Dossier Claude Jeanmart
Une peinture comme une littérature
par Serge Pey
mis en ligne le 18/04/2012

       « Les corbeaux affirment qu’un seul corbeau pourrait détruire les cieux.... »
    « Kafka Kafka Kafka », crient les corbeaux dans la plaine mangée par la neige, sur les gibets, sur les yeux des juifs accusés d'assassiner des enfants pour mélanger leur sang au pain azyme à Pâques,
    « Kafka Kafka Kafka » dans les goulags, « Kafka Kafka Kafka » dans le procès des blouses blanches, « Kafka Kafka Kafka » dans celui de Slanski, « Kafka Kafka Kafka » dans l’Aveu d’Arthur London.
     Aussi le nom de ces camionnettes peintes en noir du NKVD qui sillonnaient Moscou pendant la nuit.
     Ces corbeaux à lunettes qui venaient arrêter les coupables arbitraires de la monstruosité de l’anticommunisme réel.
     En polonais (et en tchèque) un kawka est tout simplement un corbeau.
    Les Kafka, les Kawka, mais aussi les Kawkiewisz et les Gawkiewicz auraient eu des ancêtres vivant dans une maison portant une enseigne en forme de corbeau.
    
Une enseigne de corbeau signalait le magasin du père de Kafka dans la ville de Prague, l’idéogramme du tailleur appelé le corbeau.
    
L’œuvre de Kafka est travaillée par son nom, ou du moins, à travers la complexité de son œuvre, Kafka réalise inconsciemment, son nom de corbeau.
     Sa tête de sentinelle aux cheveux noirs, armée des seringues de sa mort, surveillent l’univers.
     Kafka a un nom qui signifie corbeau et un prénom qui signifie français.
     Comment ne pas mettre en relation l’univers de l’œuvre de « Kafka -le-corbeau » avec celui des oiseaux noirs qui traversent les cieux de l’histoire de l’hiver, dans l’hiver de l’Histoire ?
     Les corbeaux ordonnent périodiquement une cérémonie justicière semblable à celle d’un tribunal clanique. Ils se réunissent dans une vaste clairière protégée par des guetteurs pour juger un des leurs. Ce dernier est tué collectivement à coups de becs, déchiqueté par la blancheur de la neige.
     Il vient d’être jugé pour une faute qu’il a commise et qu’il ignore.
     Il ne sait qu’au moment où le cercle se fait qu’il va être condamné par son peuple en magistrature.
     Le poids noir de la collectivité exerce alors son pouvoir de mort.
     Bouc émissaire dans les palais de justice de l’hiver, le condamné est le centre de la mort des autres et de la nôtre.
     Ainsi l’univers très particulier où se meut la loi de K. est celui du « tribunal des corbeaux ».

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