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[verso-hebdo]
01-09-2016
La chronique
de Pierre Corcos
Une sociologie de l'impressionnisme
On peut (on doit même, diraient les puristes de la peinture) se satisfaire pleinement, dans l'impressionnisme et ses oeuvres, de ces bouquets éblouissants de couleurs, de cette dissolution vibrante des formes par la division fine des tons, de cette enfance de la sensation originelle, avant que la perception ne mette en ordre le monde, de cette fluide vivacité du tableau qui saisit un instant fugace dans le perpétuel flux lumineux. N'est-ce point seulement cette dilatation voluptueuse du sensible qui nous enchante ?... Que nous importe ici le thème, le sujet, l'anecdote ? se récrie-t-on. La défiance se manifeste d'autant plus qu'on a vu maintes expositions étouffer par leur thème, et tout ce qui s'y rattache, les puissances de la peinture (cf. Verso Hebdo du 17-12-2015), et que la tendance de maints conférenciers, dans les visites guidées, à accrocher le public par la « petite histoire » autour du tableau, faiblit peu.

Cependant, comme pour réfuter un peu cette prise de position justifiée, la troisième édition du Festival Normandie Impressionniste, orientée vers la thématique du portrait au sens large (« portrait d'une époque et de la société du XIXe siècle... »), séduit l'amateur d'art et le curieux par la variété des peintres exposés selon des thématiques variées, en divers lieux (Caillebotte à Giverny, Boudin au Havre, Jacques-Émile Blanche à Deauville, etc.), et trouve souvent un bel équilibre, dans les commentaires proposés des oeuvres, entre l'explication iconologique, socio-historique, et de multiples observations purement plasticiennes. Les commissaires d'exposition ont su, dans l'ensemble, tout en replaçant le tableau dans sa niche d'« objet culturel » donner à voir, ressentir, à aimer derechef un mouvement pictural très, trop connu, qui pâtit jusqu'aux clichés de l'engouement qu'il a suscité.
Mais qu'en est-il précisément de la grande exposition qui se tient à Rouen, au Musée des Beaux-Arts, jusqu'au 26 septembre : Scènes de la vie impressionniste ? Les commissaires d'exposition (Sylvain Amic, Diederik Bakhuys, Frédéric Bigo, Anne-Charlotte Cathelineau, Pauline Duée) ont mis en valeur une approche résolument sociologique de l'impressionnisme, au fil d'une dizaine de thèmes, l'exposition voulant offrir « une cartographie complète de la constellation impressionniste », en partant de cette idée que maintes oeuvres impressionnistes « sont autant d'occasions de sortir des ateliers, et d'explorer les nouveaux lieux de sociabilité, café, opéra, salons, comme les appartements à l'intérieur desquels le peintre pénètre pour la première fois. Ils offrent une vision inédite de l'univers familial et des relations entre les individus alors en plein bouleversement» (extrait d'un texte de présentation). Manet, Monet, Renoir, etc. raconteraient la naissance de notre monde moderne.

Que fait, rappelons-le, la sociologie de l'art entre autres choses ? Montrer comment des conditions sociales, liées à des évolutions historiques, déterminent aussi bien des thèmes picturaux, et la façon de les traiter, que des pratiques artistiques... Certaines de ces conditions sociales sont encore reliées à la sphère esthétique : rôle des institutions artistiques, des collectionneurs, des réseaux d'artistes, attentes du public amateur, etc. Mais d'autres sont proprement anesthétiques, comme l'influence des classes sociales, des nouvelles techniques, de la vie domestique ou économique. Et c'est l'individu artiste socialisé (et non le supposé « marginal »), imprégné par l'éthos de sa société, satisfaisant les besoins de son milieu parce qu'il les éprouve pleinement lui-même, que dessine en creux la sociologie de l'art.
L'exposition Scènes de la vie impressionniste, par son déroulé autant que par le choix des oeuvres et le commentaire qui les accompagne veut insister sur cette dimension sociale, « quotidienne », des peintres impressionnistes. « Comme aucun autre artiste avant eux, ils ont consigné dans leurs tableaux le récit de leurs aventures collectives et individuelles, mettant en scène les amis, les époux et les épouses, les amants et les maîtresses, les enfants et les adolescents, l'univers domestique et l'activité sociale. », affirme-t-on dans le livret de présentation... Si ce commentaire enthousiaste fait injustement fi des peintres néerlandais du siècle d'or - qui surent auparavant si bien mettre en scène la vie sociale, familiale et domestique -, il a le mérite de bien nous préparer à l'exposition qui nous attend, où les communautés artistiques, les évolutions sociales, techniques, des moeurs également, des codes de représentation sont sans cesse rappelées, pour bien nous faire entendre que les peintres impressionnistes ne furent pas seulement de géniaux expérimentateurs en lumière et couleurs, mais encore des témoins privilégiés de leur temps. Si les oeuvres sélectionnées ne sont pas toujours majeures, pour les besoins du propos, les textes qui les éclairent gardent cette particularité séduisante de mêler les dimensions sociologiques, culturelles, psychologiques et esthétiques de façon à faire de l'impressionnisme le palpitant récit d'une époque. Cent quarante oeuvres commentées pour nous parler d'un monde qui change...

L'ineffable de l'expérience chromatique exigeait-il le retrait de ces commentaires ? S'invitant à la table sensitive et sensuelle des impressionnistes, le sociologue, l'historien ou l'anthropologue furent-ils trop bavards ? Aurait-il fallu leur demander de réduire ces passionnants cartels ?... Tout est ici question de mesure, et d'assumer son point de vue.
À ces deux conditions les commissaires d'exposition ont, au Musée des Beaux-Arts de Rouen, bien répondu. Et les visiteurs peuvent sortir ravis de toute cette histoire sociale qui est venue doubler l'épiphanie lumineuse, chromatique du temps suspendu.
Pierre Corcos
01-09-2016
 
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Verso n°136

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