Bibliothèque de l’amateur d’art

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 28/12/2011

Je me souviens avec émotion du petit ouvrage que Jacques Damase avait réalisé sur ce thème qui montrait des créations de Braque de Picasso et de Jean Cocteau, entre mille autres choses. En dépit de son titre ambigu (on a l’impression que le livre ne traite que d’art contemporain, Picasso semblant un vieux maître dont on ne peut encore tout à fait se défaire), on découvre des créations des anciens cubistes, mais aussi de Giacomo Balla, Léger, Giacometti, Calder, Gonzàlez, curieusement mélangés avec des ouvrages des Pomodoro et Takis, artistes d’une autre période du XXe siècle. Les surréalistes sont mis à part. A commencer par Giorgio De Chirico, qui n’a pas été surréaliste (mais on n’est pas à une approximation près), Max Ernst, Dali’, Man Ray, Leonor Fini. Suivent Arp et Matta, qui n’ont rien non plus à voir avec les amis de Breton. On retrouve avec plaisir Wifredo Lam, en compagnie de Dorothea Tanning, mais aussi de Jacques Lipchitz. Si les reproductions sont belles et intéressantes, l’histoire de l’art n’est pas à la fête ! Après quoi, on entre dans des classifications presque absurdes : arrivent les « baroques «  avec Lalanne, Spoerri, Abramovicz et Barceló pour faire bonne mesure. Dans le chapitre sur Pop Art, on rencontre César et Miguel Chevalier (pour quelle raison ? mystère) et, en fin de parcours, Robert Indiana, Rauschenberg et Roy Lichtenstein (ouf !). Prenons donc la chose pour ce qu’elle est une introduction chaotique à cet art appliqué qui a encore ses lettres de noblesse même si Koons n’est pas là pour tenir la comparaison avec ses illustres prédécesseurs. Ce méli-mélo anachronique ressemble aux expositions de la Tate Modern et en présente les défauts le plus graves : ceux de la confusion et de la malhonnête intellectuelle qui consiste à insinuer de très grands créateurs à côté des coqueluches de la mode actuelle. Que fait Rauschenberg après Arne Quinze ? Vous vous le demandez ? Moi aussi.
Bijoux d’artiste, de Picasso à Jeff Koons, sous la direction de Diane Venet, Skira Flammarion, 240 p., 50 €.

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Je pense qu’un certain nombre de lecteurs auront présent à l’esprit l’ouvrage d’André Chastel, la Grotesque, essai sur l’ ornement sans nom » (Le Promeneur, 1988). C’est un thème que le vieux professeur examinait au fil de sa longue carrière. Mais aussi passionnant fut-il, ce livre n’était qu’une entrée en matière. Philippe Morel s’est employé à développer les thèses avancées par Chastel et à les compléter. Son ouvrage est une véritable somme qui permet de comprendre d’une part pourquoi ce genre de sujet décoratif a pu faire son apparition à la fin de la Renaissance (c’est d’ailleurs peut-être une des « frontières » entre la Renaissance et le maniérisme) et, de l’autre, quelles en ont été les significations. Comme l’avait déjà fait remarquer Chastel, les grotesques ne sont pas de simples jeux visuels dépourvus de sens. Et quand on lit l’étude de Morel, force est de constater qu’ils renferment une vision de l’antiquité et aussi de l’écriture (le hiéroglyphe est au centre de ses préoccupations). Il consacre un long chapitre sur les théories qui ont été faites à leur sujet, en particulier celles de Lomazzo. C’est dire l’importance de ce genre de peinture qu’on retrouve dans la villa Médicis à Rome ou dans le château de Torrechiata. L’intérêt des grotesque est qu’on peut aussi y déceler une doctrine sur les sciences et l’auteur le démontre dans un brillant chapitre sur les décors de la galerie des Offices à Florence. Publié la première fois en 1997, il était temps que ce volume soit disponible dans une collection relativement bon marché.
Les Grotesques, Philippe Morel, « Champs/Arts », Flammarion, 384 p., 11 €.

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