Bibliothèque de l’amateur d’art

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 28/12/2011

La photographie a joué un rôle non négligeable dans les Combine Paintings de Rauschenberg, j’allai presque par définition, puisqu’elle rassemble des éléments divers et variés de la réalité de son temps. Mais les photographies qu’il a faites sont souvent anecdotiques. Il y a d’ailleurs un peu de tout : des paysages urbains, des vues insolites du marché aux puces de Rome, quelques beaux portraits de ses amis (Jasper Johns, Merce Cunnigham et quelques uns des danseurs de sa troupe, un petit groupe d’autoportraits. Pas de quoi fouetter un chat. Comme pour Cy Twombly, chaque acte accompli par l’artiste se change en un acte créateur. Les clichés de son atelier ou d’une salle d’exposition où se trouvent ses œuvres sont certes intéressants, mais ne sont pas spectaculaires ! Néanmoins, l’artiste a fait quelques expériences avec ce médium au début des années cinquante en employant surtout la monochromie bleue ; d’autres œuvres de ce type sont plus ou moins figuratives. Elles représentent en tout cas une phase passionnante à un moment clef de son art. On voit aussi, ces mêmes années, qu’il a cherché à faire des photographies construites formellement à la manière des maîtres de l’avant-garde des années vingt et trente (surtout des natures mortes, parfois des corps). Cela étant dit, ce livre est digne d’être consulté et aide à la connaissance de cet artiste complexe, entre Dada et le Pop Art. Et on le voit poser devant sa grande White Painting en quatre panneaux de 1951, pas peu fier, et sûr d’avoir marqué d’une pierre blanche l’histoire de l’art moderne !
Robert Rauschenberg, photographies 1949-1962, présentées par Susan Davidson & David White, texte de Nicholas Cullinan, Gallimard, 340 p., 55 €.

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Cet album n’est pas fait pour apporter un éclairage nouveau sur cette période qui, d’ailleurs, représente un curieux découpage temporel et, du même coup, à cause de la rupture provoquée par la guerre, également de caractère culturel. L’essai de Pierre Daix est plutôt un vadémécum nous entraînant au gré des personnages phares et des courants artistiques et littéraires qui ont été les plus remarquables de ces années. Ce qui est remarquable ici, c’est l’iconographie : les documents ont été choisis avec un grand soin. Ils sont souvent remarquables et parfois peu connus. Il ya des portraits magnifiques de peintres et d’écrivains, de Simone de Beauvoir à Salvador Dali’ en passant par Paul Eluard, de Fernand Léger à Maillol. Et puis il y a de très belles vues de Paris, toutes d’ailleurs choisie pour leur caractère festif. Bien sûr, c’est un Paris mythologique qui est mis en scène, mais celui de la misère et des conflits sociaux, des grèves et du Front populaire. Mais, quoi qu’il en soit, on n’en goûtera pas moins ces pages qui sont très évocatrices d’une phase bénie de la création et peut-être, au bout du compte, n’était-il pas si mal de faire un pont passant par-delà l’Occupation pour faire valoir que Paris n’est pas tombé en capilotade au terme de ces funestes heures allemandes. La fin des années quarante et le début des années cinquante ont été marquées par une grande effervescence culturelle, comme le prouve l’abstraction lyrique, d’Atlan à Soulages, de Manessier à Albert Bitran. Et l’existentialisme, la phénoménologie, les débuts de la littérature de l’absurde, avec Ionesco et Beckett, l’aube du Nouveau Roman, un cinéma français encore vivant avant qu’il ne soit balayé par la Nouvelle Vague, entre autres choses, montrent bien que notre bonne vieille capitale n’était pas à l’agonie devant New York triomphante !
Paris des années 1930/1950, Pierre Daix, RMN Grand Palais, 224 p., 49 €.

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