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[verso-hebdo]
30-11-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Pourquoi il faut remercier Maurizio Cattelan |
Depuis le 4 novembre et jusqu’au 22 janvier, Maurizio Cattelan occupe l’espace du Guggenheim museum de New York. Quelque cent vingt trois pièces dont les plus célèbres, depuis le pape Jean-Paul II écrasé par une météorite (La Nona Ora) jusqu’au jeune Adolf Hitler en prière (Him) sont là, accrochées à des cordes au milieu de la rotonde, celle-là même qui fut interdite à Daniel Buren en 1970. Cattelan déclare que cette exposition est la dernière (à 51 ans, fortune faite, il proclame qu’il arrête, prend sa retraite et se consacre à « Toilet Paper »). Mais il s’inquiète d’être démasqué à l’occasion de ce dernier coup : et si l’on se rendait compte que tout ce qu’il a fait, que certains ont pris pour de l’art, n’était qu’une vaste blague idiote ? C’est du moins ce qu’il a confié au critique du New York Times, Randy Kennedy, lequel est surtout impressionné par le fait qu’une des trois versions de l’effigie en cire de l’artiste, celle qui pénétra dans le musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam par un trou du plancher en 2001, a été adjugée 7,9 millions de dollars en mai 2010 chez Sotheby’s. La conservatrice en chef du Guggenheim, Nancy Spector, n’a donc guère pris de risques : le marché croit dur comme fer que Cattelan est un véritable artiste malgré ses dénégations, à commencer par ses deux principaux collectionneurs, l’industriel grec Dakis Joannou et le français François Pinault. Le public n’a plus qu’à suivre, n’est-il pas vrai ?
L’exposition, baptisée All, n’est pas vraiment une rétrospective, plutôt une performance, ou encore une installation géante montrant la chute d’objets hors de prix formant une métaphore de suicide collectif. « Un sacré coup de pied dans la fourmilière » commente le fameux courtier Philippe Ségalot, « après, que pourront faire de mieux Koons et Murakami ? ». Nous sommes bien dans la surenchère de la dérision et de l’esbroufe, ce que n’aperçoivent pas tous les commentateurs. Béatrice de Rochebouët par exemple, envoyée spéciale du Figaro à New York, éblouie, qualifie Cattelan de « génial créateur » et regrette avec lui qu’il n’ait pas été invité à Versailles à la suite de l’américain et du japonais : « ils ont eu peur » conclut l’Italien. Peut-être en effet les responsables de Versailles ont-ils craint que celui que sa maman qualifiait de « terroriste » n’invente une nouvelle farce ridiculisant le « monde de l’art », comme celle qu’il organisa avec la complicité d’Harald Szeemann, commissaire général de la Biennale de Venise en 2001, et le soutien de l’argent du bienveillant François Pinault.
Rappelons les faits : après le vernissage, Szeemann et Cattelan ont convié les 150 plus grands collectionneurs présents à la Biennale à prendre place dans un avion pour Palerme, puis dans des autocars qui les ont déposés au centre de Bellolampo, la plus importante décharge d’ordures de Sicile. Là, le monde de l’art émerveillé a inauguré une reproduction grandeur nature des lettres formant HOLLYWOOD. Harry Bellet, présent avec quelques journalistes, a rapporté le regard ironique de François Pinault observant ce troupeau ravi, massé autour d’un somptueux buffet installé au milieu des détritus. Le « monde de l’art » était dupe d’une mascarade, une fois de plus, mais pas le milliardaire breton, ni son artiste bouffon, ni surtout l’immense Harald Szeemann, qui se savait condamné par le cancer qui allait l’emporter et qui n’avait donc plus rien à perdre. La démonstration était faite que le monde de l’art n’était plus, pour l’essentiel, qu’un club de snobs incultes et richissimes. Il faut remercier Cattelan, Pinault et Szeemann d’avoir implicitement dénoncé ce désastre historique il y a déjà dix ans. Et regretter que bien peu de monde ait compris le message.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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