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[verso-hebdo]
20-10-2022
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Soliloques d'un peintre, Ecrits 1896-1958, Georges Rouault, édition établie et présentée par Christine Gouzl, L'Atelier contemporain, 1200 p., 30 euro.

Je me souviens avoir vu pour la première fois des tableaux de Georges Rouault au musée d'Art moderne de la ville de Paris quand j'étais encore au lycée. J'ai été surpris par ce genre de peinture que j'ignorais complètement. Plus tard, j'ai compris qu'on tenait ce peintre loin des grands maîtres de l'art moderne à Paris au début du XXe siècle. Cette relative mise à l'écart tient sans doute au fait que sa peinture peut être qualifiée d'expressionniste. Et l'expressionnisme ne faisait pas partie de l'esthétique de cette époque en France. La limite était Chaïm Soutine.
Au-delà, il fallait songer à l'Allemagne. Cet artiste qui avait exposé avec les fauves au Salon d'Automne de 1905, a eu une activité intense car il ne se contentait pas de faire des tableaux : il faisait de la gravure, de la céramique, illustrait des livres, créait des modèles pour des tapisseries, il a même fait des vitraux. Il est entré dans la galerie de l'extravagant Ambroise Vollard. Il était donc bien loin d'être mis dans les marges de son époque. C'est par la suite qu'on l'a placé à un rang inférieur à ses illustres contemporains. J'avais aussi conservé le souvenir qu'il avait écrit ses mémoires. Mais jamais je n'aurai cru qu'il ait laissé derrière lui une oeuvre littéraire aussi vaste que les éditions de L'Atelier contemporain a rassemblée en un seul volume. Je commencerai par parler de sa poésie, qui est considérable. Il a composé un album intitulé Versailles, rédigé en 1912, quand il résidait dans cette ville. Ces poèmes ne sont ni classiques ni modernistes. Ils font état de l'actualité de cette année-là et se révèlent caustique et humoristique. La même année sans doute, il conçoit un autre album baptisé Messieurs peintres.
Il l'a dédicacé à André Suarès, dont il venait tout juste de faire la conaissance. Ce sont ici comme dans ses autres recueils des poèmes dignes de ce nom, même s'ils ne sont pas dépourvus d'humour et de causticité. Mais ils ne se rattache à aucune école. Ce sont des vers libres, écrits avec une simplicité qui ne trouble pas leur intensité. Il aborde mille sujets, de Donatello à au restaurateur et à La Joconde. Son écriture est originale, tout comme la pensée qui l'a portée. Cahier misere a été rédigé à l'époque de Messieurs peintre (c'est-à-dire quand décède son père). Et ce goût pour la création poétique ne l'abandonne jamais. A Feu Debureau a été composé en 1926 alors que Poèmes de l'invisible a été écrit en 1942, mais pas publié à l'époque. Tous ces écrits méritent de figurer dans une anthologie du XXe siècle mais l'artiste n'a jamais eu l'ambition de rivaliser avec les plus grands poètes de son temps. Cette production prolifique n'a pas empêché d'être un commentateur très avisé des arts de son temps. Il s'est même attaché à coucher par écrit des essais théoriques paru dans diverses revues et composés pendant sa jeunesse, s'intéressant par exemple à la tension entre l'art ancien et l'art moderne. En outre, il a su regarder et analyser avec soin les travaux de peintres plus anciens et de peintres contemporains.
De Gustave Moreau, Forain, de Degas et Renoir jusqu'à Paul Cézanne qu'il a beaucoup admiré. Il a bien entendu écrit une autobiographie intitulée Souvenirs intimes, Rouault a écrit des préfaces jamais été publiées mais qu'on découvre dans cet ouvrage. Plus qu'un livre relatant son existence et ses combats, c'est une suite de portraits de personnages qu'il a beaucoup appréciés de Daumier à Huysmans. Plus tard, il a rédigé les Soliloques, publié par Ides et Calendes en 1944. C'est un mélange de méditations, de réflexions sur l'art, l'vocations d'artistes comme Courbet, Chardin, Corot, entre autres. J'en suis convaincu : ce ne sont pas ces maigres lignes qui suffiront à vous convaincre de vous lancer dans la lecture de ces innombrables écrits de Georges Rouault. Je suis cependant certain que vous ne regrettez pas de m'avoir écouté car, en dehors de leur intérêt spécifique, elle devrait vous amener à réviser les termes de l'histoire de l'art que vous avez apprise ou que vous avez élaborée. Cet artiste est l'un des grands absents dans cette affaire qui concerne d'abord la France. Et ses poèmes ne manquent pas de chien ! Alors n'ayez aucune peur de tenter l'expérience - vous verrez, ce sera pour vous une révélation. Rouault mérite vraiment d'être réhabilité et de rejoindre le Panthéon des grands maîtres de l'art moderne.




Sophie Calle, introduction de Clément Chéroux, Photo Poche, Actes Sud, 15, 90 euro.

Deport assez longtemps, Sophie Calle fait partie des meubles de l'art contemporain français. Et elle connaît toujours le même succès. Il est vrai qu'elle s'est emparée de la notion d'artiste-photographe. Mais elle est allée un peu plus loin que bien d'autres : elle a ajouté à ses clichés des textes plus ou moins longs ou détaillés, plus ou moins clairs ou au contraire cryptiques, ce que donne à son entreprise une dimension littéraire indéniable. Ce volume ne raconte pas une histoire, mais est une collection d'histoires assez brèves.
Bien sûr, elles ont le plus souvent une forte connotation autobiographique. La première image du volume dans le premier chapitre des « Histoires vraies », on découvre une image d'elle à l'âge de deux ans. Cependant, même si la nature introspective de sa quête est omniprésente, elle ne s'est pas évertuée à rédiger de véritables mémoires. Ce sont des moments que sa mémoire fait ressurgir en fonction du jeu de ses réminiscence, sans pourtant développer une sorte de roman. C'est autre chose qu'elle recherche. Ce quelque chose est une relation entre ce qu'elle voit et ce que cette vision lui suggère et qu'elle écrit. Cela peut être un simple instant de son passé comme une tentative de reconstituer un vécu.
L'image est d'abord le support de cette mémoire ou alors de cette révélation que l'oeil examine avec le plus grand soin et lui permet d'apporter un commentaire qui éclaire des objets réunis ensemble souvent en désordre. Cette fois, elle va plus loin dans le sens de l'écriture : elle installe la mise en scène d'une correction typographique ; ses textes sont quelques fois bicolores (rouges et noirs). En somme, sans changer l'orientation de ses travaux, elle va plus loin dans certaines directions. On a la sensation qu'elle s'efforce d'approfondir ce qu'elle a pu réaliser jusqu'alors. Elle n'a jamais cessé d'élargir le champ de son investigation, ce qui la rend plus intense et donc plus intéressante.




Charlotte Perriand, Damarice Amao & Emmanuelle Kouchner, 15,90 euro.

Charlotte Perriand déjà bien connue du public et plusieurs monographies et catalogues lui ont été consacrés. Sans doute, sa notoriété a-elle pu reposer sur une très vaste gamme d'intérêts. Elle ne s'est jamais interdit de passer d'un genre d'expérience à un autre. Ce livre nous donne l'occasion de découvrir la richesse de son regard sur le monde. Les premiers clichés que nous découvrons ici sont des portraits, des paysages urbains à Paris, de la place Saint-Sulpice au boulevard des Maréchaux, avec des portraits de passants (souvent pris de biais). On comprend qu'elle n'a pas de projet précis au gré de randonnées dans la capitale e laisse aller aux rencontres aléatoires.
Mais le ton change bientôt : elle réalise au milieu des années trente des photomontages colorés (souvent avec une seule couleur). Voici des portraits figures illustres, Le Corbusier, Jeanneret ou Fernand Léger. Elle se passionne pour les régions agricoles de la France. Sa curiosité est insatiable. On a l'impression qu'elle ne va pas en chasse d'images, mais que ce sont les situations se présentant à elle qui la motivent. Jusqu'aux anciens temples japonais. Bien sûr, il serait indispensable de voir un plus grand nombre de document pour saisir l'essence de sa démarche. Mais ce petit volume nous sert à nous familiariser avec son regard et sa façon si particulière d'appréhender la photographie.




Corbeline, Jacques Moulins, monotypes d'Anne Coubert, L'Atelier contemporain, 176 p., 20 euro.

Je ne connais pas cet auteur et le titre ne me dit rien ! Mais il m'a suffi de lire les premiers poèmes (surtout le premier, qui m'a curieusement fait songer à Jacques Villon avec tous ces corbeaux !). On apprend peu après que la corbeline, une plante connue pour pousser aux abords des gibets. Cette herbe noire est associée aux corbeaux - d'où son nom. De strophe en strophe, le poète fait découvrir la nature de la plante, le monde végétal qui voisine avec elle et aussi l'emploi qu'on peut en faire. Ensuite, l'auteur se concentre sur le mot « corbeau » et en dissèque les sens jusqu'à examiner chaque lettre. Il en soutire des considérations sémantiques et se comporte en explorateur de ses valeurs linguistiques qui ouvrent des horizons inédits. Le corbeau est désormais loin d'Edgar Poe et de Charles Baudelaire, sans perdre sa connotation maléfique.
Jacques Moulins a quitté les chemins traditionnels de la poésie, mais a finalement su créer une autre manière d'aborder cette recherche qui fait songer parfois au symbolisme et parfois au Parnasse fin de siècle mais sans en adopter les formes et les codes. Ce périple est une véritable longée dans les abysses de la langue, mais aussi de l'imaginaire que la poésie a le pouvoir de véhiculer. On y rencontre, au fil de la lecture, la corneille, la pie et, à la fin, le vautour, chacun de ces oiseaux possédant sa propre déclinaison qui entraîne une chaîne de relations symboliques. Corbeline est une expérience plutôt séduisante qui nous pousse à considérer l'acte poétique sous une formulation nouvelles sans avoir recours aux excès de pratiques expérimentales. C'est un recueil qu'il convient de découvrir et de savourer en se débarrassant de nos préjugés sur l'art poétique.




Traverser l'invisible, Marion Grébert, L'Atelier contemporain, 240 p., 25 euro.

C'est devenu une sorte de contagion : on ne cesse de vanter ces femmes qui, dans le domaine de la création, ont été effacée de l'histoire. Dans le cas présent, l'auteur a voulu nous parler de deux figures inconnues de l'ère des pionniers de la photographie,Francesca Woodman et Vivian Maier. En évoquant l'oeuvre et le destin de ces deux inconnues (à nos yeux), elle a souhaité faire l'histoire du rôle de la femme dans les arts. Elle affirme que c'est au gré de la Révolution française. Ce n'est pas vraiment exact des figures de talent qui ont marqué la Renaissance, de Sofonisba Anguisola à la Tintoretta (la fille de Tintoretto), qui sont des figures marquantes de la Renaissance, jusqu'au XVIIIe siècle, on l'on voit apparaître Elisabeth Vigée-Lebrun, qui a été le peintre le mieux payé de son époque !
Quoiqu'il en soit, Marion Grébert a fait des recherches dans les musées pour tenter de recomposer la personnalité de ces deux femmes très en avance sur leur temps. Elle s'est vite aperçue qu'elles pratiquaient beaucoup l'autoportrait. C'était peut-être là leur façon de forger leur image devant l'indifférence générale et l'absence de reconnaissance de leurs travaux. Bien que l'ouvrage soit un peu confus, l'auteur mélangeant des considérations sur sa personnes et les données historiques qu'elle a tenté d'exhumer, n'appartiennent ous faire nous intéresser à ces deux inconnues qui mériteraient une reconnaissance plus profonde. Le seul nom de Francescca Woodman et de Vivian Meier sont quasiment nos contemporaines. Elles n'appartiennent à ces générations de dames qui n'ont pas voulu utiliser ts de cette pratique nouvelle au cours du XIXe siècle. Mais ce n'est pas dramatique : leur exemple met en avant une démarche intéressante et une originalité qui est demeurée jusqu'à ce livre assez opaque. Donc, c'est une excellente décision d'avoir écrit ces pages. Quant à moi, je laisserai de côté tout le versant féminin qui devient passablement agaçant...




Le Suicide de Lucrèce, Eros et politique à la Renaissance, Henri de Riedmatten, Actes Sud, 404 p., 32 euro.

La figure de Lucrèce n'est pas mythologique. Elle est associée à la période l'histoire romaine où Brutus exile les Tarquin, abolit la monarchie et donne naissance à la République. Son suicide est demeuré légendaire et Tite-Livre en a beaucoup parlé dans son Histoire romaine (27-25 avant notre ère). Après lui Denys d'Halicarnasse et Ovide dans Les Fastes ont traité ce sujet.
Mais tous ces auteurs ont écrit sur le viol et le suicide de Lucrèce bien longtemps après les faits, qui se sont déroulés en 509 avant notre ère, à la fin du règne de Tarquin le Superbe. Le récit qu'en fait Tite-Live a enrichi et sans nul doute modifie la réalité de ce drame. Victime de Sextus Tarquin, Lucrèce s'en plaint à son père et aux membres de sa famille.
Quand la malheureuse jeune fille se donne la mort, c'est Brutus qui retire le couteau de son coeur et qui exige le départ des Tarquin. Il devient le premier consul de la République romaine. Ce suicide, qui devient le prétexte d'un coup d'Etat, est magnifié par Tite-Live comme un acte héroïque. Par la suite, l'Eglise en fait une « protomartyre ». Tertullien est le premier à le proclamer. Pour lui, c'est évident, c'est la chasteté qui est le noeud du problème. Saint Augustin n'abonde pas dans ce sens, bien au contraire. A l'époque où la chasteté était une valeur suprême (on le voit aussi chez saint Ambroise). Mais Augustin, à l'exemple de Platon, condamne le suicide. Avec ces Pères de l'Eglise, Lucrèce a perdu son aura et disparaît des représentations. Ce n'est qu'au début de la Renaissance, à Florence, que le thème fait sa réapparition. Elle le trouve d'abord peint sur des objets de la vie domestique, en particulier à ceux associés au mariage, ce qui n'est pas sans soulever quelques interrogations.
Il s'agissait pour l'essentiel de coffres. Giorgio Vasari parle de ce genre de sujet à propos de Dello Delli. Le personnage de Lucrèce fait son apparition dans les poèmes de Pétrarque, surtout Les Triomphes. En fait on assiste alors à une multiplication des représentations de femmes vertueuses, alors que la chasteté est regardée comme une valeur suprême. Les Femmes illustres de Boccace jouent un grand rôle dans ce surprenant éloge du domaine féminin. Le Livre de la cité des Dames de Christine de Pizan va jouer peu après un rôle non indifférent. Mais déjà Dante et Giovanni Sercambi ont déjà fait allusion à déjà fait état de cette malheureuse Lucrèce. La peinture ne tarde pas d'accentuer cette tendance. Sandro Botticelli est l'auteur le plus connu. Leon Battista Alberti l'évoque lui aussi dans son ouvrage intitulé La Famille (1433-1444). Ce phénomène coïncide avec la redécouverte et la grande valorisation de la culture païenne. Mais elle arrive aussi en coïncidence avec l'affirmation du pouvoir des Médicis à Florence.
Sans entrer dans tous les détails de cette étude passionnante qu'a élaborée Henri de Riedmatten, il est à noter que cet intérêt toujours croisant pour Lucrèce a ici un arrière-plan politique. L'analyse qu'en 1930-1950 l'auteur suggère que cette femme symbolise la république (ce qui n'est pas exact sur le plan strictement historique) , mais qui ne cesse pourtant d'être une référence constante. Reste ensuite à comprendre ce que les grands artistes en ont fait : La Lucrèce de Luca Cranach ou du mystérieux Maître du Saint-Sang n'ont sans doute pas la même signification. Cet essai mérite d'être salué par son sérieux, par la volonté de son auteur d'aller au fond des choses, mais aussi par son grand souci de lier des questions qui, en apparence, n'ont pas de liens. Voilà une belle expression de ce que peut être l'histoire de l'art dans toute sa puissance.




Les Tribulations d'Erwin Blumenfeld 1930-1950, sous la direction de Nadia Blumenfeld-Charbit, Nicolas Feuille et Paul Salmona, MAHJ/ RMN - Grand Palais, 240 p., 40 euro.

Jadis et Daguerre, Erwin Blumenfeld, traduit de l'allemand par Françoise Toraille, Babel, 528 p., 12, 90 euro.


Erwin Blumenfeld est né à Berlin en 1897. Sa vie va le faire voyager et finalement émigrer aux Etats-Unis. Il décède à Rome en 1869. Il est considéré à juste titre comme un des grands photographes du XXe siècle. L'exposition présentée au MAJH est admirable car on la faculté de suivre son parcours créatif qui s'est exprimé sous les formes les plus diverses, des revues de mode aux reportages quasiment ethnographiques (je songe, par exemple, aux Amérindiens). Il a aimé passer d'un sujet à un autre et, aussi, touché à différents registres techniques et esthétique.
Cela n'en fait pas un créateur éclectique. Son existence de gyrovague lui ont fait découvrir des cultures et des lieux très différents. Il tente toujours d'y obtenir son visa, il interdit qu'il a de plus en plus le désir d'immortaliser les rencontres qu'il a pu faire. Et l'on ne peut pas admirer ses clichés sans se plonger dans son extraordinaire livre de dans son merveilleux livre de souvenirs, réédité à l'occasion de cette manifestation remarquable.
Blumenfeld a reçu son premier appareil photographique dans sa jeunesse pour le consoler d'une opération qu'il a dû subir. Sa passion est née alors et n'a fait que croître. Il avait aussi une soif de connaissance telle qu'il a imaginé de construire une bibliothèque pour y réunir trois cents livres (il sera très déçu car il ne parvint qu'à parvenir à en réunir 230).LKa mort de son père en 1913 provoque la faillite de son entreprise. Un changement radical de son existence s'en est suivi. Il doit travailler : le voici apprenti dans un magasin de confection après avoir quitté le lycée.
En 1916, il fréquente le Cafe des Westens, où il fait la connaissance de Georg Grosz, de la poétesse Else lLasker-Schüller, et de l'homme de lettres Salomo Friedlaender. Il rencontre Lena Citroen à Amsterdam (il avait correspondu avec elle depuis un moment. Il est appelé sous les drapeaux, devient ambulancier et puis comptable sur le front français. En 1918, il décide de déserter et va se cacher aux Pays-Bas. Il est arrêté par son oncle et est incarcéré. Puis il est envoyé sur le front flamand alors que son frère est tué au combat. Après l'armistice, il retourne aux Pays-Bas pour retrouver sa fiancée. Il se lance dans le commerce d'oeuvres d'art avec son ami Paul Citroen. Il commence à peindre et à faire des collages dès 1919 sous un pseudonyme : Jan Bloomfield. L'année suivant, il fonde le groupe dadaïste néerlandais et correspond avec Tristan Tzara. IL épouse Lena en 1921.
Leur fille Lisette naît l'année suivante. Il ouvre une boutique de maroquinerie à Amsterdam. Leur fils Heins naît en 1925. Trois ans plus tard, le couple fait un voyage dans le Midi de la France (c'est alors qu'il fait la suite des Gitanes). Un autre fils naît en 1932 : Frank Yorik. Il se remet alors à la photographie. Il expose pour la première fois à Amsterdam. En 1933, quand Hitler est nommé chancelier, il faite de suite de caricatures : les Visages de l'horreur. En 1934, il est photographe de plateau pour Jacques Feyder. Il fait faillite en 1935 et décide de s'installer à Paris. C'est là que s'épanouit pleinement sa créativité, qui est polymorphe. Il fait des portraits - entre autres de Claude Mauriac, Michel Leiris et de Georges Rouault, entre autres), s'attache à des paysages urbains, exécute de très belles prises de vue rapprochées des statues d'Aristide Maillol. Il fait aussi de très beaux portraits de jeunes femmes qui ont une connotation expérimentale, parfois s'inspirant de l'art ancien.
On constate qu'il a de plus envie d'approfondir ses recherches esthétiques avec des moyens originaux et qui lui permettent d'obtenir des effets singuliers et le plus souvent d'une indéniable beauté. La déclaration de guerre met provisoirement un terme à cette quête qui ne cesse de se révéler plus radicale et plus aboutie. En 1938, il a commencé à écrire pour Vogue grâce à Cecil Beaton. Il se rend à New York pour la première fois en 1939 et obtient un engagement pour Harper's Bazaar.
Quelques mois plus tard, il part s'installer aux Etats-Unis. Mais avant de partir il est envoyé dans plusieurs camps d'internement avant d'obtenir son visa. De retour aux Etats-Unis, il poursuit ses spéculations plastiques avec bonheur et introduit alors la couleur. Ils continuent à travailler pour des revues de mode. Il visite le Nouveau Mexique et en rapporte de nombreux documents sur la vie et la culture des Pueblos. En 1960, il fait un séjour à Berlin et se met à la rédaction de son autobiographie. Son livre Jadis et Daguerre paraît en 1975 en français. L'exposition et son récit autobiographique sont indispensables pour tous ceux qui -portent un intérêt profond à 'art photographique.




Les Cercles de la baronne, galerie Alain le Gaillard / Minotaure, 168 p.

Je ne saurais trop louer la qualité des expositions et des publications élaborées de conserve par Le Minotaure et la galerie Alain Le Gaillard. Cette fois, ces deux lieux qui se consacrent surtout à l'histoire culture du XXe siècle, ont décidé de rendre hommage de la baronne Hélène d'oettingen, ( Stepanivska, Ukraine, 1885 - Paris 1950) que nous connaissons surtout pour son rôle de mécène jusqu'à la période de la Grande Guerre. Ce que nous découvrons ici grâce aux deux expositions et au riche catalogue, c'est qu'elle a été aussi peintre (sous le pseudonyme de François Angihoult), elle a participé, entre autres manifestations, au Salon d'Automne à partir de 1912, et aussi qu'elle a été écrivain sous d' autres pssudonymes : Roger Grey pour le roman etLéopold Pieux pour la poésie. Elle est arrivée à Paris en 1903 avec son cousin Serge Férat. Soin oeuvre picturale, dont on peut voir ici quelques exemples intéressants, comme Composition (1920) et surtout Composition de 1915, d'une dimension impressionnante et très vivement colorée, n'a guère été réestimée après sa mort. est sans doute le moment de lui redonner une place, même s'il elle n'a pas voulu se mettre à la même hauteur que les plus grands créateurs de son temps.Dans le cercle de ses protégés, on trouve le Toscan Ardengo Soffici (qui a été un temps son amant), Sonia Delaunay, bien sûr Serge Férat, avec des portraits et des natures mortes. Léopold Survage, qu'elle a beaucoup soutenu, en donnant une grande importance à ses travaux abstraits, et elle s'est aussi intéressée à Fernand Léger, dont on a la possibilité de voir ne superbe aquarelle en blanc, noir et gris de 1919.
Elle a aussi su apprécier Frantisek Kupka, Léon Marcousis et Alexandre Archipenko. Ensuite, elle a permis à Guillaume Apollinaire de remettre à flot la Revue de Paris et à monter sa pièce Les Mamelles de Tirésias en 1917 avec des décors et des costumes fantasques de Serge Férat (qui illustre le volume du poète l'année suivante). Son appartement du boulevard Raspail n'est pas comparable à celui de Gertrude Stein rue de Fleurus : elle n'a pas l'idée de réunir chez elle tout ce qui constitue l'avant-garde triomphante de Paris (de Picasso à Juan Gris), mais plutôt de choisir des créateurs qui, à ses yeux, représentent le meilleur d'un langage innovant. C'est un émerveillement permanent et la baronne révèle un pan important de l'histoire de culture avant l'horrible guerre et peu après. La ruine de sa famille la force à bien plus de modération dans son mécénat. Elle n'en demeure pas moins une des grandes figures qui soit apparue avant les Années Folles. Les deux exposition s'achèvent le 26 novembre : ne les manquez pas !
Gérard-Georges Lemaire
20-10-2022
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier
du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
Auteurs: Estelle Pagès et Jean-Luc Chalumeau


Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com