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[verso-hebdo]
08-05-2021
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La chronique de Gérard-Georges Lemaire |
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Chronique d'un bibliomane mélancolique |
Peintres femmes, Martine Lacas, « Découvertes », Gallimard / Rmn - Grand Palais, 9, 50 euro.
Nous devons à tout prix nous débarrasser d'idées reçues sur la question féminine dans le champ des arts plastiques. Sans doute les femmes artistes n'ont pas été aussi nombreuses et aussi célèbres que leurs pairs masculins. Giorgio Vasari, dans ses Vite, ne leur accorde pas la place qu'elles méritent. Et cela a été le cas jusqu'au XIXe siècle où certaines d'entre elles sont devenues célèbres. Mais déjà à la fin du XVIIIe siècle, Madame Vigée-Lebrun a connu dans les grandes cours européennes, de Vienne à Saint-Pétersbourg, un succès considérables comme portraitiste, à tel point qu'elle est devenue l'artiste la mieux payée de son temps. Si cette injustice mérite d'être corrigée, il n'y a pas lieu d'en faire l'opportunité d'un combat, qui repose sur une relative ignorance des faits. Dans cet ouvrage, il n'est question que d'une période limitée, de 1780 à 1830 car l'ouvrage est associé à une exposition qui devait ouvrir en mars au musée du Luxembourg et qui concerne cette seule période. Dommage que l'auteur n'ait pas, dans son introduction, n'ait pas parler des femmes qui se sont fait un nom dans l'histoire de l'art, de Sofonisba Anguisola à la Tintoretta, la fille du Tintoret, à Artemisia Gentileschi, la fille d'Oreste Gentileschi, à Rosalba Carriera, pour ne citer qu'elles.
Il est vrai que des obstacles se sont présentés de manière ponctuelle, comme le fait que l'Académie royale des Beaux-Arts soit fermée aux femmes en 1710. Cette interdiction sera levée quelques décennies plus tard avec l'intronisation d'Adélaïde Labille-Gulard (auteur d'un portrait d'Elisabeth de France, la soeur du roi) et d'Elisabeth-Louise Vigée-Le Brun (peintre attitrée de Marie-Antoinette) en 1783. Le nombre de femmes présentes aux différents Salons ayant lieu pendant la Révolution est assez remarquable. David a admis dans son atelier Marie-Guillemine Benoist, et Hortense Haudebourt-Lescot - cette dernière a tenu un salon qui a été très fréquenté. Celle-ci a même été pensionnaire à l'Académie de France à Rome. Les événements révolutionnaires ont eu des conséquences notables sur la vie professionnelle des artistes : leurs commanditaires de l'aristocratie ont pour la plupart disparu et l'Eglise ne pouvait plus faire de commandes fastueuses ; les peintres ont dû réaliser des portraits ou des natures mortes pour la bourgeoisie aisée.
L'auteur cite un nombre conséquent de femmes peintres, telle que Rosalie Caron ou Louise-Joséphine Sarazin de Belmont. Martine Lacas fait remarquer que des pamphlets publiés pendant le Salon vantait la valeur des femmes (elle cite comme exemple L'Avis important d'une femme sur le Salon de 1785). La Scène d'atelier de Marie Capet (1808) montre que les femmes ne sont plus perçues comme des oiseaux rares ! Mais à la fin du XVIIIe siècle le nombre d'académiciennes est limité à quatre, peu avant que ne soit abolie cette institution. A partir de 1791, les femmes traitent même la peinture d'histoire. Deux ans plus tard, Marie-Nicole Vestier, élève de son père, fait un autoportrait plutôt ironique. Des ateliers de jeunes filles voient alors le jour. Regnault dote son atelier du Louvre d'une section féminine qui va durer vingt ans. Catherine-Caroline Cogniet-Tévenin a peint en 1836 une grande toile représentant un atelier où elle travaille alors qu'au fond, un jeune homme est concentré sur sa toile. Marie-Amélie Cogniet a peint l'atelier de Léon Cogniet cinq ans plus tôt.
On voit sans cesse d'oeuvres exécutées par des femmes, en particulier au Salon. Elles se spécialisent dans les scènes de genre sentimentales ou dans les scènes intimes. Ces artistes font des émules et ont des élèves. Louise-Joséphine Sarazin de Belmont s'attache quant à elle d'abord aux paysages des Pyrénées (elle en tire une série de lithographie entre 1831 et 1833) et elle se rend plusieurs fois en Italie. Julie Duvival de Montferrier fait à son tout le Grand Tour. D'autres suivront leur exemple. Après cette période (associée au romantisme), des femmes deviendront célèbres comme par exemple Rosa Bonheur, et puis Berthe Morisot, Marie Cassatt, Eva Gonzalez. Si les femmes artistes sont encore un peu marginalisée, elles s'emparent de tout ce qui était souvent réservé à la gente masculine. Ce petit livre est une excellente introduction à cette question.
L'Almanach du Blaue Reiert, Vassili Kandinsky, Franz Marc, présentation de Klaus Lankheit, traduit de l'allemand par E. Dichenherr, C. Heim, N. Kociak, Ch. Payen, A. Pernet, P. Sers, P. Voldboudt, « L'esprit et les formes », Klincksieck, 336 p., 29 euro.
Klaus Lankheit en rappelle l'histoire dans sa préface. Ce livre est une des pierres angulaires de l'art moderne au début du XXe siècle. Les anciennes associations artistiques ne sont plus que des institutions sans élan novateur. Déjà en 1909, Wilhelm Worringer critique même la Sécession avec sévérité. A l'époque, Munich est un des grands centres de la nouvelle création en Europe en dehors de Paris. La fondation en 1909 de la Neue Kunstlervereinigung marque une étape important de cette encore bien timide et profonde métamorphose esthétique qui se produit en Bavière. Deux ans plus tard, des dissensions se font sentir dans ce groupe. August Macke et Franz Marc décident de partir. Ils sont approuvés par Gabrielle Münter, Thomas von Harmman, Henri Le Fauconnier, Alfred Kubin. Plus tard, Kandinsky relate ces événements en rappelant qu'il y avait parmi eux des adeptes de l'abstraction et d'autres encore liés au réalisme. Cette même année, la Rédaction du Blaue Reiter organise en toute hâte une exposition destinée à tournée dans toute l'Allemagne, qui est inaugurée le 18 décembre à Munich. Une seconde exposition se tient à la galerie Goltz en mars 1912.
Il est alors question de composer un livre qui porterait le nom du Blaue Reiter (nom qui a été choisi lors d'une discussion au café). Déjà Kandinsky avait esquissé en juin le projet d'un almanach. En plus des oeuvres du groupe, il imagine d'y insérer des articles, des oeuvres de l'Egypte ancienne et de l'Extrême-Orient, de l'art populaire, etc. Franz Marc s'est enthousiasmé pour cette idée. La publication devait aussi contenir des contributions venant de la Russie, de Berlin, de Milan. La musique devait y jouer un rôle important. Max Pechstein devait représenter la Sécession berlinoise. Franz Marc a rendu visite à plusieurs artistes à Berlin : Müller, Kirchner, Heckel ; Nolde. Macke s'est mis aussitôt à écrire un article. Les rapports avec le groupe Die Brücke s'intensifient malgré les réticences de Kandinsky. En septembre 1911, Marc avait déjà entre le mains le sommaire provisoire di premier numéro, avec un article sur Arnold Schoenberg. Mais seuls les articles de Kandinsky, de Marc et de David Bourliouk étaient près à temps. Il y avait aussi trois essais sur l'art musical. Le champ de l'art est encore élargi (l'art des enfants est présent) et il est question de Van Gogh, de Gauguin et de Cézanne. Henri Rousseau a été rajouté au dernier moment. Reinhard Piper est l'éditeur de cet ensemble de textes et de reproductions. C'est aussi Pier qui s'occupe de l'édition de Über das Geistige in der Kunst (Du spirituel dans l'art) pendant la même période.
Il y a eu bien des discussions entre les éditeurs. Par bonheur, Bernhard Koehler, un industriel berlinois, a décidé de sponsoriser l'ouvrage. Ainsi L'Almanach a pu paraître en mai 1912. Après la publication, Kandinsky et Marc font des recherches en vue d'un second volume. Hugo Ball, Fokine, Mendhelson, Alfred Kubin, Kokoschka sont les personnalités qui devaient faire leur entrée dans ce second almanach. Kandinsky a écrit plus tard que la mort de Marc sur le front a mis fin à cette aventure qu'il ne pouvait pas assumer seul. La préface nous donne des informations très précises et très claires sur cette histoire qui n'a été en réalité qu'un feu de paille. Mais quel feu de paille ! La traduction es textes inclus dans cette unique volume est très éclairante sur un climat culturel et sur une ambition intellectuelle d'une vaste portée. L'éditorial signé par les deux amis donne la mesure de leurs espérances. Ils y prônent une des plis grandes époque de la spiritualité dans un monde qui a versé dans le matérialisme. On découvre aussi les esquisses que Kandinsky a exécutées pour la couverture. Marc a écrit un court texte sur les biens culturels où il fait l'éloge du Greco et le rapproche de Cézanne, et loue aussi le travail de Pablo Picasso, dont on a ici la reproduction de La Femme à la guitare. Franz Marc évoque ensuite les « fauves » de l'Allemagne, qu'il ne peut encore définir dans leur ensemble : » Dans l'obscurité, nous leur tendons, à ces inconnus, notre main. », déclare-t-il en conclusion.
Puis il fait l'analyse de deux tableaux remarquables pour laisser ensuite la parole à Bourliouk qui nous parle des fauves de la Russie avec de nombreux exemples de ces artistes souvent issus du futurisme. August Macke tient quant à lui un discours sur les masques de diverses civilisations. Arnold Schoenberg un texte passionnant « La Relation avec le texte ». Plusieurs artistes russes interviennent avant que Kandinsky achève ce parcours avec ses réflexions sur la question de la forme et sur la composition scénique. Tous ces écrits sont agrémentés de reproductions de tableaux (dont La Musique de Henri Matisse), mais aussi de sculptures primitives de diverses civilisations, des Amériques jusqu'à l'Océanie, d'imageries populaires, de vignettes, de dessins enfantins, et de figures du théâtre d'ombres chinoises de l'Egypte. Il y a dans toutes ces pages en germe de nombreuses voies qui seront suivies plus tard dans le développement de l'art moderne pendant tout le reste du XXe siècle. L'Almanach du Cavalier bleu est un chef-d'oeuvre d'intelligence, de beauté nouvelle et de conscience du devenir de l'art en plus d'être l'un des témoignages les plus prégnants de la pensée esthétique avant la Grande Guerre, qui en a scellé la fin.
Questions & réponses, Esther Ferrer, postface de Richard Martel, Dernier télégramme, 46 p. + CD, 12 euro.
Esther Ferret a réalisé une performance à Limoges le 14 février 2020 qui s'intitulait Questions avec réponses. Dans sa préface, elle indique qu'elle fait d'autres performances, les unes avec des questions sans réponses et d'autres, avec des réponses sans questions. L'auteur, dans cette brève introduction se demande ce que suppose le fait de poser une question. Et elle s'interroge sur ce que supposer questionner autrui ou se questionner et si cela peut avoir un sens. Elle est partie de trente questions que se sont posées souvent des personnes qu'elle connaissait. Et ensuite, elle a augmenté considérablement le nombre des questions pouvant entrer dans son univers. En réalité, sa performance est avant tout un questionnement sur l'opportunité des questions. Ici, elle traite la chose parfois avec humour, d'autres fois avec désinvolture, et quelques fois en se retrouvant devant une contradiction ou même une aporie. Au cours de cette représentation publique, c'est à elle que les questions sont posées. Elle peut être embarrassée ou au contraire volubile. Elle s'attache surtout à expliquer le lien de ce genre de mise en scène « théâtralisée » et le fonctionnement des arts aujourd'hui. Chemin faisant, elle fini par relater son propre parcours et à donnez quelques clefs de son choix de la performance.
Elle est persuadée que la performance a transformé le monde artistique et qu'on ne peut plus le vivre comme on l'a fait jusqu'à l'heure actuelle. Au fur et à mesure qu'avance ce jeu avec le public, elle révèle beaucoup d'elle-même et de son comportement, de ses engagements, de ses visées. Elle nous apprend qu'auparavant elle écrivait et faisait aussi des entretiens. Et elle est persuadée que l'art peut disparaître. Ce que je regrette dans ces dialogues assez courts, c'est qu'Esther Ferrer ne va jamais au bout de sa pensée. Elle se raconte plus qu'elle ne livre le fruit de ses réflexions. La postface, qui semble bien indigente et jette des mots un peu au hasard (comme celui de « métaphysique » qui n'a rien à voir avec ce qui nous intéresse) ne nous apporte pas un surcroît d'information. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Sans doute oui, mais avec un peu plus de résonances dans le langages et dans les réflexions apportées.
Insection généralisée (une pandémie ?), Julien Blaine, Dernier Télégramme, 5 euro.
Julien Blaine a toujours perçu la poésie comme une terre brûlée. Tout ce qu'il a entrepris dans l'écriture, la photographie, le dessin, la performance va dans ce sens. Et il en est de même pour les arts plastiques. Il ne se pose pas comme l'homme qui aurait mis un point final à la création littéraire ou la création artistique, même sous leurs formes les plus modernes, mais celui qui a représenté avec un humour dévastateur cet état de fait. Il veille sur les confins de cette catastrophe universelle et s'en amuse. En fin de compte, il parvient à engendrer une sorte de paradoxe : le non-art (ou anti-art) dont il est le héraut, se révèle un autre mode de l'art où la dérision et du mauvais goût dominent, mais en affirmant une nouvelle façon d'envisager la création.
Il est un descendant des dadaïstes, mais avec l'idée d'oeuvrer dans une aire où le sens dévisse et où la beauté n'est plus de mise. Dans cet opuscule, il prend pour point de départ le rapprochement de deux mots : insectes et infecte. Cela le conduit à imaginer la civilisation humaine à ses balbutiements, quand les être humains s'étaient terrés dans des cavernes et ont imaginé de traduire leur cheminement dans les ténèbres par un art pariétal. Ils ont alors développé certains sens et ont perdu d'autres. Certains d'entre eux ont pu poursuivre leur progression et s'avancer dans l'obscurité. Ils ont alors inventé la lumière artificielle. Grâce à ce procédé, ils ont découvert des inscriptions qu'ils ont cru magiques faute de les comprendre. Ces plaques de marbres sont vénéré par le Dénommé et par son allié, l'Appelé. Ils ont finir par croire qu'ils comprenaient ce s signes. Ils ont aussi fini par se tromper l'in l'autre. Le Dénommé a fini par briser l'une des plaques afin de savoir si quelque chose de plus explicite était caché derrière elle. L'Appelé fit une soupe des insectes et des rongeurs vivant en ces lieux. A la fin, ils n'arrivèrent à rien.
Après quelques dessins d'insectes et la photographie d'une foule moderne, le tout s'achève par une sorte de vision cosmologique avec, en son centre symbolique, le soleil, qui se transforme en l'immonde matérialisé. Ce conte dont l'atmosphère rappelle les ouvrages d'Elisée Reclus réécrit l'histoire de l'homme préhistorique tout en métamorphosant celle de l'homme moderne par la métaphore la plus coasse qui soit. Julien Blaine sait nous divertir tout en nous contant des histoires plus ou moins absurdes et en tout cas improbables. Il se plaît à nous confondre et à tourner en ridicule les progrès de notre espèce ramenée à une fable sans autre morale que : « rien-à-dire ».
Ce n'était que la peste, Ludmila Oulitskaïa, traduit du russe par Sophie Bench, Gallimard, 162 p., 14 euro.
Née en Oural en 1943, alors que ses parents s'étaient éloignés de Moscou menacée par les forces allemandes, elle est issue d'une famille juive assimilée. Elle a fait des études de biologie à l'université de Moscou (ce qui est loin d'être indifférent quand on songe à cette fiction). Mais elle a choisi une autre voie : elle travaille dans l'univers du théâtre et du cinéma et commence à écrire des nouvelles. Ses oeuvres romanesques n'ont été publiées qu'après la fin de l'Union Soviétique. Elle connaît rapidement un succès remarquable dans son pays comme à l'étranger (en France, elle a reçu plusieurs distinctions). Ce texte, qu'elle présente comme un scénario, a été écrit en 1988, mais il n'a été retrouvé que très récemment. L'action se déroule en 1939. Le professeur Rudolf Ivanovitch Mayer, spécialiste de microbiologie, est convoqué à Moscou pour faire une relation sur ses recherches. Il lui faut accomplir ce long voyage. Mais le professeur Mayer ne sent pas très bien et a de la fièvre. Il doit consulter un docteur.
Il sombre bientôt dans une sorte de coma. Le médecin-chef de l'hôpital découvre qu'il travaille à l'Institut de recherches sur la peste. La situation est grave car on comprend vite qu'il est contaminé et donc très contagieux. On s'emploie alors à isoler toutes les personnes avec qui il a eu contact. Celles-ci sont immédiatement mises en quarantaine. Mais cette mesure arrive sans doute trop tard. Et l'on ne sait pas exactement de quoi il s'agit. C'est l'affolement général jusqu'aux plus hautes instances du Parti. On ne tarde pas à comprendre qu'il s'agit de la peste pulmonaire. Le vent de panique qui agit le pays tout entier est à son comble. Mayer, qui va très mal, écrit à Joseph Staline pour plaider la cause de son fils arrêté deux ans plus tôt. Les autorités sanitaires, la police, l'armée, le NKVD, tout le monde est en alerte. On arrête les individus censés être contaminés. Mais, curieusement, la tension baisse brusquement quand la population apprend qu'il ne s'agit que de la peste... Dans une petite postface, l'auteur explique que cette histoire est réelle et que le NKVD a été d'une efficacité incroyable pour réduire l'épidémie. Ludmila Ouliskaïa rappelle que la police politique avait à l'époque une grande expérience dans les contrôles de masse. Elle fait évidemment le lien avec la situation que nous connaissons aujourd'hui. C'est un livre qui se lit avec plaisir et qui reste d'une grande limpidité bien que de plus en plus de personnages qui font leur apparition. C'est un récit très réussi.
Ho conosciuto il pipistrello Pipilius 2014°, Franco Vertovez, introduction de Luca Pietro Nicoletti, postface de Stefano Soddu, Scoglio di Quarto Edizioni, 224 p., 22 euro.
Franco Vertovez, né en 1940 près de Fiume avant d'aller vivre à partir de 1948 à Bolzano avec ses parents, a travaillé dans le domaine de la publicité. Il s'adonne très tôt à l'aquarelle, puis s'est dédié à la peinture (il a étudié trois ans à Milan pendant les années 1960) avant de faire un séjour à Paris en 1968 ; il a écrit aussi de la poésie. Ce livre est plutôt singulier car il ne s'agit pas d'un roman, mais d'un dialogue entre le narrateur et une chauve-souris qu'il découverte chez lui, qu'il apprivoise et en fait son amie, lui donnant un surnom des plus bizarres ; et qui converse volontiers avec lui. Il y a pas mal de réminiscences dans ces pages, mais ce n'est pas un journal au sens propre di terme. En fait, il n'y a pas un véritable fil conducteur, mais plutôt des sujets qui sont traités un certain temps. Il y est pas mal question d'alpinisme et d'un amour sans limite pour la nature.
Son plus grand rêve est d'escalader les montagnes mythiques des Alpes. Il aborde aussi les grands thèmes de la vie de l'être humain et évoque certaines de ses oeuvres en en relatant souvent l'histoire. Il en vient à parler des animaux (les chiens retiennent beaucoup son attention), en somme de tout ce qui compose son univers qui exclue toute modernité, dans sa relation aux choses comme dans l'art. Le livre est plaisant, monomaniaque et étrange. Même si l'auteur ne s'adresse pas vraiment à son lecteur, il n'en demeure pas moins intéressant. Il y a même des moments divertissants dans ces échanges verbaux, savoureux et même assez inattendus car l'ensemble est écrit avec sérieux. Ce qui est une chose excellente. Il y a aussi de nombreuses illustrations qui donnent une idée des lieux visités et aimés. Ce curieux et permanent passage de l'art à l'existentiel, de l'expérience intense du paysage à celle de la vie quotidienne, Franco Vertovez se révèle un auteur unique en son genre. Stefano Soddu a fait une jolie postface qu'on aurait aimé un peu plus longue.
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Gérard-Georges Lemaire 08-05-2021 |
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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