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[verso-hebdo]
05-11-2015
La chronique
de Pierre Corcos
La bataille des images
La bataille des images, qui oppose d'un côté la « doxa » de la représentation en quelque sorte, concrètement les images émanant de la publicité, des médias, des pratiques de masse et, de l'autre, celles que créent les artistes, concerne au premier chef la photographie. Certes, la prégnance du sujet traité, dans le photoreportage par exemple, la spécialisation fonctionnelle de certains domaines - comme la photographie de mode ou d'architecture ou strictement documentaire - font que l'on oublie souvent cet enjeu à la fois esthétique et idéologique de la photographie, sa portée poétique et critique, lors même que telle ou telle exposition nous signifie crûment que la bataille des images se déroule bien là.

Le photographe canadien de Vancouver, Jeff Wall, dont la Fondation H.C.B. expose jusqu'au 20 décembre les Smaller Pictures, s'est en partie fait connaître par la forme de « caissons lumineux » de ses photographies, qui évoqueraient de grandes diapositives, avec toute la luminosité dont irradient alors les couleurs. Mais, ses travaux ayant aussi fait l'objet, depuis une vingtaine d'années, de tirages encadrés sous verre, l'intérêt majeur de Jeff Wall ne réside pas dans ses « caissons lumineux » ; pas plus d'ailleurs que dans ses très grands formats, puisque cette exposition, justement, nous montre des petits formats. Il ne réside pas non plus, à l'évidence, dans les thèmes qu'il aborde. Ni érotiques, ni scandaleuses, ni dramatiques et très rarement insolites, les photos de Jeff Wall se tiennent juste entre artifice et réalisme, dans un équilibre instable interrogeant le spectateur sur des catégories à reconsidérer. Il dit : « En photographie, on peut passer de l'artifice au réalisme ». On rajoute : et l'inverse !... Le supposé « réalisme » dans certaines photographies de reportage n'est-il pas l'habile résultat d'un artifice ? En assumant la mise en scène et la composition pointilleuses de certaines de ses photographies pour produire un effet trompeur de « réalité », Jeff Wall porte un coup, dans la bataille des images, au camp adverse, lequel se pose comme garant du réel, lors même que les conventions et l'idéologie imprègnent ses productions.
Ayant soutenu une thèse sur le mouvement Dada, enseigné l'histoire de l'art au Canada, nourri d'art conceptuel mais aussi de littérature et d'esthétique, ce photographe de 69 ans ne peut pas faire des photographies sans une conscience historique, esthétique et critique des enjeux propres à la représentation. Il ne raconte pas un supposé « réel » palpitant, mais en trahit la fiction formelle. Ainsi, dans Smaller Pictures, un certain nombre de photographies viennent décevoir les attentes habituelles de l'amateur. Un évier sale d'atelier, le torse d'un enfant en tricot de corps, une branche soutenue à une tige par un ruban ne stimulent guère la curiosité. Sauf que, chaque fois, une habitude de centrage, de composition photographique se voit perturbée... Toujours dans cette exposition, The giant nous montre comment un simple changement d'échelle et un statut autre dévolu à la nudité féminine brouillent gravement nos codes de représentation. En revendiquant par leur titre (After « Spring now » de Yukio Mishima) le fait que certaines photographies n'aient été produites qu'à la suite d'une lecture, Jeff Wall remet également en question le schéma cardinal et dominant de la photographie, selon quoi c'est la réalité qui la commande (et non la littérature ou la pensée ou la peinture). Enfin, ayant pris ses distances avec toute une rhétorique propre à la « photographie d'art », Jeff Wall s'est retrouvé dans une recherche minoritaire, d'avant-garde mais partie prenante dans cette immense bataille des images où la photographie joue un rôle primordial. Ici, la dimension réflexive, conceptuelle endossent pleinement une fonction critique.

Une autre bataille des images, et d'envergure, nous vaut une gigantesque exposition qui constitue, sans nul doute, l'événement photographique de cette rentrée : Qui a peur des femmes photographes ? Une exposition en deux parties, la première concerne la période 1839-1919 (au Musée de l'Orangerie, jusqu'au 24 janvier, commissaires : Ulrich Pohlmann et Thomas Galifot), et la seconde la période 1918-1945 (au Musée d'Orsay, jusqu'au 24 janvier également, commissaires : Ulrich Pohlmann et Marie Robert).
Or, il y a cinq ans exactement, nous avions pu apprécier, à la Galerie des Bibliothèques, une passionnante exposition de photographies: Photos Femmes Féminisme (1860-2010), qui donnait déjà l'envie et l'idée d'une amplification... Les commissaires de l'exposition d'alors, Annie Metz (conservatrice en chef de la bibliothèque Marguerite Durand) et l'historienne Florence Rochefort (chargée de recherches au CNRS) avaient déjà réussi à mettre en relief les enjeux cruciaux de visibilité émancipatrice des femmes à travers la photographie. A cette occasion, Florence Rochefort écrivait : « La visibilité des femmes et de leurs combats est un enjeu du féminisme. Montrer les femmes actrices de l'histoire permet de briser l'idée reçue d'une nature féminine prédestinée à un statut dévalorisé (...) ». L'amplification de cette visibilité, à travers la photographie, trouve une remarquable illustration dans ces deux larges expositions actuelles, Qui a peur des femmes photographes ? à voir absolument, et qui exigeraient de nombreux articles.
La variété et la qualité des photographies et des femmes photographes rassemblées en ces lieux, la subtilité des analyses iconologiques, la pertinence des mises en perspective historiques et sociologiques, la conscience aiguë et permanente de cette « bataille des images » font que le public, entre textes denses et photographies de qualité - françaises et étrangères - est tout à fait comblé. Comme il est précisé à l'entrée de l'exposition (première partie), « chefs-d'oeuvre et images inédites sont ici considérés non pas sous l'angle d'une vision féminine, mais en termes de territoires et de stratégies : territoires des genres - physiques et symboliques ; stratégies de succès critique ou commercial, d'élargissement des périmètres du photographiable ». Une ligne d'exposition parfaitement suivie...

Qu'il s'agisse de l'image des femmes, des thèmes et formes esthétiques, des représentations du travail ou d'autres sujets clivants, la photographie, medium de masse, conserve toujours, dans la bataille des images, des enjeux idéologiques considérables.
Pierre Corcos
05-11-2015
 
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Verso n°136

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