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[verso-hebdo]
19-03-2020
La chronique
de Pierre Corcos
Le cas Banksy
Jusqu'au 30 juin, sauf annulation, et dans un lieu récemment ouvert à Paris, le Centre Expo Lafayette-Drouot, The World of Banksy est une exposition « immersive » (bande-son suggestive, vidéos, environnement recréé) sur la star incontestée du Street Art. Reproduites pour la plupart et à l'identique, réalisées par des dizaines de « street-artistes » sur des murs gris, et présentées à deux niveaux dans quelques mille mètres carré de parcours (pisté par des traces de pattes de rat, l'animal-fétiche de Banksy), voilà donc une centaine de ses oeuvres, de ses « grafs » pour se faire quelque idée, sans prévention ni précipitation, sur l'artiste activiste qui volontiers joue avec son identité, défraye la chronique et hystérise le marché de l'art... Il s'agira d'apprécier, évaluer ses oeuvres bien plus que de connaître enfin son vrai nom ou trouver son année de naissance, ou encore s'esbaudir sur ses dernières provocations. Les graffiti de ses citations, au début de l'exposition, nous aident à situer sa démarche : à la fois néo-dadaïste, libertaire et, en même temps, non-dupe de cette société du spectacle où tout artiste contemporain évolue. S'il affirme d'un côté qu'un mur est une arme redoutable, il reconnaît par ailleurs que si le Street Art était vraiment subversif, il serait interdit. Et c'est un Banksy intelligent, travailleur et inventif que l'on pressent derrière cette anthologie de citations. Puis viennent les « grafs » : beaucoup, connus de tous, sont devenus icônes dans notre environnement urbain, mais quelques-uns, moins répertoriés, trahissent une secrète mélancolie de leur créateur. À la fin de l'exposition, on peut avoir envie de se délester du « cas Banksy » - épais dossier de presse, archives d'actualités retentissantes, guerre d'images entre graffeurs - pour bien s'approcher de cet art, de sa forme et de son idéologie.

Les oeuvres de Banksy trouvent une large inspiration idéologique dans l'anarchisme, avec un certain nombre de ses thèmes récurrents, comme le rejet de la police, de l'armée, de l'État et de la Nation. Du « bobby » (policier anglais) qui pisse contre un mur à celui qui, accroupi, sniffe une ligne de coke, en passant par celui qui embrasse goulûment un collègue, le policier, l'institution de la police, symboles pour Banksy de la répression au service d'un ordre inique, se retrouvent, comme dans toute tradition anarchiste, en bonne place dans ses détestations graphiques. L'armée en prend aussi pour son grade, et surtout l'effroyable déploiement de ses armes de destruction massive. L'impérialisme américain est à cet égard souvent pointé : convergence dénoncée entre une invasion culturelle (Mickey, le clown Ronald de la chaîne Mac Donald) et des guerres coloniales, comme celle, passée, du Vietnam ainsi qu'en témoigne un célèbre pochoir... La rage de profit inhumaine du capitalisme, notamment dans ces ateliers de confection où des enfants du Tiers-Monde sont surexploités, trouve aussi quelques illustrations percutantes. La dérision à l'égard de la royauté britannique (ce dessin de reine-singe) ou des figures emblématiques du patriotisme (ce pochoir de Churchill-punk) appartient également aux figures anarchisantes typiquement anglaises. On notera, dans la même inspiration anarchiste et/ou altermondialiste, une critique de la société marchande (le groupe de distribution Tesco est souvent épinglé) et de la publicité.
Mais en même temps, comme pour la publicité, le message de Banksy doit être saisi comme évidence, compris par tous, et dans le temps bref d'un passage devant un mur. Aussi le recours à des images simples (cédant parfois au stéréotype), épurées, aux forts contrastes (noir, blanc et/ou rouge), et l'immédiate lisibilité de l'image/message (Banksy se sert souvent d'ironiques antithèses) sont nécessaires, sans toutefois en rester à une platitude quelconque. D'où la difficulté, qu'avec élégance l'artiste anglais surmonte le plus souvent...
Cependant, l'historien d'art aura beau jeu d'inscrire le travail de Banksy dans une tradition d'imagerie contestataire où l'on retrouverait aussi bien le meilleur du dessin satirique de presse que les photomontages dadaïstes de John Heartfield ou bien les affiches de l'atelier des Beaux-Arts de 1968 ou simplement les dessins politiques d'un Tomi Ungerer. Le florilège serait conséquent, et Banksy s'en trouverait vite relativisé. Car même l'humour apolitique de quelques oeuvres connues (l'amant, tout nu, suspendu à la fenêtre que le mari et l'épouse occupent), teinté de fantaisie ou poésie, n'a rien d'exceptionnel. Mais la médiocrité d'autres créateurs du Street Art, par contraste, et l'ignorance (ou alors les stratégies) de quelques gros collectionneurs du marché hautement spéculatif de l'art contemporain opèrent, on le sait, des miracles sur l'aura médiatique du « bankable » Banksy ! Le talent incontestable de cette figure majeure de l'art urbain s'est ainsi transmué en « génie », et le Robin de Sherwood libertaire est devenu un habitué des records en salle de vente...

L'épaisse fumée qui précède les feux allumés par Banksy est-elle produite par tout ce que le système marchand et médiatique y jette à plaisir ? Ou bien est-ce l'artiste lui-même qui, conscient de la valeur esthétique et contestataire relatives de ses « grafs », entretient aussi ces âcres nuages de la provocation pour obnubiler un jugement critique sans a priori ? On a envie de répondre : les deux. Et c'est bien la dérive de notre « société du sectacle » que de moins considérer certaines oeuvres que le « cloud » médiatique qu'elles suscitent.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
19-03-2020
 

Verso n°136

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