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[verso-hebdo]
14-12-2017
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Degas, danse, dessin, hommage à Degas avec Paul Valéry, sous la direction de Leïla Jarbouai & Martine Kisiel, musée d'Orsay / Gallimard, 256 p., 35 euro.

L'exposition comme le catalogue reprennent le titre de l'ouvrage de Paul Valéry qui a été publié par Ambroise Vollard en 1936. Si le point de vue n'est pas original (mais faut-il chercher l'originalité à tout prix ?), le résultat est magnifique. Ces dessins, ces carnets, toutes ces études, tous ces documents et puis les tableaux qui en ont résulté offrent un ensemble magnifique pour l'une des passions les plus puissantes de cet artistes qui s'est distingué dès le débuts de l'esprit de ses amis impressionnistes (il s'est d'ailleurs vite posé en rival de Manet car ses fins étaient bien différentes de celles de la plupart des amis qui se retrouvaient autour de l'auteur du Fifre au café Guerbois). Il a sans doute été lui aussi «un peintre de la vie moderne, mais les salles de répétition de l'Opéra l'intéressait plus que les Grands Boulevards ou les jardins de Paris. Il est allé très loin dans cette recherche de l'expression corporelle, qui n'a pas nécessairement plu en son temps : on l'a beaucoup moqué pour sa sculpture du petit rat. Et puis il n'a pas recherché le beau, mais la vérité des corps en mouvement. La beauté devait découler de cette vérité-là. Bien sûr, ses compositions possèdent leur beauté, mais celle-ci a été arrachée au prix d'un changement de perspective (au propre comme au figuré) et d'une nouvelle intelligence de la peinture, qui partait du réalisme le plus cru pour aller vers une harmonie paradoxale. Souvent, ses danseuses sont laids et leurs mouvements disgracieux. Il les a montrées telles qu'en elles-mêmes, et n'a pas rendu, dans un premier temps, la magie de leur art. C'est la peinture qui recrée la magie ! Quant à Paul Valéry, quand il a écrit , Degas Danse Dessin , il a voulu déclarer le sens de son esthétique. Ce fut une curieuse entreprise, manifestement rédigée par à coups, publiée par brides entre 1933 et 1935 et finalement réunies en un volume en 1938. Il est d'ailleurs composé d'une manière peu organisée, passant de souvenirs à des considérations sur une question précise (comme la photographie, dont Degas était expert, ou le thème du cheval). Il intitule certains chapitres « Propos » ou « Digression », ce qui prouve bien qu'il n'avait pas à l'esprit de constituer une étude articulée avec rigueur. En fait, Valéry en vient à aborder toutes sortes de sujet que les discussions avec Degas, ou la connaissance de ses oeuvres. C'est d'abord l'histoire d'une grande amitié, doublée d'une certaine fascination et pour l'homme et pour l'artiste. Il avait fait sa connaissance chez Rouart et avait vite compris que c'était un beau parleur, mais qui n'avait pas la langue dans sa poche et pouvait se révéler tranchant, même blessant, et cela sans détour. Il pouvait passer de la plaisanterie et même de la farce à un discours inflexible sur les questions artistiques. Il souligne à ce propos : « Je m'étais fait de Degas l'idée d'un personnage réduit à la rigueur d'un dur dessin, un spartiate, un stoïcien, un janséniste artiste. » Mais celui-ci s'est montré aimable à son égard, et l'écrivain est allé souvent lui rendre visite chez lui. Il a vite analysé le cas, nous avertissant que c'était « le plus mauvais caractère du monde, avec des jours charmants qu'on ne savait prévoir. » Alors, Valéry observe, analyse en son for intérieur, tente de se faire une idée très affutée du caractère intime de l'artiste. Il le devine assez vite comme quelqu'un qui ne cherche pas son salut dans le progrès (en dehors de l'appareil photographique), car ses thèmes, même s'ils étaient bien contemporains, comme les courses de chevaux, les ballets et leurs coulisses, les danseuses, les repasseuses, faisaient bien partie du monde de son temps. Si Degas a des conceptions bien arrêtées, il est tout sauf un doctrinaire. Aux yeux de Valéry, il fait reposer sa cause avant tout sur le dessin : «  Mais le dessin d'après un objet confère à l'oeil un certain commandement que notre volonté alimente. Il faut donc ici vouloir pour voir en cette vue voulue a le dessin pour fin et pour moyen à la fois. » L'auteur de Monsieur Teste fait alors une analyse très approfondie ce que recherche Degas, qui ne peut absolument pas être dans le rêve, mais n'est pas non plus la réalité telle quelle. Il le définit comme un « fou de dessin », quoi lui disait : « le Dessin n'est pas la forme, il est la manière de voir la forme. » |Là réside selon lui son paradoxe, mais aussi son immense talent. Restituer ce qui est vraiment, tout en le changeant. Il construit sa conclusion sur ce thème en faisant appel à Pascal qui considérait que la peinture était pure vanité en poursuivant « laborieusement la ressemblance des choses dont la vue d'elles-mêmes est sans grand intérêt. Ce qui prouve qu'il ne savait pas regarder, c'est-à-dire oublier le nom des choses que l'on voit. » Il ne croit pas qu'il aurait compris les raffinements et la casuistique de ces « jansénistes de la peinture et de la poésie ». Il pense à Degas et à Mallarmé -, bien sûr, « qui placèrent dans ces futiles objets de leur désir et de leurs peines une manière d'infini ».




Art et culture, Ecrits choisis des années 1940, Clement Greenberg, présenté par Katia Schneller, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christine Savinel & Ann Hindry, Editions Macula, 576 p., 48 euro.

Clement Greenberg est arrivé tard à la critique. Il n'a commencé publié ses articles qu'en 1937. On a fait de lui le grand critique de l'Abstraction lyrique (appelé aussi expressionnisme abstrait), ce qui est vrai, mais il n'a pas été le seul. Et puis on a oublié qu'il a beaucoup réfléchi sur le théâtre et sur la littérature et aussi sur la culture moderne en général : son essai le plus connu de ses débuts est intitulé « Avant-Garde and Kitsch » (traduit dans ce volume). Il a aussi professé des opinions proches du marxisme. EB 1940, il collaborait à la Partisan Review et, deux ans plus tard, à The Nation. Dans ce recueil de quelques vingt articles, on peut lire un essai sur T.S. Eliot, un autre sur Bertolt Brecht et un texte très intéressant sur la judéité de Kafka, sujet délicat s'il en est. On a en France la sale manie de réduire les hommes de culture en ne considérant souvent que l'aspect qui nous intéresse le plus. Bon nombre des textes présents ici parle de l'art français de Monet à Soutine, en passant par Picasso, Chagall, Léger, Lipchitz, entre autres, ce qui fait de lui un excellent connaisseur de l'art moderne dans notre pays. Il a aussi étudier l'oeuvre de Gabo , Pevsner, Mondrian, Klee. Il est surprenant de constater qu'à l'époque, Clement Greenberg n'a pas choisi un camp : il a une vision très large de l'art et ne rechigne pas à examiner le passer, se penchant par exemple sur le cas de Delacroix. Mais, à mes yeux, les écrits les plus pertinents sont ceux consacrés à la critique d'art : il se penche sur le cas de John Rewald lorsqu'il parle de Seurat , où il loue l'objectivité de son analyse quant à la démarche technique de l'artiste. Il est admiratif devant l'ouvrage de Lionello Venturi, Comment regarder un tableau, qu'il commente 1945. Et quand il examine la méthode de Claude-Edmonde Magny, il fait apparaître, à travers les défauts de cette dernière, quelles sont ses intentions et ses finalités dans une réflexion critique sur une oeuvre littéraire. Tout cela est intéressant au plus haut point, car on peut comprendre quelle a été la spécificité de sa propre démarche. Bien sûr, certains pourront être déçus de n'avoir sous les yeux que trois articles sur la nouvelle peinture américaine dont deux sur Pollock. Mais je suis convaincu que ce livre dévoile une forte personnalité qui n'a pas été que le chantre d'une nouvelle forme d'expression picturale dans son pays. Bien sûr, il serait indispensable de compléter ce volume déjà copieux. Mais il a l'immense mérite de respecter la véritable dimension de sa pensée sous ses différents aspects.




Smoke Ashes, Fable, William Kentridge in Bruges, sous la direction de Margaret K. Koerner, Actes Sud, 218 p., 49,95 euro.

J'ai découvert l'oeuvre de William Kentridge, l'artiste sud-africain, qui produit de petits fils qu'il dessine à la main, assez tardivement. Lorsque j'ai visité en 2005 l'exposition Africa remix, qui présentait des oeuvres contemporaines de ce vaste continent, c'était le seul qui m'avait véritablement subjugué. Et cela a été le cas chaque fois que j'ai eu l'occasion de voir projeté l'un de ses films. Il ne correspondait à aucun des critères et surtout des clichés) de l'art de notre temps. Ses dessins n'étaient pas franchement classiques, mais ils n'avaient rien de franchement « post » ou de « néo ». J'y ai trouvé beaucoup d'esprit, parfois de l'humour, parfois de la cruauté, énormément d'invention, et une liberté absolue de créer comme bon lui chantait. Ce magnifique volume que les éditions Actes Sud ont produit à l'occasion de sa rétrospective à Bruges m'a permis d'en savoir beaucoup plus sur son compte, d'autant plus que les oeuvres sont commentés avec pas mal d'intelligence par les auteurs des essais qui y sont imprimés. Par exemple, Margaret K. Koerner explique à merveille les points de départ de ses inspirations qui ont sous-tendues chacune de ses oeuvres. C'est très éclairant et l'on se rend compte que sa démarche est on ne plus « classique », mais le résultat ne l'est pas. L'artiste a développé un imaginaire foisonnant et tout à fait inattendu. Il procède selon une logique - et une poétique - qui lui sont propres et ne peuvent donc pas être décryptées au premier coup d'oeil. Il s'est inspiré d'une gravure de Francisco Goya, No quieren, tirée des Désastres de la guerre. Ces suite de l'artiste aragonais est une énigme et les légendes accompagnant chaque tirage ne font que renforcer le mystère. Il en est de même pour Kentridge. On apprend qu'à ses début, il faisait de grandes feuilles avec une série de dessins qui formaient une histoire, le plus souvent en noir et blanc. C'était un peu comme les tableaux des cantastorie siciliens, mais aussi comme un story-board sommaire. Il aimé aussi, au début des années 1990, pasticher les grand artiste, par exemple Les Asperges de Manet. Ses premiers films, à la fin de cette même décennie, avait quelque affinité avec ce qu'avait fait Marcel Broothaerts : on y retrouve sa fantaisie, son sens d'un surréalisme grinçant et son goût de la parodie. Mais il y avait déjà chez lui une dimension plus grave, car il souhaitait représenter la misère du monde, comme les ymagiers du Moyen Age, dont il s'est d'ailleurs inspiré. Il a aussi aimé « illustrer » les grands sujets bibliques, mais d'une manière peu académique. Il a enfin beaucoup utilisé le principe des silhouettes qui ont tant plu à l'époque des Lumières. Il a utilisé les ressources des ancêtres du cinéma, comme le phénakistoscope (2000). Mais il a conservé l'idée de dessiner ses sujets même s'il lui est arrivé d'utiliser des documents d'archives. Et c'est de tout façon là où il excelle le plus. Son oeuvres est plus riche que la description que j'en fait : d'où la nécessité de ce volume !




Daniel Dezeuze, une rétrospective, sous la direction de Guy Tosato, musée de Grenoble/Somogy Editions d'Art, 320 p., 32 euro.

Le Musée se met au vert ! Paysages en représentation(s), musée des Beaux-arts de Bordeaux, 48 p., 9,50 euro.


Je ne cesse de le répéter depuis des années Daniel Dezeuze est un des artistes les plus importants de notre époque. Cette rétrospective au musée de Grenoble vient rappeler à point nommé cette vérité, qui n'est pas encore entrer dans le crâne des collectionneurs, qui ne font que suivre les orientations de la mode et s'imitent les uns les autres. Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître à cet artiste une belle constance : celle d'avoir continué de concevoir son oeuvre dans l'esprit de Supports/Surfaces, mais en en déclinant les thèmes plastiques et théoriques dans des sens très divers et en ne cessant jamais de les enrichir. Il ya une radicalité dans sa démarche qui est réelle et qui lui fait honneur en une époque où l'on a tendance à faire les choses d'une manière pour le moins dégradée. On continue à faire de la « mauvaise peinture » par défi. L'idée de Daniel Dezeuze a été de retrouver la peinture dans d'autres termes, sans employer ses moyens traditionnels, parfois dans la troisième dimension. En suivant des chemins qui peuvent sembler se disperser dans un espace esthétique qui a un aspect critique, il a su reconstituer l'idée d'une autre esthétique. Ses claies colorées (ses panneaux extensibles) sont des merveilles de ce point de vue, comme le montre, ici, ses Peintures sur panneau extensible de 1995 à 1999. Il dépasse ces débats imbéciles sur la question de l'art pictural en pleine déliquescence qui ont fait fleurette depuis des décennies. C'est à la fois une remise en cause et un achèvement. Cela se révèle aussi dans ses Pavillons du début des années 2000.A parti de 2009, il a conçu ses Blasons et ses Boucliers, qui vont de paire avec ses Armes, qui dénotent un esprit où l'ironie se mêle à une vision fantasmagorique de la guerre. En fait, cette vaste et belle exposition n'est pas à proprement parler une rétrospective, mais des fragments important d'un long parcours, très riche et très dense. Mais ce catalogue fournit déjà pas mal d'informations, par le texte et par l'image, de ce qu'a été jusqu'à ce jour son devenir créatif, où les Objets de cueillette (1992-1995) procure une note à la fois ethnologique et caustique, car Daniel Dezeuze est un esprit curieux, passionné par les Cathares autant que la préhistoire. Il ne faut oublier les dessins, domaine où il excelle, dans une sorte d'abstraction étrange, qui semble une anamorphose poussée jusqu'à l'extrême u point de dissoudre toute référence précise aux données de la réalité. Le musée des Beaux-arts de Bordeaux lui ont demandé de montrer une série de travaux à partir des ports d'Alfred Marquet réalisée en 1963. Marquet avait de particulier de faire tous ses ports à peu près de la même façon : celui de Marseille ressemblant comme deux gouttes d'eau à celui d'Alger ! Il a joué sur le thème et l'a déjà métamorphosé selon une écriture plastique bien à lui. Il n'est pas question ici de sa poésie, qui est pourtant curieuse et originale. Mais tout cela est déjà très bien pour mieux comprendre et apprécier son oeuvre mémorable.




Lettres à Miranda sur le déplacement des monuments de l'art de l'Italie, Quatremère de Quincy, préface d'Edouard Pommier, postface d'Emmanuel Alloa, Editions Macula, 168 p., 16 euro.

Nous n'avons pas encore donner toute la place historique et théorique qui revient à Antoine-Chrysotome Quatremère, dit Quatemère de Quincy (1755-1849). Ce Parisien, fils de négociant, s'est rapidement intéressé aux arts et s'est fait une place dans l'univers de l'archéologie par ses contributions aux revue savantes et aux encyclopédies. Quand la Révolution éclate, il se consacre d'abord à la question du théâtre et en défend la liberté. En 1791, il est élu député. Mais il demeure un partisan de la monarchie constitutionnelle. Il s'est ensuite intéressé à la fonction du Panthéon et est aussi intervenu dans le débat sur le Salon. Sous la Terreur, il est emprisonné et doit sa libération au coup de force du 9 Thermidor. Après bien des vicissitudes, il redevient député en 1797, mais a été proscrit et même condamné à mort par contumace (il séjourne alors en Allemagne et y découvre les écrits de Kant). Le coup d'Etat du 18 Brumaire lui permet d'occuper de hautes fonctions. Il a joué un rôle de premier plan dans le sauvetage des monuments anciens en France. Il a publié son premier livre en 1793, les Considérations sur les arts du dessin. Le livre qui nous intéresse, qui a paru en 1796, porte un titre plus long et surtout plus explicite : Lettres sur le préjudice qu'occasionneraient aux arts et à la science le déplacement de l'art de l'Italie. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas Napoléon qui a décidé de dépouiller les pays vaincus ou occupés par les armées françaises : les armées de la Convention en avaient reçu l'ordre. La première lettre a un caractère moral : l'auteur insiste sur le fait qu'il serait absurde de dépouiller les pays de leurs richesses et surtout dans le cas de l'Italie. La seconde est la description d'un projet : faire de la péninsule un Muséum de la culture d'Occident. Il y voit deux raisons, d'abord la diversité des Ecoles artistiques qui s'y sont développées dans la diversité grâce au morcellement politique qui s'y est installé pendant des siècles. Ensuite, l'exemple fourni par Rome qui a été le centre de notre monde pendant des siècle et qui est la source de nos arts et de nos sciences. Pour pallier à ce problème, il préconise de valoriser les ruines qui se trouvent dans notre pays et qui pourraient suffire à donne rune idée de la Pax Romana. Au cours de ce plaidoyer, il rend hommage à Winckelmann qui a été le grand artisan de cette redécouverte de l'Antique. Pour lui, disperser ces trésor serait les détruire. Son interlocuteur l'approuve et dit que les grands souverains du passé n'ont jamais commis un tel outrage, que ce soit Charles Quint ou François Ier. Les artistes semblent être de son avis et que ces grands modèles ne leur apporteraient rien de plus s'ils se retrouvaient en France. En somme il s'oppose à ce que va être le projet du musée Napoléon conduit par Vivant Denon, mais qui n'a jamais prétendu razzier l'Italie de fond en comble ! Il est à noter, entre parenthèses, que quand Bonaparte a conquis l'Egypte, il a constitué un musée au Caire qui n'avait pas vocation (a priori) à être transféré en France : ce sont les Anglais qui s'en sont emparés ! Cet ouvrage est fondamental pour comprendre les immenses contradiction de la naissance des musées modernes : à l'époque, la grande justification était l'état de délabrement des oeuvres. Ce qui était d'ailleurs vrai. Mais lui, il avait une vision qui portait plus loin et qui faisait du voyage en Italie l'un des moments fondamentaux de l'apprentissage des artistes et de la culture des hommes de lettres ou des érudits. On se pose aujourd'hui des questions assez similaires quand aux oeuvres prises dans d'autres régions du monde. Il n'y pas d'ouvrage plus actuel, même s'il nous apprend beaucoup sur les visées culturelles de son époque.




Jean Pigozzi, dans la peau d'un collectionneur, Catherine Grenier, Flammarion, 192 p., 25 euro.

Fils d'Henri-Théodore Pigozzi, le créateur de la société Simca, Jean Pigozzi a vécu dans un univers cossu et aussi au milieu de tableaux d'artistes impressionnistes. Mais la collection de ses parents ne lui a pas apporté de bonheur. Il trouvait ces oeuvres de Renoir ou de Boudin comme le fruit d'un goût bourgeois et conventionnel. Quand il s'est mis à collectionner lui-même, il a choisi de privilégier un univers de créateur de son temps. Mais il ne parvenait pas à découvrir le sens profond de cette collection qui n'avait pas d'épine dorsale, même s'il courait le monde pour rencontrer les artistes célèbres un appareil photographique à la main. . La révélation lui est venue avec la grande exposition présentée au Centre Pompidou et à La Villette par Jean-Hubert Martin, « Les Magiciens de la terre » qui a connu alors un grand succès. Il l'avait visitée le dernier jour, en août 1989. Il avait été subjugué par les oeuvres des artistes africains qu'il avait pu y découvrir. Sous le charme, avec cette fébrilité et cette impatience propres aux collectionneurs passionnés, il a voulu aussitôt faire l'acquisition de certaines de ces pièces. Mais les choses n'ont pas été aussi simples, et il a dû d'abord mieux connaître l'art de l'Afrique noir et puis comprendre comment pouvoir acquérir ce qui lui faisait envie. C'est ainsi que peu à peu s'est édifiée une collection de tableaux de peintres et de sculpteurs aujourd'hui reconnus et qui ont placé le continent apprécié pour ce qu'on appelait « l'art nègre » en plein coeur de cette globalisation de la création artistique. Aujourd'hui, Pigozzi possède l'un des ensemble de créations africaines les plus riches et intéressantes du monde. Le livre se présente sous forme d'une conversation entre Catherine Grenier et Jean Pigozzi. Malheureusement, l'auteur s'est contenté d'enregistrer ses propos et n'a pas crû bon de réécrire les réponses qui sont souvent à l'emporte-pièce et laissées dans une langue parlée pas toujours très flatteuse pour celui qui les a prononcées ! C'est un peu dommage. Sans en appeler aux règles les plus formelles de l'Académie française, il n'aurait pas été mal d'une part de pousser le collectionneur à parler un peu plus en détail des artistes et, ensuite, de donner un peu plus de forme à ses réflexions. A mon avis, c'est un livre fait à la va vite. Dommage car le sujet est digne d'intérêt.




Klimt, Serge Sanchez, Folio « biographies » , 310 p., 9,30 euro.

Cette biographie de Gustav Klimt (1862-1918) manquait singulièrement en France. Bien sûr, il y a eu grand nombre d'expositions où ses tableaux ont été présentés, mais, aussi bizarre que cela puisse sembler, on n'a pas juger bon de raconter la vie de cet artiste exceptionnel. On comprend vite que Klimt a connu deux phases de son art. La première est d'ordre académique, où il révèle un grand savoir-faire sans nul doute, mais peu d'originalité dans sa conception de la toile. Sa façon de peintre ne dépassait pas celle de Hans Makart (1840-1884), le peintre le plus couru de la fin du XIXe siècle à Vienne. En 1888, il achève de peindre les décorations très peu avant-gardistes du Burgtheater, qui lui vaut une médaille deux ans plus tard. La Sécession est fondée en 1892. Contrairement aux idées reçues, il ne s'agit pas encore d'une association d'artistes en rupture de ban avec l'art le plus conformiste, mais plutôt de peintres et de sculpteurs soucieux de pouvoir travailler avec plus de liberté. Il y a parmi eux des suiveurs de l'impressionnisme (comme son ami Carl Moll) et aussi des naturalistes. Ils sont affiliés à la Maison des artistes viennois. La véritable Sécession ne commence que lorsqu'un groupe d'entre eux créent en 1897 l'Association des artistes viennois. C'est seulement à partir de cette époque que son style change du tout au tout et rejoint l'esprit du Jugenstil. En 1898, il est ceux qui créent la superbe revue Ver Sacrum (un numéro entier lui est consacré) et puis il participe à l'aventure du palais de la Sécession en y créant sa frise de Beethoven, longue de 14 mètres, en 1902, qui est un pur chef-d'oeuvre.. Le lecteur sera sans doute frappé de n'avoir que si peu de développements sur sa vie personnelle. Mais Klimt, qui a eu bien des aventures féminines, s'est voulu très discret et n'a jamais établi une relation stable. Il y a des manques et des erreurs, en particulier sur la vie culturelle de la Vienne de cette période clef. Mais, dans l'ensemble, ce travail est tout de même intéressant et nous permet de connaître mieux le peintre et son destin hors du commun. Et aussi une métamorphose de l'art, aussi bien dans ses portraits que dans ses paysages.




Lettres I & II, Arthur Schopenhauer, traduites de l'allemand par Christian Sommer, édition d'Arthur Hübscher, Folio « Essais », chaque tome, 752 p., 11,10 euro.

La richesse et la diversité des sujets abordés dans cette vaste correspondance ne saurait être épuisée dans cette chronique. On y suit le parcourt d'Arthur Schopenhauer (1788-1860) pendant près de soixante ans, et cela jusqu'à sa mort. C'est un homme au caractère bien trempé et pas forcément un bon caractère ! On découvre dans ces lettres beaucoup de vivacité, parfois un certain emportement. Mais contrairement à la légende qui l'entoure, il a su défendre ses positions avec calme et résolution, sans en arriver à des outrances, bien au contraire. Cette publication est un événement considérable car elle permet au lecteur de découvrir autant sa personnalité que l'homme de pensée. On y découvre ses problèmes d'argent, ses rivalités avec ses collègues, ses rapports familiaux et amicaux. Et on se rend compte qu'il a pris un certain plaisir dans les duels à fleuret mouchetés (ou non) sur les questions philosophiques qu'il défendait. Je vais me concentrer sur une seule question, qui n'est pas indifférente, celle de la Théorie des couleurs (1811) de Goethe, une des ultimes polémiques sur les positions scientifiques avancées par Newton dans The Optic. Il y répond en 1814 par Über das Sehn und die Farben (Sur la vue et les couleurs). Il demande rendez-vous à Goethe pour lui parler de sa propre théorie des couleurs. Il est fâché, sans trop l'affirmer dans une lettre un peu alambiquée et embarrassée, que Goethe ne lui réponde pas et ne semble pas avoir lu le manuscrit qu'il lui avait fait parvenir. Il demande donc à l'auteur des Souffrances du jeune Werther de lui renvoyer son texte. Ce dernier lui fait parvenir un petit mot, où il s'excuse et lui promet de lui retourner son traité annoté de sa main. Soulagé, transporté dirais-je, Schopenhauer écrit une très longue lettre en réponse au petit billet de l'écrivain célèbre. Il tient à lui exposer qu'on a découvert de fabriquer du blanc avec une paire de couleurs, ce qui tendrait à confirmer ses propres théories. Il imagine alors un dispositif de spectres reflétant chacun une couleur dominante, toutes ces couleurs confrontées et superposées finissant par produire du blanc. De retour à Weimar en octobre 1815, Goethe répond assez . aimablement, fait l'éloge de ses recherches, mais ne sait pas quoi dire à propos de ces spéculations. Il lui propose donc de soumettre ses travaux au Dr Seebeck, comme il l'avait fait pour les siens. En somme, il se retire de la discussion pour que Schopenhauer discute avec ce savant éminent. Alors, dans sa très longue réponse, il s'emploie lui décrire par le menu ses conceptions en la matière, mais aussi de lui servir sa vision de la philosophie. Il y regrette que ce grand débat n'ait pas lieu avec lui . Il lui expose les points où il pense corriger le texte de son interlocuteur, déjà sur le blanc, mais aussi sur la production du violet et, plus généralement, sur la source de la couleur qui ne serait pas dans la lumière, mais dans l'oeil. Il le loue d'avoir renversé le système de Newton, mais lui reproche de ne pas avoir proposé une autre théorie. Goethe lui ré »pond encore, mais de manière moins charmante. Il regrette qu'il n'ait pas voulu soumettre ses thèses à la personne qu'il lui avait conseillé de consulter et lui a envoyé des notes sur le blanc allant à l'encontre de celle de Schopenhauer. Ce dernier prend aussitôt la plume, s'impatiente et demande à Goethe un jugement plus global. De plus, il trouve d'autres point à discuter dans sa Théorie. Goethe, avec les formes et une grande politesse, lui dit ne pas avoir l'envie de remettre en cause son ouvrage. Mais son cadet est froissé que le maître n'ait pas daigné étudier ses propos. Goethe finit par lui adresser une bibliographie récente sur la question ! Il finit par lui envoyer son ouvrage imprimé en 1816 et Goethe lui répond avec la plus extrême courtoisie en lui donnant encore de nouveaux conseils de lecture ! On voit le prosélyte se heurter au vieil homme usé qui vient d'être frappé par la disparition de sa femme. Il n'a pas compris que Goethe n'avait plus le goût de polémiquer à ce sujet, quelque soit l'intérêt de ses hypothèses. Son impulsivité lui a fait perdre de vue les problèmes et les fatigues du grand homme.




Tout Saint-Simon, sous la direction de Marie-Paul de Weerdt-Pilorge, « Bouquins », Robert Laffont, 1152 p., 33 euro.

Les Mémoires de Saint-Simon font partie de notre patrimoine littéraire mais aussi historique. Pendant plus de trente ans il a dépeint la cour du Roi Soleil vieillissant et celle de la régence. Il n'a pas connu les heures fastes du monarque absolu, ses grandes fêtes, ses spectacles et aussi une cour très vivace. Il commence à écrire ce grand document à partir de 1691, car les guerres de religion font de nouveau rage, que la France est attaquée de toutes parts, que les caisses de l'Etat sont vides et que le souverain se fait très vieux et très triste. Il est le témoin d'un terrible déclin. Il ne s'agit pas ici d'un simple dictionnaire permettant de se retrouver parmi les noms de la grande noblesse de l'époque, de comprendre le fonctionnements des rouages du pouvoir par de brèves explications. Ce livre est un merveilleux vadémécum. Chaque chose est analysée et étudiée avec le grand soin et avec maints détails. C'est au fond un vaste commence à cette oeuvre considérable, qui nous permet de connaître vraiment des dédales de la vie à Versailles, des couloirs de la royauté, de comprendre comment se sont ourdis certains complots et nouées certaines alliance et enfin d'obscures manigances. Mais ce livre est aussi une étude sur l'histoire, et encore plus sur l'esprit des hommes : Saint-Simon a une attitude très particulière à sonder les hommes et à en comprendre avec une rare pénétration les mécanismes les plus secrets. Le duc est un orfèvre en la matière et sait nous mener par la main pour être au fait des us et manières de cette cour prisonnière dans une cage dorée -, nous avons affaire à une sorte de gigantesque huis clos qui se traduit par un dédale plus compliqué que celui des jardins du palais. Avec ce guide près de nous, nous pouvons avoir toutes les pièces utiles pour interpréter ces parties d'échecs renouvelées chaque jour et aussi ceux qui y prennent part. Cette énorme travail nous offre la connaissance, mais aussi la connaissance, car sans elle, les pages de Saint-Simon sont opaque. C'est un travail remarquable, très minutieux, mais relaté de manière plaisante avec de longues citations, qui mérite des louanges.




Robert de Montesquiou, Philippe Thiébaut, La Bibliothèque des Arts, 132 p., 49 euro.

Par les temps qui courent, on ne connaît plus le comte Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921) que comme le modèle du baron de Charlus dans A la recherche du temps perdu de Proust ou de des Eisseintes dans A rebours de J.-K. Huysmans. Il a aussi inspiré Jean Lorrain, qui en a fait le comte de Muzarett dans Monsieur de Phocas, mais aussi Henri de Régnier et même, dit-on Gide. On a oublié complètement le poète, auteur, entre autres, des Hortensias bleus (1886) ou des Paroles diaprées, (191 et 1912). Il a écrit aussi un nombre impressionnants d'essais, des biographies, une pièce de théâtre, un livre de mémoires (les Pas effacés) et même deux romans. Il a été de surcroît un grand mondain, qui a connu le monde des lettres autant que le monde des arts, a été un arbitre du goût et un dandy. Il a laissé un superbe album de photographies qu'il a nommé Ego Imago, dont on retrouve une partie dans ce merveilleux album qui a un format à l'italienne. On y découvre des images de son enfance, puis de ses années où il allait au lycée Bonaparte (nommé depuis Condorcet). Jeune homme, il voyage et se rend d'abord en Italie. On le découvre ensuite au château de Courtanvaux ou tenant le rôle de Zanetto dans le Passant de François Coppée, où il joue avec Sarah Bernhardt. On le retrouve en Haute-Engadine ou au château de Charnizay, où il ne dédaigne pas de poser en saint Jean-Baptiste. A cette époque, c'est un dandy et un mondain apprécié, dont Giovanni Boldini fait le portrait en 1897. On le découvre aussi en compagnie de beaux jeunes hommes élégants. Il s'installe rue Franklin et y vit dans un luxe raffiné, ou avenue de Paris à Versailles, dans un charmant pavillon. Et on le voit enfin déguisé pour des bals costumés (comme celui donné par Madeleine Lemaire, l'amie de Proust, en 1900). Rous ces documents sont accompagnés d'extraits de ses souvenirs. On se convainc, de les retrouver aux éditions Sandre (2007) qu'il serait bon de les lire. C'est un album magique pour tous les amoureux de la littérature de la Belle Epoque.




Le Commencement de la philosophie occidentale, interprétation d'Anaximandre et de Parménide, Martin Heidegger, traduit de l'allemand par Guillaume Badoual, « Bibliothèque de philosophie », 344 p., 32 euro.

Heidegger a eu une grande obsession : celle de rechercher les véritables racines de la philosophie grecque. Il déclare d'ailleurs dans sa préface que la pensée romaine, chrétienne ou judaïque a contribué à brouiller les cartes. Son interprétation des écrits d'Anaximandre est très important car il en fait l'inventeur de la notion d'étant, l'un des piliers de sa propre philosophie. Cette lecture très minutieuse est en même temps l'établissement des principes fondamentaux de sa pensée. La question des origines élimine une « matière originelle » et ne doit pas être considérée sous une optique juridique et morale (comme ce sera le cas plus tard). Cette lecture approfondie est passionnante, mais est troublé par la manie du philosophe allemand d'inventer des termes comme le discord qui s'oppose à l'accord. De plus, il est pratiquement impossible de suivre son raisonnement si on ne connaît pas le grec ancien (mes connaissances en ce domaine se sont en partie évanouies comme l'étant d'Anaximandre !).
Cependant on parvient à comprendre que  l'être est mis en question. C'est là la conclusion la plus révolutionnaire, car toute philosophie occidentale jusqu'à Nietzche ne peut faire autrement que de tout faire débuter par l'être. La démonstration qu'il fait à ce sujet n'est pas d'une clarté cristalline ! Mais elle est crédible. Mais il faut lui reconnaître une grande qualité dans la façon de traiter le sujet des plus délicats. Le distinguo entre l'être et le « est »  est subtile et repose sur le bon sens. En somme, il se sert de son lointain ancienne pour éliminer la question de l'être. A partir de Socrate, surgit l'idée d'une entité originelle et éternelle que ne reconnaissait pas ses prédécesseurs. Il en appelle ensuite à la démarche de Kierkegaard et à celle de Karl Jaspers, avec lequel il reconnaît des points de convergence. Il affirme en outre ne pas avoir de philosophie. Ce qui ne l'empêche pas de déclarer que l'être, en fin de compte, ne peut être induit que par une impulsion issue d'une abstraction. L'être, pour ce que j'en comprends, est la quête de l'étant, non son passé ou sa proximité théorique. Heidegger est-il un iconoclaste ou un représentant de la pensée présocratique ? Les deux à la fois, je suppose.




Avant tout ne pas nuire - Corps étrangers I, Patrick Froehlich, Les Allusifs, 112 p.

Patrick Froehlich est réfractaire à l'idée du roman traditionnel. Mais comment définir l'ouvrage que nous avons entre les mains ? Ce n'est pas un essai, même s'il traite de questions précises et délicates, ce n'est pas un journal intime, même s'il parle à la première personne et évoque des instants vécus, ce ne sont pas non plus des mémoires adressées au public -, mais un peu de tout cela à la fois. La question du genre ne l'intéresse pas dans cet ouvrage. Il a opté pour une construction en spirales, les thèmes traités sont entrainés par ses spires et se retrouvent dans le mouvement de ces boucles qui ne se ferment jamais. Le point de départ est la question de la médecine, et plus spécifiquement de la chirurgie et des enfants. La question qu'il se pose en qualité de praticien est cette douleur infligée aux enfants (et qui a fait débat il y a quelques décennies de cela) peut devenir pour lui (et quand je dis lui, je dois englober tous ces confrères) un poids sur sa conscience. Il est tout à fait vrai qu'on n'a guère pris cette question en considération pendant longtemps. Ce qui est d'ailleurs assez déconcertant. Il expose ses états d'âme et ses doutes. Il ne s'agit pas pour lui de battre sa coulpe ou de placer la question sur un plan strictement moral, mais de comprendre la nature de cette relation entre le médecin et le petit enfant. Il revient d'ailleurs sur le serment d'Hippocrate et sur la rôle que ce grand précurseur a pu jouer. C'est le fondement même de l'acte thérapeutique, qui fait du docteur une personne investie d'une mission. Ce qui frappe dans ce texte, c'est qu'il a pris la chose très au sérieux. Tellement au sérieux, qu'il ne cesse de se demander s'il n'a pas déroger à son serment, alors qu'il s'est comporté avec la plus grande application professionnelle. Il remet en cause la justesse de ses actes, mais ne va pas jusqu'à se condamner. Non, il veut que la question reste ouverte, béante, et que nous, qui lisons ses pages, nous partagions ces interrogations. Bien sûr, il aurait pu écrire un traité en bon et due forme. Mais cette écriture si singulière lui permet d'éviter de formuler des idées systématiques et définitives, de porter des jugements sans appel. C'est en ce sens qu'il se révèle romancier. Le lecteur est emporté par ses réflexions qui le ramène à son passé : Lyon ou Bruxelles par exemple. Quand il évoque sa ville natale et ses environs, il évoque la dernière guerre, le procès Barbie, les bombardements alliés sur l'usine Schneider du Creusot, la résistance. Là encore, il s'efforce d'aller plus loin que la surface des événements et exhume une petite partie de vérité bien ensevelie sous les préjugés. Patrick Froehlich est un écrivain sortant des sentiers battus, mais capable autant de séduire que de nous forcer à voir les choses sous un angle bien différent. De son autobiographie et de l'expérience accumulée dans son métier, il a fait un cheminement tortueux mais d'une grande richesse pour aborder des zones curieusement peu explorées de l'expérience humaine -, l'enfance demeurant en partie une zone grise.




OEuvres, Georges Perros, édition réalisée et préfacée par Thierry Gillyboeuf, « Quarto », Gallimard, 1600 p., 32 euro.

Georges Perros (1923-1978) n'a jamais été un poète très populaire, comme l'a été par exemple Jacques Prévert, et n'a pas été accueilli dans l'Olympe de la poésie comme l'a été Jean Tardieu. Mais son oeuvre a été admiré par les connaisseurs. Il écrivait avec une grande simplicité et ne s'est donc jamais perdu dans les méandres de la rhétorique ou des formes savantes. Sa poésie était simple dans son expression et ne recherche pas à rendre hommages aux poètes métaphysiciens. Au contraire, il a toujours recherché le mode le plus direct, le plus épuré et aussi le plus accessible. Cela donne à ses compositions un accent de vérité assez exemplaire. En 1967, il fait paraître chez Gallimard Une vie ordinaire, qui est vraiment un manifeste de sa poétique. Il y emploie un mode narratif et y défend la simplicité de son écriture qu'on semble lui reprocher alors. Il affirme avec conviction cette manière d'être poète en ces temps où le Nouveau Roman, différentes orientations nouvelles dans la poésie expérimentale après le Lettrisme et puis ce qu'on a appelé la « poésie blanche ». Il a voulu aller à contre-courant de la majorité de ses contemporains. Sa prose, abondante est de la même nature. On trouve la même retenue dans ses essais et ses articles (il écrit sur d'autres poètes, comme Max Jacob, Michel Butor, ou Henri Michaux). Ses Poèmes bleus (parus en 1962) sont, à mon humble avis, son oeuvre la plus aboutie, la plus belle, la plus captivante et on peut la lire dans son intégralité dans ce beau recueil, préparé et présenté avec intelligence et sagacité par Thierry Gillyboeuf (sa préface est remarquable). On y trouve en effet bon nombre de ses ouvrages posthumes, ses nombreux textes en proses, mais surtout ses carnets, qui sont une introduction à cet homme qui a consacré toute son existence à son art. Je dois dire avoir une prédilection pour ses nouvelles, qui sont pleine d'un humour léger, comme « A propos du pied » ou ce récit autobiographique, « Notes d'enfance ». Ce gros volume donne l'occasion rêvée de faire la connaissance d'un être qui n'a pas eu toute sa place dans ce monde des lettres qui a été, dans ses écrits, plein de finesse, de justesse de ton et économe de ses mots, pour que chacun d'eux pèse son juste poids.
Gérard-Georges Lemaire
14-12-2017
 

Verso n°136

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