurer comme l'un des grands textes de notre début de siècle qui n'avait été jusque là qu'un prolongement languissant du précédent. La tragique quête du guerrier Kronauer paraît n'avoir pas de terme et toutes les figures étranges qui l'entourent, personne ne sait plus si elles sont vivantes ou mortes, réelles ou imaginaires dans ces terres où ne règnent que le souvenir d'un ordre et d'une justice et d'un bonheur.




Paris, Joris-Karl Huysmans, L'Herne, 128 p., 7,50 euro.

Ce recueil de textes de l'auteur d'A Rebours sur Paris est un délice. Le premier est un manuscrit que l'auteur n'a pas entièrement achevé. Il a é dû être rédigé entre 1901 et 1902. Il a un ton balzacien, avec la nostalgie de ce qui est fut et qui n'est plus. Ce qui fait d'ailleurs le point commun de tous ces petits billets est de scander le temps de ces métamorphoses incessantes. La promenade au Jardin du Luxembourg, publiée en 1881, est une pure merveille. Il y a une vivacité dans les descriptions, qui associe tout ce que l'écrivain a perçu ou a retenu des moments passés dans ce séjour idyllique. En sorte qu'en dépit d'une forme sorte toute classique, il rend le mouvement de l'oeil qui observe et qui s'imprègne de toutes ces images. « Le Parc Monceau », écrit la même année est de même nature, même si Huysmans n'y manifeste pas la même empathie pour ce lieu, qu'il n'a pas jugé aussi poétique que le précédent. Et dans les textes suivants, il observe des quartiers, en scrute avec attention l'activité humaine qui s'y déploie et se focalise sur l'activité principale de chacun d'eux. Il y découvre « une histoire nouvelle ». Mais il n'y a rien de proche de Zola ici. Ce n'est pas une analyse sociologique qu'il a entrepris, mais le pur désir de saisir l'essence d'un lieu en un moment précis et dans ses traits les plus remarquables. De la rue du Quatre-Septembre au quartier de Vaugirard, jusqu'au boulevard de Montparnasse, il fait de délicieux croquis du Paris de son temps que les peintres se sont mis eux aussi à observer et à restituer sur la toile. Ces pages valent de l'or : celle d'un passé dont quelque chose nous est parvenu, parfois de manière presque imperceptible, car on ne peut apprécier et aimer Paris sans se couler dans son passé, qu'il soit proche et lointain. Huysmans y fait la démonstration de son extraordinaire talent de stylistique avec cette écriture si dense et condensée, et pourtant si fluide et séduisante.




Poésie éparse, Rainer Maria Rilke, traduit de l'allemand et présenté par Philippe Jaccottet, bilingue, Points, 7,90 euro.

Les Poésies d'amour, Rainer Maria Rilke, choisies, traduites et présentées par Sybille Muller, bilingue, Circé, 144 p., 12 euro.


Etrange sujet que Rainer Maria Rilke (1875-1926) ! Il amené une vie de vagabond alors qu'il est issu d'une famille bourgeoise tout à fait aisée. Son père est le directeur des chemins de fer austro-hongrois à Prague. Mais il ne veut pas trouver un emploi fixe et désire se consacrer exclusivement à la poésie. Il n'a cessé de voyager, devenant l'invité de baronnes et de princesses. En 1901 il épouse une femme artiste, Clara Westhoff. Mais il était aussi peu fait pour le mariage qu'il ne l'était pour la banque. A Paris, sa femme étant une ancienne élève de Rodin, il devient son secrétaire un an plus tard. Mais les choses se passe mal. Cela étant dit, il écrit en 1903 un beau livre sur le grand sculpteur. Ce n'est qu'en 1921 qu'il parvient à se fixer en Suisse (grâce à un mécène !), où il va mourir relativement jeune. Sa poésie est aussi énigmatique que sa vie, qui a été partagée par des passions immodérées pour des femmes et la solitude de la littérature, malgré ses obligations mondaines. Il y a chez lui une étrange exploitation des thèmes symbolistes. Il n'échappe pas à l'esprit de son temps, mais le transforme. Dans la plupart de ses poèmes, peu d'images exorbitantes ou de pâmoisons. Des métaphores complexes, décomposées et recomposées selon une idée neuve. Une simplicité de la langue. Une fluidité rare et une condensation des images pour former un noeud gordien de sensations et de sentiments. Cela est très net dans ses poèmes d'amour réunis par Sibylle Muller. Ce n'est pas un moderniste, mais pas non plus un passéiste. Il va outre ce que le Parnasse et le symboliste sont allés. Il a ce point commun avec Proust et même avec Henry James. Prenons un exemple dans un texte écrit à Paris en 1914 : « Nuit faite de roses, nuit de beaucoup beaucoup/de roses claires, claire nuit de roses/ sommeil des mille paupières de roses,/clair sommeil de roses, je suis ton dormeur. » Il a emprunté des technique de Verhaeren et les a appliquées autrement, avec ces répétions de sonorités, des mêmes mots, dont le sens s'élargit et s'approfondit. Une grande sensualité dans une musicalité singulière. Dans les poèmes épars traduits par Philippe Jaccottet, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas été recueillis en un volume, on découvre des chosées singulières. En particulier des proses, ou dans une versification tellement libre qu'on pourrait croire de la prose, qui sont comme de petits récits. Ce sont de petites merveilles narratives. Son « Narcisse » par exemple a tout à fait l'aspect d'un poème, mais c'est plutôt une histoire qui a une chute terrible. La poésie donne au récit une rapidité et aussi une pente inéluctable qui porte à la fin tragique. Impossible de savoir si Rilke les a perçus comme des oeuvres un peu ratés ou des oeuvres inclassables. Quoi qu'il en soit, à part quelques uns décevants, ils sont étonnants car ils dépassent les genres et relatent une expérience intime en peu de mot avec force, mais presque toujours avec de doux mouvement de son écriture si enjôleuse.




Cher époux, Joyce Carol Oates, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claude Seban, Points, 454 p., 8,10 euro.

Elle est sans nul doute l'un des écrivains les plus prolifiques des Etats-Unis. Son oeuvre est considérable et, en plus, elle s'est offerte le luxe d'avoir deux pseudonymes, Rosamond Smith et Lauren Kelly. Née en 1938, Joyce Carol Oates a commencé à écrire à l'âge de quatorze et ne s'est plus jamais arrêtée. En publie son premier recueil de nouvelles en 1963. Depuis, romans, recueils de poèmes, pièces de théâtre se sont accumulés et elle reçu aussi le National Book Award que le Bram Stocker Price ! Si elle peut aussi bien écrire des romans policiers que des romans fantastiques, sa principale veine est le roman psychologique. Il n'y a guère de différence de style et de conceptions entre Unholy Loves (1979) et le présent roman qui a paru en 2009. Loin d'être un écrivain de recherche, elle préfère cerner son sujet que de découvrir un méthode d'écriture particulière et novatrice. Ses oeuvres sont souvent un abandon sans retenue à un genre de langage qui donne le sentiment que le narrateur (souvent la narratrice) nous livre ses pensées sans beaucoup de filtres et avec des milliers de détails superfétatoires. Dans Dear Husband, dont la publication coïncide avec la disparition de son mari, est l'histoire de la relation qu'une femme peut avoir avec son mari. Excentrique en tout, et en particulières dans les sentiments, Oates a voulu décrire le déchirement que peut être l'intimité obligée que le mariage suppose. Dans ces pages, comme dans la plupart de ses fictions, elle met en scène la violence et l'aberration des relations entre hommes et femmes, et entre tous les humains en général. C'est de la psychanalyse à l'américaine et transposée dans le champ de la fiction. C'est souvent pertinent et intéressant, mais on ne noie trop dans des affaires périphérique (le début est gâté par tous les détails sur la route et delà voiture !) Cela ne peut cependant pas nous conduire à voir en elle un écrivain féministe de bas étage. C'est un auteur qui a fait de ses névroses l'objet de son écriture (soit !) mais qui n'a pas su en mesurer les limites.




Accouplement, Norman Rush, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marianne Véron, Rivages Poches, 816 p., 12 euro.

Ce roman démesuré à valu à son auteur, Norman Rush (né à en 1933 en Californie) le National Book Award en 1991. Il est vrai que ce livre en impose. Il a choisi comme scène de son histoire l'Afrique du Sud et plus précisément le Boswana. Ayant travaillé dans cette région du monde, il la connaît bien et tout le prélude consiste d'une part à la description du petit monde des Blancs qui y vivent et, ensuite, à la présentation de cette jeune femme anthropologue américaine venue étudier les peuples de cette région. On sait bientôt tout sur sa vie privée, ses amants et sur leurs relations. Puis on en arrive à la partie principale de l'affaire qui est un individu dont on parle beaucoup et qu'on tendance à se figurer de façon presque mythologique. Notre héroïne va s'intéresser de très près à ce personnage qui est réputé avoir créer une société utopique dans ces terres lointaines. Sa perception du monde qu'elle découvre est de nature assez voisine à la discipline dont elle a fait son métier. Le roman est devenu une question anthropologique ! Cette cité imaginaire s'appelle Tsau et se trouve dans le Kalahari, loin de toute civilisation. La chercheuse va rencontrer cet homme exceptionnel et s'introduire dans son existence. Celui-ci a fondé une sorte d'université où ne sont admises que des femmes et dont il est le seul individu de sexe masculin. En somme, une sorte de secte savante, qui rejette les enseignements traditionnels. Mais, en réalité, c'est un charmant méli-mélo de psychanalyse, de sociologie, de psychologie de groupe et de philosophie (si tant est qu'on puisse ici parler de philosophie). Bien sûr, on comprend très vite qu'il s'agit d'une critique véhémente de l'American Way of Life avec tout ce que cela suppose. Quelque soit la naïveté du propos, il n'est pas dépourvu d'intérêt. Mais l'auteur est verveux, dans une veine prolixe qui ne semble pas avoir de terme, et surtout tout est dit avec la plus extrême banalité. Ce marathonien du roman a sans doute voulu donner à ses lecteurs (et surtout à ses lectrices) une sorte de vade-mecum de l'esprit de la femme dans sa relation au monde, à la sexualité à la procréation. Je ne dirais donc pas qu'en dehors de l'invraisemblable capacité de l'écrivain de développer des théories somme toute assez banales comme s'il s'agissait de grands moments de la pensée moderne, digne de figurer dans le livre des records du bavardage de Guinness, on ne parvient pas à trouver dans ce récit démesuré que la mise en scène d'une pensée qui se cherche dans le renversement des valeurs établies, mais ne parvenant jamais à trouver son assise. Mais je crois que de nombreux amateurs resteront fascinés par cette étrange aventure.




Poésie totale en France, sous la direction d'Isabelle Maunet-Salliet & Gaelle Theval, textes de Julien Blaine & A. Bonito Oliva, bilingue, Fondazione Sarenco, s. p.

La première partie de ce volume est passionnante, même pour les néophyte en la matière : on a sous les yeux un raccourci de la poésie expérimentale de l'après-guerre, avec Wolman, Pierre Garnier, Henri Chopin, Bernard Heidsieck, François Dufresne, Jean-François Bory, Julien Blaine. La partie anthologique qui nous parle du présent est plus discutable, mais c'est parfaitement normal : les choix et les options esthétiques des uns et des autres sont liés aux modes et aux mode de circulation de certaines oeuvres mieux promues que d'autres. Quoi qu'il en soit, on trouveras matière à réflexion dans ces pages : la poésie a pris un pli très particulier de puis Mallarmé. Je suis persuadé que la phase de recherche est close. Les auteurs commencent à répéter ce qu'on fait leurs aînés avec des variations très minces. Comme pour tout, il faut qu'intervienne une révolution radicale de la sphère poétique qui, depuis Dada, a été reformulée sous une optique concrète, visuelle, acoustique, etc. L'expérimentation pour l'expérimentation devient une pratique presque académique, ce qui se passe d'ailleurs pour l'art post-conceptuel. Ce volume a le mérite de donner ces points de repère désormais historiques avec les meilleurs représentants de cette mouvance (accompagné de textes d'explication pertinents) et fait un bilan provisoire du bel aujourd'hui. Avec ce volume, tout un chacun peut se faire une idée à quel point en est l'art poétique. Ce n'est pas peut-être éclatant ou bouleversant d'originalité. Mais ce sera plus à vous qu'à moi d'en juger.




Fonds perdus, Thomas Pynchon, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard, Points, 622 p., 8,80 euro.

Arrivé à la centième page de ce roman qui en fait plus de six cents, on ne comprend pas encore exactement de sui il est question. Enfin, si : une jeune femme résolue et qui n'a pas froid aux yeux, s'occupe de débusquer les étranges manipulations financières et fiscales des start-ups dans le domaine électronique. Elle s'intéresse plus que doute à une de ses entreprises naissantes qui connaît un essor inouï alors que cette sphère d'activité s'était effondrée en grande partie en 2001. On se retrouve dans une description de New York où pullulent des termes liés au monde des ordinateurs et de la communication globale, des technologies de pointes et des requins de la « Silicone Alley ». C'est vibrant, mouvementé, confus et gros modo incompréhensible. Ce qui veut dire que c'est franchement ennuyeux, bien que l'auteur ait fait un effort pour faire un texte plutôt fluide et écrit au décrochez moi ça. Il veut faire postmoderne et branché, et n'arrive somme toute qu'à nous raconté une affaire embrouillé dont on perd vite le fil et dont on se désintéresse. En plus, ce n'est pas traduit de manière exceptionnelle. Quand on songe aux grands romanciers urbains, comme Thornton Wilder, John Dos Passos, Saul Bellow, on est très déçu par cette énorme coulée de phrases qui est censé nous faire découvrir un monde nouveau (et qui existe de fait), mais que Pynchon n'a pas su nous rendre avec force et conviction.




La Maîtresse du commandant Castro, Eduardo Manet, Points, 452 p., 7,95 euro.

C'est un roman historique dans la pure tradition du genre. Eduardo Manet a voulu nous faire découvrir des pages décisives de l'histoire cubaine : la fin delà dictature de Fulgencio Batista et l'arrivée au pouvoir des barbudos sous la direction de Fidel Castro. Alors que la Révolution est encore à ses prémices, des familles se déchirent, les uns préférant sacrifier la démocratie pour éviter toute aventure politique périlleuse, les autres choisissant le camp de la révolution. C'est bien se qui se passe dans la famille de Dolorès dans la ville de Camagüey. Dolorès a grandi dans un milieu aisé. Mais la jeune fille qu'elle est a des idéaux démocratiques et entend bien les défendre. Un beau jour, elle part rejoindre les insurgés. Après un long périple, elle arrive dans le campement des révolutionnaires et elle y bien acceptée. Le commandante la remarque et en fait sa favorite. Une vie nouvelle s'ouvre à elle. Voilà les prémisses de cette histoire qui atout d'un roman photo sur fond de guérilla et de prise de pouvoir au terme d' »une longue lutte. On a l'impression que ce roman a été épris il y plus d'un siècle avec tous les poncifs du genre. A cela près qu'un Alexandre Dumas en aurait fait une affaire palpitante. C'est bien construit, c'est bien composé, en somme, c'est bien fait. Mais cela reste sans beaucoup originalité. Mais si l'on veut connaître l'histoire de Cuba et l'épopée de Fidel Castro et de ses compagnons d'armes, c'est parfait.
Gérard-Georges Lemaire
10-09-2015
 
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Verso n°136

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