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[verso-hebdo]
30-06-2016
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
L'ennemi de Charles Le Brun
Le Brun avait été un peu oublié depuis l'exposition de Versailles voulue par André Malraux il y a cinquante ans. Il est réapparu lors de la récente restauration de son fabuleux plafond de la galerie des glaces et le voici, en gloire, au Louvre-Lens avec une magnifique exposition signée par Bénédicte Gady et Nicolas Milovanovic (jusqu'au 29 août). Je ne reviens pas sur l'incomparable talent pictural de celui qui, à Rome, avait été capable de peindre un tableau que tous les connaisseurs avaient attribué sans hésitation à son maître et ami Nicolas Poussin ! Je ne reviens pas non plus sur ses principaux chefs d'oeuvre par lesquels il proposait une synthèse impossible du baroque Rubens et du classique Poussin. L'aspect qui m'a passionné, courant dans toute l'exposition, c'est la rivalité implacable qui l'a opposé à Mignard jusqu'à la mort. Sur ce point particulier, Bénédicte Gady est une experte, et l'on peut savourer grâce à elle à la fois Le Martyre de Saint Jean l'Evangéliste à la porte Latine (venu de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet) et sa sublime esquisse préparatoire (venue du musée Carnavalet). On va comprendre pourquoi.

J'avais été vivement intéressé par les dernières minutes d'une conférence de Bénédicte Gady dans l'auditorium du Louvre le 20 mars 2013 sur le thème de Le Brun façon puzzle. L'usage des cartons dans la fabrique des grands décors. En effet, la conférencière avait évoqué la coupole de la chapelle de l'Assomption de l'abbaye de Mondaye en soulignant que son auteur, le Père Eustache Restout, dont la méthode décorative consistait à copier exactement les maîtres, a intégré à son oeuvre, d'une part des anges en grappe et anges musiciens venus de l'Assomption de Le Brun dans la chapelle du séminaire Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux, et d'autre part une représentation de Dieu le Père et du Christ tout droit venus de La Gloire des Bienheureux peinte sur la coupole de la chapelle du Val-de-Grâce à Paris par Nicolas Mignard (une commande qu'Anne d'Autriche avait pensé faire à Le Brun avant de se raviser). « Cela ne fonctionne pas mal » avait conclu Bénédicte Gady avec un sourire qui en disait long.

Quoi ! Le Brun et Mignard ensemble ? Tout le monde sait que ces deux peintres furent des ennemis mortels, sur tous les plans. Compétition sur le plan de la carrière d'abord : Charles Le Brun, non content d'avoir obtenu de Mazarin en 1648 la création de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture dont il serait le directeur, avait arboré le titre de « premier peintre du roi » au moins à partir de 1658 alors que son brevet officiel ne lui serait remis que le 1er juillet 1664. L'Académie était une machine dirigée contre le système de la maîtrise, en usage depuis le Moyen-Âge et abhorré par Le Brun. Il est amusant, dès lors, d'observer que l'artiste avait peint Le Martyre de Saint Jean l'Evangéliste pour l'autel de la confrérie de Saint Luc qui réunissait justement les maîtres ! Parmi ces derniers, Nicolas Mignard refusa fermement d'entrer à l'Académie tant que Le Brun y serait (il lui succèderait à sa mort en 1690). En 1682, le porte-parole de Le Brun, Guillet de Saint-Georges, reprocha violemment à Mignard d'avoir prêté le serment de maître. Ce à quoi Mignard rétorqua que Le Brun lui-même avait réalisé son Martyre pour être reçu par la confrérie de Saint Luc ! Le Brun tenta de répliquer que c'était « pour éviter leur joug honteux ». Mais cette réponse était invraisemblable puisqu'il disposait déjà d'un brevet de peintre et valet de chambre du roi, et n'avait de ce fait aucun « joug » à supporter de la part des maîtres. La vérité est que son tableau fut effectivement présenté aux maîtres, non par lui-même qui était parti pour Rome, mais par son père, sculpteur.

Compétition sur le plan esthétique ensuite : Le Brun utilisait des recettes classiques inspirées des Carrache ou baroques inspirées de Rubens selon les occasions. « Nourri de Descartes, esthéticien, historien, archéologue et, par surcroît, peintre instruit, il exerce, au nom de Colbert, une sorte de Vice-Royauté sur ce qu'on nomme à ce moment-là les « Beaux-Arts », et représente en France la Doctrine qu'il sait adapter tout entière aux fonctions qu'exige d'elle la monarchie divinisée » écrit Elie Faure. Il n'a pas tort, mais on ne peut accepter qu'il ajoute : « Mignard ne suit qu'à contre coeur ». Mignard n'a pas suivi du tout Le Brun, il a forgé son propre style qui n'était pas inférieur. Le génie d'Eustache Restout a consisté à unir dans une même composition deux peintres de grande qualité, aux talents équivalents, qui ne s'aimaient pas. Bénédicte Gady a su gré au saint homme d'avoir ainsi réconcilié les rivaux post mortem. Elle nous présente à Lens le tableau qui fut un enjeu de leur querelle et qu'elle nous décrit en tant que lui-même synthèse : « Aux modèles de ses maîtres, Vouet et Perrier, Le Brun ajoute ici celui de Rubens ». Ce n'est qu'un des aspects intéressants d'une exposition remarquable en tous points.
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
30-06-2016
P.S. Verso-Hebdo s'arrête pendant l'été. Rendez-vous début septembre. Ne manquez pas de regarder l'étonnant travail de notre « artiste de l'été » : Marina Nakicenovic, grande artiste serbe malheureusement inconnue en France.
www.arte.rs/sr/umetnici/marina_nakicenovic-4655/
 
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édité aux éditions du manuscrit.com