Esthétique
La Science devenir de l’art

par Thierry Laurent

mis en ligne le 06/10/2010

Notons à cet égard que la révolution esthétique de la Renaissance, qui veut que l’artiste soit en mesure de créer sur la toile l’illusion d’un espace à trois dimensions , est autorisée par la connaissance des lois de la perspective. Est-ce un hasard si l’art de la Renaissance et la « Révolution copernicienne » procèdent l’une et l’autre de la même origine : les progrès de l’outil géométrique ?

Même type de démonstration avec l’invention de l’espace-temps par Albert Einstein.

Celle-ci s’est opérée en deux étapes. 1905 avec la théorie de la relativité restreinte. 1915 avec la théorie de la relativité générale. Il résulte de ces deux moments de création, que l’espace est étroitement corrélé au temps, et que globalement l’espace-temps peut prendre plusieurs formes, droites, courbes, ouvertes ou fermées. Einstein s’inspire de deux systèmes mathématiques antérieurs, les mathématiques de Riemann, et ceux de Lobatchevski, d’où il se déduit que la géométrie peut échapper à la seule planéité pour se décliner à travers des espaces sphériques. Jusqu’en 1919, les théories d’Einstein sur la courbure de l’espace-temps restent de pures spéculations géométriques. Un nouvel espace vient donc d’être imaginé, où le temps et l’espace forment une continuité cohérente. Avec la théorie de l’espace-temps, on peut parler d’un acte de création, de poésie scientifique, bref, d’invention esthétique.

L’invention d’Einstein donnera lieu en 1919 à vérification concrète lorsqu’une éclipse de soleil permettra d’observer la courbure des rayons lumineux provenant d’étoiles lointaines. C’est en grande pompe que le physicien Edington annonce le 6 novembre 1919 à la Royal Asronomical Society de Londres que les opérations de vérification de la courbure de l’espace-temps menées dans l’hémisphère sud sont probantes. La théorie de la relativité de « fiction » mathématique devient réalité scientifique.

Une telle expérience de vérification peut s’apparenter également à un processus artistique tel qu’il est défini de nos jours. Voici une observation qui permet de montrer, grâce au simple constat du déplacement des étoiles, la réalité d’un phénomène invisible à l’œil humain, et seulement perceptible par télescope, au moment très précis d’une éclipse de soleil. Un phénomène qui a donc été imaginé à l’aide de l’outil mathématique, et mis en image grâce l’outil visuel. La courbure de l’espace-temps peut se vérifier par l’observation de la courbure de rayons lumineux censés traverser le cosmos en droite ligne. Cela s’appelle des effets de « lentille gravitationnelle ». Le désir de montrer l’invisible, l’immatériel, l’espace, est assez fréquent en art contemporain, il fait notamment partie des discours visant à légitimer les monochromes. Si l’on reprend la définition d’un art comme montrant l’invisible, il est évident que l’expérience de 1919, qui manifeste l’invisible courbure de l’espace-temps, est une réalisation artistique exemplaire.

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