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[verso-hebdo]
18-05-2023
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Retour sur les artistes immigrés |
Le musée national de l'histoire de l'Immigration s'est attaché cet hiver aux artistes plasticiens étrangers arrivés à Paris entre 1945 et 1972 avec une exposition dont Pierre Corcos a rendu compte très positivement. Le flux des peintres et artistes de la 3° dimension vers Paris a en effet repris dès la Libération, confirmant le jugement d'Harold Rosenberg qualifiant Paris « d'unique capitale du monde » en 1939. Ils sont plusieurs centaines : les commissaires en ont donné la liste sur un panneau spécial. Le seul problème est que le visiteur n'était pas informé des raisons du choix de quelques dizaines au détriment des autres. Je reviens donc sur cet événement en proposant un critère de sélection : certains ont été adoptés par des plumes connues, et n'étaient pas présents. Le Grec Constantin Byzantios, arrivé dès 1946, a immédiatement été adopté par Christian Zervos, Georges Duthuit, Eugène Ionesco et peut-être surtout Michel Foucault. Le turc Albert Bitran, parvenu à Paris en 1947, s'est tout de suite lié d'amitié avec le philosophe Claude Lefort. Enfin le serbe Vladimir Velickovic installé à la cité internationale des arts en 1966, ne tarderait pas à être remarqué par Michel Onfray. Aucun de ces trois peintres majeurs n'était retenu pour l'exposition du Palais de la porte Dorée.
Constantin Byzantios avait de nombreuses expositions à son actif en 1974, dont celle de la galerie Jeanne Bucher en 1972. Chez Carl Flinker, pour « trente dessins », c'est Michel Foucault qui avait rédigé un superbe texte dont voici les dernières lignes : « Entre cette frénésie et cette retenue, chaque trait doit être porté comme s'il était le dernier. Et celui qui se trouve n'avoir pas de successeur ne peut jamais être le dernier que pour un moment. C'est ce moment pourtant - ni plus ni moins ultime que les autres mais qui porte le jeu à son plus haut point d'intensité - que le dessinateur a choisi, à ses risques et périls, pour se détourner de son dessin, et laisser devant vous se déchaîner la bataille dans son éclat ininterrompu. Alors avancent vers vous, par l'effet d'un relief blanc, les personnages que les lignes noires avaient au départ dessinés, bien à plat, sur la surface blanche du papier. » Très jeune, Albert Bitran avait intégré des galeries de premier ordre comme celle de Louis Carré. Dans la préface de l'une de ses expositions, Jean-Louis Baudry avait conclu : « Les Doubles de Bitran nous rendent enfin dans la peinture, du temps vécu sensible à la vue. » Il n'en fallait pas davantage pour alerter le grand philosophe Claude Lefort et l'inciter à tenter une étude de phénoménologie de l'art appliquée aux Doubles de Bitran, dont il reproduisait la version 2 de 1972 en tête de l'édition de son texte publié chez Gallimard : Sur une colonne absente.
Vladimir Velickovic, le troisième de mon groupe de peintres immigrés, a préparé son exposition rétrospective au Fonds pour la culture Hélène et Edouard Leclerc avec moi qui en assurait le commissariat. Il est malheureusement mort avant le vernissage (15 décembre 2019) mais nous avions eu le temps de demander des textes à des auteurs qui avaient déjà manifesté leur intérêt pour Vlada : les philosophes Jean-Luc Nancy et Michel Onfray notamment. Ce dernier répondit avec enthousiasme le lendemain de la demande par un texte magnifique. Il avait choisi de commenter une oeuvre majeure du peintre : Homme, 1976, représentant un homme décapité sur une civière. « Quelle bourgeoise pourrait servir le potage dans une pièce où elle serait accrochée - la toile, pas la bourgeoise ? On ne vit pas chez soi avec une oeuvre pareille. Elle est pure présence et présentification de l'absence. Car la mort, c'est l'absence plus présente que toute présence. » Byzantios, Bitran, Velickovic : trois artistes immigrés majeurs présentés chacun par un auteur de premier ordre. Trois très bonnes raisons de les inclure dans une exposition dont les organisateurs les avaient écartés. Dommage.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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