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[verso-hebdo]
06-10-2016
La chronique
de Pierre Corcos
Théâtre politique ?
Qu'il soit en prise directe sur l'actualité (Piscator), qu'il invente également des formes et modalités nouvelles (Brecht, Boal), qu'il garde, par métaphore et/ou parabole dramatique, une profondeur théâtrale (Bond) : nous attendons probablement trop du théâtre politique pour ne pas être toujours un peu déçus par ce qui pourrait de nos jours prétendre à cette catégorie. Trois pièces « politiques » récentes ont montré à la fois leurs potentialités et leurs limites.

La pièce Politiquement correct, écrite et mise en scène par Salomé Lelouch (au théâtre La Pépinière), entend poser la question de l'identité politique à travers une question d'apparence simple, mais dont la réponse implique de complexes détours : peut-on aimer quelqu'un d'un bord politique complètement opposé au sien ? Cette question en implique d'autres : qu'aime-t-on vraiment dans l'autre ? Quelle est la part de nos convictions politiques dans notre identité ? Et si, comme le pense Freud, être passionné par quelqu'un c'est trouver en lui une incarnation de son propre idéal du moi, quelle part occupent les valeurs éthico-politiques dans l'idéal du moi ?... Des esquisses de réponse sont apportées à toutes ces questions, mais surtout le sentiment et le politique sont ici habilement entremêlés. Un impact notable de cette pièce : sa saisie de l'actualité brûlante à venir, car elle se situe en avril 2017 et... Marine Le Pen est au second tour de la présidentielle ! A cette politique-fiction secouant le spectateur, s'ajoute le portrait subtil d'Alexandre, l'un des héros de la pièces, qui interpelle sur les nouveaux Frontistes : « il fait partie de cette extrême-droite « dédiabolisée », populiste et prétendument moderne », précise Salomé Lelouch. On est donc en plein dans cette actualité qui a vu des leaders nationalistes, « populistes » s'imposer un peu partout dans le monde. Mais sans doute la limite du spectacle reste sa forme conventionnelle, ses effets de manche et son jeu de comédiens, traditionnellement associés au théâtre de boulevard, qui atténuent par un filtre confortable et rassurant les éclats aigus d'une réalité politique actuelle, indéniable : le net déplacement de l'échiquier politique vers la droite, et de la droite vers l'extrême-droite.

Commençant de façon réaliste, et tendant par la suite vers une stylisation onirique en relation avec cette parabole d'un monde exacerbant, matérialisant, spatialisant les luttes de classes, la mise en scène inventive de Carole Thibaut (Monkey Money à la Maison des Métallos, et c'était jusqu'au 25 septembre) pouvait satisfaire tous ceux qui attendent à bon droit du théâtre politique une mise en scène dont la forme créative reprenne le contenu émancipateur. Mais, si le récit commence par une soirée d'anniversaire, d'une percutante véracité, de la Bee Wi Bank (sic) avec langue de bois communicationnelle tous azimuts, il se prolonge par des invraisemblances en cascade, que l'on accepterait dans un contexte d'utopie négative à la Métropolis de Fritz Lang, mais qui hélas viennent ici renforcer une pesanteur émotionnelle de mélodrame, avec situations et personnages conventionnels que n'aurait pas déniés Pixérécourt. L'humanisme de Carole Thibaut, qui a également écrit cette fable épique, a sans doute trop vite et excessivement versé dans une forme de sentimentalisme, laquelle dérive compassionnelle peut lénifier, édulcorer une pièce critique et politique.

La trilogie de Nicolas Lambert, Bleu-Blanc-Rouge, constitue à l'évidence un théâtre politique par les thèmes successivement traités : les « affaires » françaises liées au pétrole (Bleu : Elf, la pompe Afrique), au nucléaire (Blanc : Avenir radieux, une fission française), aux ventes d'armes (Rouge : Le maniement des larmes). L'usage de calembours dans les titres, une inspiration d'une cinglante ironie, et surtout l'enquête minutieuse dévoilant corruption, concussion, trafic d'influence, etc. dans une opacité nuisible à la démocratie, évoquent les articles du Canard enchaîné. Cette ressemblance se confirme dans Le Maniement des larmes (jusqu'au 4 décembre au Théâtre de Belleville), car un parallélisme entre les imitations moqueuses de Sarkozy, Balladur, Kadhafi, etc. par Nicolas Lambert et les caricatures de l'hebdomadaire satirique peut être établi. Ce théâtre documentaire, ou ce documentaire théâtral, recèle une charge critique pouvant se résumer ainsi : « observer trois domaines régaliens du régime français. Régaliens, c'est-à-dire qu'ils ont toujours été à la discrétion du seul Roi (ou Empereur, ou Président de la République suivant le contexte) et que la démocratie en est toujours absente aujourd'hui » (note d'intention). Le dépouillement de la scène (une table avec des ordinateurs, une contrebasse ponctuant avec ironie les discours) donne plus de relief au déroulement des faits et à leur partielle émergence dans les médias. Beaucoup repose sur la conviction, les talents de Fregoli, les trouvailles du vibrionnant Nicolas Lambert, auteur, interprète et metteur en scène. Sans doute, ceux qui ne connaissaient rien à toutes ces affaires sortiront de là en s'écriant : voilà bien le théâtre d'investigation critique idéal ! Informer, amuser et mobiliser !... Mais les spectateurs qui sont bien au fait de ces contenus - les coupables zones d'ombre de notre démocratie française - se focaliseront davantage sur la forme, et peut-être regretteront-ils, de par cette planéité journalistique, médiatique, une certaine absence de profondeur théâtrale.
Pierre Corcos
06-10-2016
 
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Verso n°136

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