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[verso-hebdo]
17-11-2022
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Wolf Vostell, L'art après la Shoah |
Le Ludwigmuseum de Coblence présente, du 13 novembre 2022 au 29 janvier 2023, une exposition de Boris Lurie et Wolf Vostell sur le thème de l'art après la Shoah. Juif allemand né en 1932 à Leverkusen, Vostell avait beaucoup à dire là-dessus, et il le ferait jusqu'à sa mort en 1998. Quand il avait vingt ans, il était parfaitement inconvenant d'évoquer les horreurs de la guerre dans l'Allemagne traumatisée. Il l'a fait tout de même avec courage et une formidable puissance créatrice. Passionné par les nouveaux médias, particulièrement les postes de télévision qu'il noyait dans le béton, il ne s'est jamais laissé enfermer par ses propres découvertes. Animateur infatigable du mouvement international fluxus (il travaillait à Berlin, Paris et Cologne). Il aurait pu dix fois, ayant ouvert une nouvelle brèche, y camper et en interdire l'accès aux autres. Mais une attitude de rétention artistique aurait été le contraire de l'idéal vostellien qui consistait en une identification de l'art et de la vie, de la vie et de l'art. Vostell agissait sur le réel sans le refléter. Il bétonnait des télés pour résister au bétonnage de la vie par la société de consommation (série des Dépressions endogènes, 1975-1980). Je l'ai rencontré en mai 1985 pour préparer un numéro de la revue Opus International à lui consacré.
L'exposition du Ludwigmuseum est peut-être l'occasion de rappeler la doctrine de Wolf Vostell, très influente dans les années 70/80 et largement oubliée au XXIe siècle. Il l'avait résumée pour Opus en ces termes : « La grande hypothèse que j'ai établie est celle de devenir soi-même une oeuvre d'art au lieu de considérer les autres oeuvres d'art. C'est-à-dire qu'à travers la vie de l'art mais aussi à travers la contemplation de l'art et l'écoute de l'art (ndla : Vostell composait de la musique fluxus), on passe soi-même à une catégorie qui peut être considérée par sa maturité comme une oeuvre d'art. Quand cette oeuvre d'art est capable de dégager quelque chose d'elle-même, alors celui qui l'a faite devient un artiste. L'être humain est d'abord une oeuvre d'art, puis l'être humain devient artiste. Moi-même, j'ai été frappé par les études ethnographiques, par les observations des comportements des Africains ou Asiatiques. Je veux dire par là que - tout comme la sculpture africaine au début de notre siècle a déclenché le cubisme - sans doute une partie des groupes de Happening a été exposée à l'influence des rites africains ou asiatiques, ou au bouddhisme et au zen.
Pour ma part, je répartirais ces deux influences équitablement. Les Américains ont peut-être été plutôt influencés par la philosophie orientale ou par le bouddhisme et le zen. Dans les années 50, j'ai vu énormément de films à Paris sur les rituels d'Afrique et d'Amérique du Nord. Des rituels où l'homme s'approprie le monde, non pas en célébrant quelque chose pour le laisser tomber ensuite, mais au contraire en acquérant par le rituel une maturité, une profondeur qu'il n'aurait autrement pas atteinte, ce qui signifie que le rituel est une oeuvre autonome et non un moyen. Beaucoup de mes Happenings étaient la ritualisation de circonstances de la vie qui, à cette époque, apparaissaient comme des problèmes actuels. Le culte de l'automobile, le culte de la télévision, le culte de l'aviation. Dans les années 50 et même avant, cela n'aurait pas été possible. Ma génération a pratiquement grandi avec ces phénomènes et s'en est fait des rituels. »
Autour de ses rituels, Vostell a multiplié les sculptures, les installations et les peintures. C'était un bon vivant qui aimait plaisanter. Bref : un artiste total.
www.ludwigmuseum.org
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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