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[verso-hebdo]
30-11-2017
La chronique
de Pierre Corcos
Du constat critique à la révolte
Deux spectacles s'en prennent frontalement à l'oppression socio-économique du monde actuel, l'un en dressant un constat implacable sur ses méfaits psychologiques, sociaux, et l'autre, convoquant une terrible expérience du passé, en s'interrogeant sur le prix humain à payer pour une révolte, voire une révolution... Les deux spectacles, animés par un souffle juvénile enthousiasmant, laissent après, en dépit de leur amère saveur, un goût de liberté.

Il est difficile d'oublier le spectacle Nobody, monté par Cyril Teste et le collectif MxM, à partir de plusieurs pièces de l'Allemand Falk Richter (cf. Verso Hebdo du 26-11-2015). L'enfer du travail à l'ère du néo-management ultralibéral accablait les spectateurs qui dans leur emploi s'en trouvaient peu ou prou les victimes, et glaçait d'effroi ceux qui ne le connaissaient pas encore... Avec Ivresse(s), jusqu'au 17 décembre au Théâtre de la Tempête (un montage de la pièce Ivresse et d'extraits de Play loud et Protect me), que met en scène Jean-Claude Fall, l'allemand Falk Richter, depuis son projet amorcé en 2003 et intitulé Le Système (un ensemble de pièces pointant les démesures et l'aliénation contemporaines), s'avère, en ayant de surcroît fortifié l'écriture scénique par une hybridation des langages, l'un des auteurs critiques les plus affûtés de ce néocapitalisme ambiant.
On ne sort pas indemnes d'Ivresse(s). Toute la folie ordinaire de notre temps est ici d'autant plus concentrée que, par ce montage, les sphères de l'intime et du professionnel s'y croisent de manière à ce qu'aucun lieu, réel ou mental, n'échappe à cette frénésie insane. La langue économique a contaminé la parole amoureuse, les réseaux sociaux ont déréalisé les corps, les pressions de l'entreprise s'invitent même au coeur du couple. Et surgit, devant les spectateurs, « tout le désarroi du sujet contemporain, étourdi d'images et d'informations, dicté jusqu'au plus intime par des mots d'ordre implicites, homme fragmenté dans un monde disloqué, régi par des puissances incontrôlables » (texte de présentation). La crise, individuelle, sociale, économique permanente, se donne comme l'état normal des choses, tout comme la logique du Système se voudrait apodictique. L'imprécation de chacun explosera avant le fatal « breakdown », l'effondrement du sujet anticipant celui de la société... Pour évoquer cette apocalypse, Jean-Claude Fall, fidèle au théâtre d'hybridation postdramatique de Falk Richter, a monté une suite fièvreuse de courtes scènes et monologues, usé largement de la vidéo qui à la fois éclate le « sujet » et témoigne de la communication actuelle de plus en plus médiatisée (vrai travail de création vidéo de Laurent Rojol), et proposé aux comédiens un jeu chorégraphié sur un plateau nu, qu'ils aménagent en écrans précaires par des feuilles de papier répandues aux premiers instants du spectacle. Même si quelques séquences filmées restent longues ou n'ont pas vraiment leur place dans ce contexte, et si certains monologues labyrinthiques plombent un peu le rythme, Ivresse(s) réussit admirablement à traduire l'aliénation contemporaine, l'esseulement de chacun. En trouvant un équilibre savant entre le comique (on rit de l'absurde, du dérisoire de quelques situations) et le pathétique (bouleversant, le désarroi de ces hommes et femmes complètement dépassés !), Jean-Claude Fall et ses jeunes comédiens ont fabriqué un mixte détonant de satire, de drame et de tragicomédie. Et quelque chose d'essentiel à notre temps fut saisi par ces formes théâtrales.

(...d'une prison l'autre...), deuxième spectacle de la trilogie intitulée Des territoires, a été joué au Théâtre de la Bastille jusqu'au 25 novembre dernier. Le texte et la mise en scène de Baptiste Amann font habilement glisser le spectateur d'une révolte actuelle - émeute de banlieue qui vire à l'insurrection - à la seconde Commune de Paris de mars 1871. On sait que cette expérience historique d'extrême démocratie à la base, de mesures sociales novatrices et de solidarité vibrante a transmué cette insurrection en une sorte de modèle pour tout un courant de la gauche libertaire, tandis que la sanglante répression des communards (40 000 morts et 7500 déportés) qui suivit en a fait un martyrologe. Les révoltes, révolutions, à quelques exceptions près (révolution des OEillets de 1974 par exemple) ne se déroulent guère comme une promenade de santé... Avec leur parler actuel et toute leur colère, ces jeunes s'interrogent sur le prix à payer pour être libres. Également sur les différents types de répression, d'enfermement, d'aliénation, puis sur leur propre identité, enfin sur la solidarité encore possible aujourd'hui. La scène, redevenue tribune, résonne plus qu'elle raisonne sans aucun doute, mais on y découvre avec intensité, fougue «comment l'influence de la colère peut y être vécue comme une malédiction ou, au contraire, comme un principe rédempteur », note Baptiste Amann, qui s'interroge : « Quel type de révolution connaîtra le XXIème siècle ? ». Les protagonistes vont s'introduire dans les figures héroïques de Louise Michel, Élisée Reclus, Gustave Courbet, etc., car si jamais l'Histoire ne se répète, toujours elle incline à se citer. Rugissante et désordonnée se montre d'abord l'insurrection (l'oppression se plaît, elle, au silence efficace !), on le sait. Alors voilà, le constat critique est bien admis : mais le changement social se réalisara-t-il sans trop de malheurs ? Avec toutes ses taches, ses ajouts et ses ratures, le spectacle de Baptiste Amann et de ses jeunes comédiens impétueux ressemble à ces brouillons expressifs qu'on a toujours envie de garder.
Pierre Corcos
30-11-2017
 
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Verso n°136

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