Art Paris (il faut ajouter « Art Fair » : toujours le snobisme de l’anglais) est parvenu à sa quinzième édition cette année, et c’est la première fois qu’elle n’est clairement plus la foire des « refusés de la FIAC » comme on disait jusqu’ici, « avec justesse d’ailleurs, reconnaît le commissaire général, Guillaume Piens, parce que lorsque aucune démarche de prospection n’est entreprise et que l’on attend que la foire se remplisse en fonction de la sélection de la foire d’automne justement, c’est effectivement le résultat que l’on obtient ». Guillaume Piens et son équipe ont donc prospecté avec deux axes de recherche : d’une part, des galeries et des artistes de l’est au sens large (pays de l’ancien empire soviétique, mais aussi du Moyen-Orient et de l’Asie) et galeries jeunes d’autre part (nées au XXIe siècle). Les résultats ont été inégaux, ce qu’a souligné avec une certaine férocité un grand quotidien du soir en parlant d’un « pêle-mêle déroutant », mais au moins était-on dans une ambiance très différente de celle de la FIAC qui affiche ces dernières années, non sans quelque arrogance, ses liens plus ou moins privilégiés avec le monde anglo-saxon.
La Russie était l’invitée d’honneur. Citons la Pechersky Gallery de Moscou, fondée par Marina Pecherskaya en 2011. Elle présentait Rostan Tavasiev, artiste affectionnant les nounours en peluche. D’une manière générale, madame Pecherskaya est focalisée sur la « new Wave » en Russie avec des artistes du groupe VGLAZ et Oleg Kotelnikov (un des fondateurs du groupe « Nouveaux Artistes » dans les années 80), mais elle accueille aussi des américains (Richard Hambleton) et allemands, ce qui brouille un peu son identité. La galerie Fotografija , fondée à Ljubljana en 2003 est exclusivement consacrée à la photographie, elle présentait une série de travaux fort intéressants de Roberto Kusterle sur le thème du « dialogue avec la nature » : par exemple une jeune femme nue, de profil, la tête enfouie dans un immense nid abritant une trentaine d’oiseaux. Titre : Chorus, dimensions : 103 x 117 cm. Spectaculaire et poétique. La galerie Paris-Bejing, fondée en 2006 par Flore et Romain Degoul, est installée à Paris, mais aussi à Pékin et Bruxelles. Elle s’est spécialisée dans la photographie de la scène asiatique, et le démontrait avec des mises en scène géantes de Liu Bolin, par exemple Road block de 2007 : un chinois assis sur une autoroute dans la position d’un bouddha en méditation, adossé à un bloc de béton. On s’inquiètait de voir arriver une voiture.
Terminons en indiquant un motif d’indignation et deux motifs de satisfaction. L’indignation : elle était légitime, me semble-t-il, devant le crayon de couleur sur papier de Stiina Saaristo intitulé Fruit Mix (2012, 290 x 150 cm) représentant avec des détails maniaques une très grosse dame absolument hideuse, en collant et soutien-gorge noir, fixant l’air hagard un autre soutien-gorge, blanc celui-là. C’était présenté par la Galleria Heino d’Helsinki et c’était à fuir. La satisfaction : retrouver de bons tableaux de Georges Noël, excellent peintre décédé en 2010 et injustement oublié. La galerie Tristan d’Issy-les-Moulineaux a fait là une bonne action. Enfin, on a découvert l’art tribal indien grâce à Hervé Perdriolle, infatigable globe-trotter, qui a planté sa tente rue Gay-Lussac pour le présenter aux parisiens. Il défend en particulier Jivya Soma Mashe le célèbre artiste de la tribu Warli, et une autre vedette de l’art contemporain indien, Ravinder Reddy, que l’on avait pu voir au Centre Pompidou dans l’exposition Paris, Delhi, Bombay… en 2011. Son stand constituait une des principales raisons de ne pas rater Art Paris cette année.
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