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[verso-hebdo]
11-10-2012
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Anne-Charlotte Finel : la lettre même du temps |
La galerie Guillaume a eu la bonne idée de confier ses cimaises du 32, rue de Penthièvre au Père Michel Brière, aumônier des Beaux-Arts et critique d’art qui, sous le titre « place aux jeunes ! », a sélectionné cinq artistes. Ce spécialiste de Fra Angelico, qui collabora par ailleurs longtemps aux Cahiers d’art sacré, est un fin connaisseur de la scène artistique qui ne s’embarrasse d’aucun préjugé ni a priori. Aussi les talents de ses lauréats sont-ils très divers : Filip Mirazovic (né en 1977), Sarah Pigner (née en 1982), Valentin Goethals (né en 1988) accompagnés du « jeune » Jean-Baptiste Ambroselli (né en 1934 !) ont des mérites variés et attachants, mais puis-je dire que la participation d’Anne-Charlotte Finel, née en 1986, diplômée des Beaux-Arts en 2010 avec les félicitations du jury, est fascinante au sens propre donné par le dictionnaire ? (« qui exerce un vif attrait, qui éblouit »). Un écran discret, à gauche en entrant, happe le visiteur. C’est une vidéo, titre : Brume. Elle l’arrête pendant exactement 2 minutes 24 secondes (mais il semble que ce soit là un fragment d’un plan fixe de 5 ‘ 49’’).
Michel Brière présente Brume en ces termes : « un plan fixe où le regard ne discerne pas immédiatement ce dont il s’agit. Imperceptiblement, on passe de la peinture vers la photographie. Moment de grâce. Apparaît un rythme double et curieusement inversé : rapide pour la brume, lent pour l’eau... » Oui vraiment, dans cette œuvre, peinture, photographie et vidéo communiquent l’une avec l’autre et tour à tour. Il y a ici un travail subtil, passionnant, qui me semble renvoyer d’une certaine manière au sens que lui donnait Jean-Louis Baudry en 1975 dans un article fameux de la revue Communications sur le cinéma à son commencement : il y aurait ici la visée d’un désir. « Un désir, nous disons bien, une forme de satisfaction perdue que son dispositif aurait pour but de retrouver d’une façon ou d’une autre (et même jusqu’à la simuler) et dont il semble que l’impression de réalité serait la clé. »
Impression de réalité plus ici autre chose : le dispositif d’Anne-Charlotte Finel est en effet aussi de l’ordre d’une expérience du temps, qu’elle reproduirait imaginairement. Devant cette vidéo, nous avons bien une impression de réalité, mais la brume semble avancer dans un sens, l’eau dans l’autre sens, et l’impression devient hallucinatoire. Des éléments semblent familiers (en haut de l’image, des mouvements furtifs apparaissent comme les indices d’un vol d’oiseaux, ou de gibier d’eau peut-être ?), mais en même temps nous sommes plongés dans un univers complètement étranger. Tout cela porte à un degré d’intensité extrême cette composante de l’image photographique dont Roland Barthes disait que la « folie » tiendrait à ce qu’elle est « frottée de réel » et qu’elle nous donne à voir, de la sorte, « la lettre même du temps ». Telle serait, avec des moyens beaucoup plus élaborés que la simple photographie, la prouesse de l’art d’Anne-Charlotte Finel, dont Michel Brière a toutes les raisons de nous dire qu’elle « joue avec notre instinct de spectateur et nous enchante ». C’est à voir jusqu’au 8 novembre. ( www.annecharlottefinel.com)
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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