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[verso-hebdo]
04-12-2014
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Quel rapport entre Jeff Koons et Sylvie Falconnier ?
Il n'y a évidemment aucun rapport possible entre l'artiste vivant le plus cher et le plus médiatisé au monde et une discrète sculptrice inconnue montrant en ce moment son travail dans une petite galerie parisienne. Et pourtant... D'abord, que voit-on dans l'exposition du Centre Pompidou ? D'une part, la représentation complaisante, dans la salle centrale, de détails obscènes, fruits photographiques de l'union, en 1991, de M. Koons et de Mlle Staller, porno-star connue sous le nom de La Cicciolina. Ces images géantes, d'une vulgarité insupportable, correspondent exactement à la définition de la pornographie selon le dictionnaire. D'autre part, dans les vastes espaces ouverts, la non moins complaisante exhibition d'objets issus de la société capitaliste post-industrielle dont l'unique intérêt est d'avoir obtenu des cotes inouïes en salles des ventes. Le célébrissime Balloon Dog, en acier si bien poli qu'il renvoie son image au spectateur, est là, dont on sait qu'il a atteint 58,4 millions de dollars. Cette ancienne baudruche, tout comme le homard ou le coeur enrubanné naguère rendus fameux par leur intrusion dans le château de Versailles ont été choisis avec ironie, bien sûr. Une ironie que le responsable assure de bon aloi. Leur seul intérêt réside en fait dans la valeur insensée que leur accordent les détenteurs du pouvoir de l'argent aujourd'hui, financiers généralement incultes, vers qui la richesse ne cesse d'aller depuis le début de la décennie 80.

Si bien que se trouve vérifiée et incroyablement amplifiée la constatation de Jean Baudrillard dans son article du 20 mai 1996 dans Libération tant critiqué par les adorateurs inconditionnels de l'art contemporain : « Que peut signifier le porno dans un monde pornographié d'avance ? Sinon nous lancer un dernier clin d'oeil paradoxal - celui de la réalité qui se rit d'elle-même sous la forme la plus hyperréaliste, celui du sexe qui se rit de lui-même sous sa forme la plus exhibitionniste, celui de l'art qui se rit de lui-même et de sa propre disparition sous sa forme la plus artificielle : l'ironie. » Nous venons de célébrer le centenaire de la mort de Jean Jaurès. Qu'aurait dit le grand prophète d'un socialisme humaniste devant ces signes atterrants de la décomposition du capitalisme ? Il savait bien que « C'est vers le financier gaspilleur que va de siècle en siècle la richesse » (19 juin 1897) Rien n'a arrêté le mouvement depuis lors, pas même deux guerres mondiales. Or Sylvie Falconnier entreprend aujourd'hui de rendre hommage à sa manière au député de Carmaux. C'est comme si elle criait : « reviens Jaurès, ils sont devenus fous ». Ne serait-ce pas un homme comme lui qui trouverait les mots justes pour dénoncer le mensonge triomphant qui fait passer un Jeff Koons pour un véritable artiste, lui qui professe tranquillement que l'art n'est qu' « un vecteur privilégié du merchandising » ?

Sylvie Falconnier sculpte des bustes de Jaurès dans lesquels transparaît l'exceptionnelle personnalité de ce lutteur à la fois profondément bon et immensément cultivé. Elle le représente également en marcheur résolu, elle le dessine aussi. A travers son oeuvre, on entend son modèle s'adressant à la jeunesse à Albi en 1903. « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles... »
Sylvie Falconnier ne se joint pas aux applaudissements imbéciles de certains milliardaires, et à leur suite des médias et des foules, qui accompagnent les provocations ironiques de celui qui aujourd'hui, comme dirait Baudrillard, prostitue le Rien à la valeur. Le même auteur se demandait il y a dix huit ans comment le monde de l'art pourrait continuer de fonctionner dans la désillusion critique et dans la frénésie commerciale. Or il a prospéré de plus belle et nous n'avons toujours pas la réponse. Cela ne nous empêche pas, comme Sylvie Falconnier à l'écoute de Jean Jaurès, de chercher la vérité et de la dire.

www.sylvie-falconnier.com
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
04-12-2014
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
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Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com