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[verso-hebdo]
11-05-2017
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes, Giorgio Agamben, traduit de l'italien par Martin Rueff, Editions Macula, 108 p., 18 euro.

Ce dernier livre en date de Giorgio Agamben présente plusieurs aspects qui le rendent d'un grand intérêt. Le premier est de nous faire découvrir la figure du peintre vénitien Giandomenico Tiepolo (1727-1804). C'est le fils du plus célèbre Giambattista Tiepolo et le neveu de Francesco Guardi. Si son père, Giambattista Tiepolo (1696-1770) a connu une éclipse dans les études sur l'art ancien, ce sont les hommes de lettres qui ont commencé à le tirer de l'oubli car l'a fait Roberto Calasso (Le Rose Tiepolo). Quoi qu'il en soit c'est sans aucun doute l'exposition qui a eu lieu en 2005 qui a donné lieu à un très beau catalogue chez Marsilio Editore. Quant à Giandomenico, plus personne ne savait ce qu'il avait pu réaliser. On le percevait surtout comme un obscur continuateur de son père, sur un ton mineur. On sait par exemple qu'il a continué à tirer les gravures de son illustre géniteur. Bien sûr, il a aidé son père à réaliser des projets importants, comme les décors imposants de Wurtzbourg et son apprentissage s'est fait sous la direction de son père qui passait d'un chantier à un autre. Mais on a oublié qu'il a fait des oeuvres d'une grande originalité, sans doute dans le prolongement de ce qu'a pu faire Giambattista, mais en y introduisant une touche très personnelle. De plus il a tenu à représenter la vie quotidienne à Venise, des scènes de la vie rurale, des scènes de promenades et des réjouissances populaires dans une veine qui rappelle un peu celle d'Hogarth, non dans la facture, mais dans l'esprit. Ce qui a retenu l'attention de Giorgio Agamben, c'est plus spécifiquement I divertimenti per li ragazzi. A la fin de sa vie, Giandomenico s'est enfermé dans sa villa de Zianigo. Agamben lie cette volonté de se retirer du monde à la prise de Venise par Bonaparte en 1797, qui n'est plus jamais redevenue une République, sérénissime ou non. Je crois plutôt qu'il avait conscience que toute cette culture à laquelle, comme son père, il était profondément attaché, était en train de sombrer corps et bien, non d'un point de vue politique, mais économique : son déclin avait commencé déjà en 1492 avec la découverte de l'Amérique. Mais il a été très lent, et plus Venise déclinait et plus la vie de son aristocratie se faisait fastueuse, dans une sorte de surenchère du luxe et de l'insouciance. Lui a voulu la représenter avec les masques grotesques de Polichinelle dont il a raconté les aventures diverses comme une parodie de la vie vénitienne. Ce serait après la fin de tout (l'occupation française) qu'il aurait commencé le grand cycle de ses dessins des Divertimenti per li ragazzi. A voir, car ce thème avait déjà été largement exploité par son père. Mais peu importe. Leur nombre est impressionnant et appris une place dans les dernières années de sa vie presque obsessionnelle. Ce sont de petites merveilles, à la fois drôles et tragiques. Agamben décrit très bien l'origine et le sens de ces masques, qui ne désignent pas un personnage, même pas un type humain, mais plutôt une sorte de subterfuges pour dévoiler une situation critique. Ces foules de Polichinelle, qui prennent part à toutes le situations citoyennes, qui sont arrêtés, condamnés, fusillés ou pendus, sont là pour être un révélateur. Cette étude, où il a aimé faire parlé Polichinelle son dialecte natif (le napolitain) est une fascinante digression sur un art à la fois sérieux et caricatural, dramatique et drôle. Je laisse à Giorgio Agamben la responsabilité pleine et entière de ses digressions philosophiques entre Platon, Spinoza, Socrate et Kant ! Mais je trouve merveilleux sa redécouverte de ces oeuvres vraiment uniques. Il permet la résurrection d'un artiste qui mérite sa place dans notre histoire de l'art. Et aussi dans notre histoire des idées.




D'un univers funambule, Zéno Bianu, Gallimard, 152 p., 15 euro.

Zéno Bianu est un poète de tout respect. Il est capable de concilier l'ancien et le moderne, de passer d'un genre à un autre tout en préservant l'unité de chaque poème ou groupe de poèmes, de prendre de grandes libertés formelles tout en ayant une grande rigueur dans son écriture, qui est à la fois économique et riche (ce qui n'est pas chez lui un paradoxe). Il multiplie les postures formelles, des plus classiques à d'autres, qui le sont beaucoup moins. En fait, il veut se plonger dans la poésie en portant différents masques mais ceux-ci renvoient à une seule et même main (je veux dire par là : une seule et même pensée poétiques sous plus manières de l'aborder). Chaque partie de cet ouvrage peut être regardée comme un livre en soi. Prenons par exemple « Filles du chaos » : voici une succession de strophes de longueur inégales, qui sont liées les unes aux autres dans une méditation sur le désordre inhérent à l'univers. Le sens de l'ellipse qui le caractérise dans ce texte ne nuit pas au développement d'une réflexion dense et singulière. Si l'on choisit ensuite de lire « Vers le jour absolu », on découvre une nouvelle Alice, échappée aux pages de Lewis Carroll pour accomplir une traversée du miroir d'une autre portée. Il s'agit plus ici d'une espace du temps et de l'espace et de la façon dont un être peut l'éprouver. Mais si l'on entreprend ensuite de se plonger dans « La Musique troue les coeurs », on se retrouve dans l'univers du jazz, mais tant conduit par son tempo comme dans la poésie de Jack Kerouac, mais plus dans son esprit et dans les sensations et les sentiments que cette musique engendre. La « Lettre à Miles » est un dialogue entre l'auteur et le célèbre musicien. Dans « Coba » en revanche, on se trouve confronté à l'aspect plastique de l'écriture dérivé des calligrammes d'Apollinaire ou des poèmes-tableaux de Vicente Huidobro. Et pourtant, les idées qui guident Zéno Bianu sont d'une nature bien différente. Ses losanges (appelons-les ainsi par contiennent des récits lyriques, tout autres qu'un divertissement formel. C'est sans doute dans ce déplacement continuel des formes et des réflexions contenues par ces dernières que réside la stratégie de ce poète original. Il n'a de laisse de changer le mécanisme textuel de ses oeuvres, mais ne cesse en même temps de leur apporter des contenus qui les dévoient.




Des Caraïbes au Mexique, journal d'un voyageur, Aldous Huxley, traduit de l'anglais par Jean Bourdier, « la petite vermillon », La table Ronde, 256 p., 8,70 euro.

Au début de ce livre publié en Grande-Bretagne en 1934, on a l'impression de lire un récit de voyage entre Mark Twain et Paul Morand, en somme le récit d'un voyage d'agrément qui commence dans les îles des Caraïbes. Mais très vite le ton change et l'on retrouve l'esprit des grands voyageurs, comme Chateaubriand, Lamartine, Gérard de Nerval ou Théophile Gautier. En fait, il commence vraiment quand l'auteur arrive au Guatemala et visite une partie de l'Amérique centrale. Il s'intéresse de près à l'histoire de ces petits pays (petits par rapports à leurs immenses voisons) après le départ des Espagnols en 1821 et la tentative avortée d'une union entre eux. L'échec de cette fédération a conduit à une succession de guerres terribles qui nous aboutit qu'un morcellement de ce territoire. Il s'intéresse aussi à la manière dont parvient à tenir debout l'Eglise catholique en ces terres lointaines et les difficultés qu'elle connaît. L'économie aussi le passionne. Il consacre plusieurs pages à l'introduction de la culture du café au Guatemala, qui est relativement récente par rapport à d'autres parties de cette région du monde. Les croyances populaires l'intrigue et il examine avec une grande curiosité et une grande acuité ces peuples si différents des Européens. Mais ce qui le passionne le plus ce sont les civilisations précolombiennes, celle des Mayas et celle des Aztèques. Il se penche sur leur relation au monde, sur le sens profond de leur religion, sur l'absence de divinités féminines, sur leur représentation du monde. Son long périple au Mexique qui l'amène jusqu'à la capitale constitue une suite de réflexions sur tout ce qui se présente à lui. Il ne cherche pas à être exhaustif, mais à tirer partie de ce qui se présente à lui. Ce n'est pas non plus un livre savant au sens traditionnel, mais un livre nourrit autant de son expérience que des connaissances qu'il est venu à acquérir pour le rédiger. Et il a tenu à faire en sorte que les pages qu'il nous confie demeure d'une lecture aussi plaisante que révélatrice de toutes ces choses inconnues pour qui n'a jamais pu faire un tel périple. Aldous Huxley (1894-1963) est un grand auteur, que nous ne fréquentons plus que pour quelques essais et pour son célèbre roman, le Meilleur des mondes. Ce livre de voyage est le troisième (et dernier) qu'il ait écrit. Il ne nous déplairait pas de découvrir les précédents.




Chemin faisant, suivi de La Mémoire des routes, Jacques Lacarrière, « la petite vermillon », La Table Ronde, 352 p., 8,70 euro.

Dans ces deux ouvrages, parus la première fois en 1977, Jacques Lacarrière nous fait monter dans la machine à remonter le temps. En effet, la France qu'il dépeint, commente, explique, illustre au fil de la plume n'existe quasiment plus ! Déjà, à l'époque où ils sont parus, ce monde s'était déjà passablement estompé. Aujourd'hui, le monde rural n'est plus le même (il suffit de songer au nombre d'agriculteurs !). Ce monde-là est celui qui était encore présent pendant le régime de Vichy. Les Trois Glorieuses, avec ses progrès en tous genres, l'ont pratiquement balayé. Cette oeuvre bucolique à une saveur qui est celle du temps jadis et fait songer, un peu, aux Rêveries d'un promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau. Le principe est dans son esprit de faire découvrir au lecteur nos belles campagnes, ses paysages, ses habitants, sa faune et sa flore. Ses curiosités aussi. Tel qu'il a écrit, ce long voyage ressemble beaucoup à ceux entrepris en Orient ou dans les Amériques par nos grands écrivains. C'est une lecture du monde qui est à la fois directe (celle du moment vécu comme s'il avait été saisi sur le vif) et passée au crible d'une grande culture où la poésie joue un rôle énorme. Je ne suis pas un de ces « patriotes » aveuglés par leur nationalisme et leur fixation obsessionnelle sur l'hexagone (je serais plutôt cosmopolite), mais je dois reconnaître que j'ai pris un grand plaisir à parcourir Chemin faisant, car on y apprend comme déguster la France, sous ses aspects les plus divers, qui est d'abord un pays composé d'une mosaïque de cultures très diverses qui se sont plus ou moins rapprochées et enchevêtrées. J'invite mes compatriotes à le lire car ils ne pourront jamais refaire ce voyage à pied. En tout cas, pas de cette manière. Ils verront d'autres choses et auront souvent de bien mauvaises surprises ! Je dois ajouter pour finir que c'est écrit avec beaucoup de finesse.




La Personne et le sacré, Simone Weil, préface de Giorgio Agamben, « Petite Bibliothèque », Rivages poche, 96 p., 6 euro.

Je ne sais trop qui m'a le plus surpris, l'auteur ou son préfacier ! La pensée de Simone Weil (1909-1943), est des plus curieuses car elle est sous-tendue par un élan mystique essentiellement chrétien, mais nourrie de philosophie (surtout du platonisme) et des textes sacrés de l'Inde védique. On la connaît surtout pour son engagement social en faveur des classes opprimées (elle a même fait l'expérience du travail agricole) et pour ses prises de position contre les systèmes totalitaires (elle a même quitté les Etats-Unis en 1942 pour aller rejoindre De Gaulle et le France Libre à Londres. Mais le penseur a pris le pas sur la mystique. Les raisons de son suicide demeurent assez énigmatiques. Le livre que nous avons entre les mains est sans doute le dernier qu'elle ait écrit. Elle se propose de présenter des considérations universelles sur la posture de l'être dans le monde. Elle en vient à contester la notion de droit telle que celle issue de la Révolution française et surtout à combattre l'idée de ce qu'elle appelle le « personnaliste ». Je dois vous avouer que je ne comprends pas tout à fait ce refus du droit qui octroie à l'homme sa liberté comme entité vivante et sociale.  Giorgio Agamben essaye d'explique cette notion en soulignant que le mauvais traitement fait aux déshérités, aux émigrés, aux vaincus rende caduque les principes essentiels du droit. Oui, mais pourquoi ne pas faire reposer sa cause sur sa réhabilitation ? Il me semble que ce qu'elle a en tête est quelque chose qui dépasse tous les citoyens du monde : elle prône un bien (et un beau) absolu, qui surclasse l'individualité. Elle pense que tout être possède quelque chose de sacré en lui (ce qui me rappelle la théorie de la monadologie de Leibniz). Mais elle croit aussi que cette sacralité dépasse chacun de nous : « Ce besoin donne la possibilité d'une prise de l'impersonnel sur le collectif, si seulement on savait étudie rune méthode pour en faire usage. » L'impersonnel pose toutefois bien des questions, même si l'on comprend bien à quoi elle fait allusion. Bref, elle se trouve face à une contradiction entre la justice sociale et l'aspiration transcendantale. Elle est persuadée que l'être humain ne peut s'échapper « au collectif qu'en s'élevant au-dessus du personnel.. » Agamben fait un parallèle entre sa manière de considérer les choses de l'esprit et celle que sera dans les écrits d'Hannah Arendt. Je suis sceptique car il n 'y a pas une once de mysticisme dans la réflexion de cette dernière. Bref, sa conclusion sur l'âme qui doit s'humilier pour parvenir à s'extraire de la matière mondaine me laisse de marbre. Mais peut-être que les chrétiens y trouveront là une réminiscence de conceptions qui ont ponctué l'histoire de leur religion.




Qu'est-ce que comprendre un philosophe ?, Ferdinand Alquié, « la petite vermillon », La Table Ronde, 54 p., h. c..

Ferdinand Alquié (1906-1985) est bien oublié aujourd'hui. Je crois que les éditions de La Table Ronde a eu raison de le rééditer et, de plus, de rendre ses écrits accessibles en le rééditant dans une collection de poche. Ce n'est pas un philosophe qui a transformé l'histoire de la pensée. Mais il a su, de manière merveilleuse et très claire, expliquer la philosophie de Kant, de Spinoza ou de Descartes. Ce petit ouvrage met en avant la contradiction fondamentale du rapport du philosophe avec le monde dans lequel il vit. Il sait parfaitement expliquer le raisonnement de tel ou tel philosophe par rapport aux problèmes qui pouvaient se poser à lui dans un contexte historique donné. Quand on lit ces pages, on peut parvenir sans peine à comprendre ce que signifie « philosopher ». Et l'on comprend aussi quels ont été les obstacles qu'un penseur tel que Berkeley ont pu rencontrer en tentant de résoudre les problèmes qu'il devait s poser pour progresser dans son raisonnement. Ce petit essai est nécessaire à qui se demande à quoi peut bien servir la philosophie et comment elle se propose de résoudre les problèmes.




Pic, Jack Kerouac, traduit de l'anglais (Etats-Unis) et postfacé par Christophe Mercier, « la petite vermillon », 142 p., 5,90 euro.

Ce petit livre a paru en 1971, c'est-à-dire deux ans après la disparition de Jack Kerouac. Il n'a rien de testamentaire, loin s'en faut. Mais il a une particularité : son héros, Pic, est un jeune noir, et tout l'univers qui l'entoure est composé de gens de couleurs. Kerouac a tenté de reconstituer la manière des Noirs américains de parler et le rythme de leur langage. C'est un peu comme s'il avait tenté de traduire le langage du jazz, comme il l'a fait dans ses poésies (par exemple, dans Mexico City Blues) dans un tout petit roman qui relate l'histoire de deux frères, Slim, l'aîné et Pic, qui abandonnent leur maison de la Caroline du Nord où il ne faisait pas bon vivre pour se rendre à New York et ensuite en Californie. Ils font ainsi leur apprentissage du monde américain et découvrent les beautés et les aspects moins beaux de la très grande ville. Leur voyage est tout sauf une épopée. Le traducteur a avancé que ce serait une sorte de remake de Sur la route et que ses jeunes héros auraient dû rencontrer ses deux personnages principaux, Sal Paradise et Dean Moriarty, qui figuraient dans un roman paru en 1957. Je pense pour ma part que c'est une formule car l'auteur a sans doute pris conscience qu'il répétait une histoire ancienne avec d'autres figures. Mais peu importe. De toute façon, cette fiction ne paraît pas tout à fait achevée, même si Kerouac l'avait envoyé à son éditeur. Le problème est que ce qu'il y a tenté sur le plan de langue est de l'ordre de l'impossible pour ce qui est la traduction. Christophe Mercier n'a pas fait un mauvais travail, il faut le souligner, mais on n'entend pas une seconde un Noir parler - et surtout pas un Noir américain ! Quoi qu'il en soit le livre est touchant : l'histoire de cet orphelin très attaché à son grand père qui a déjà un pied dans la tombe et que tout le monde dans on entourage maltraite est narrée avec beaucoup d'humour mais aussi de tendresse. Kerouac reste ici un grand écrivain. Il a tenté quelque chose que Saul Bellow a mieux réussi. Kerouac est d'abord un conteur. Pic n'est pas son plus grand livre -, mais cela n'a pas d'importance à mes yeux. C'est un très joli récit qui montre qu'à la fin de sa trop brève vie il avait tenté de trouver autre chose dans son écriture.




La Beauté malade, D. H. Lawrence, Allia, 80 p., 6,20 euro.

La semaine dernière, ce livre a été commenté, mais le nom de l'éditeur a mystérieusement disparu ! Tout en réparant cette erreur, je voulais ajouter que les relations de D. H. Lawrence (1885-1930) avec le groupe du Bloomsbury ont été assez particulières : une réelle entente s'est établie entre lui et les écrivains de ce petit cercle qui a eu une grande importance au sein du monde culturel anglais et puis, de manière plus générale, dans le monde. Il est indubitable que la liberté de moeurs que le Bloomsbury a revendiquée, sans d'ailleurs faire trop d'éclat, pouvait fort bien s'accorder avec la revendication émise par l'auteur de l'Amant de lady Chatterley, qui a provoqué un scandale considérable lors de sa parution. Il y a eu entre eux une différence profonde de stratégie : alors que Lawrence a écrit ce roman et d'autres encore sur le même thème, sans parler des nombreux essais où il exposait sa conception de la vie amoureuse qui devait d'abord être la manifestation d'une entente charnelle, les écrivains, artistes, historiens d'art, économistes, historiens et artistes Bloomsbury a préféré mener une vie en toute liberté, sans s'en cacher, l'homosexualité étant l'apanage de plusieurs d'entre eux, mais aussi des formes de mariage libre, jamais ils n'ont mis l'accent sur leurs penchants sexuels dans leurs écrits. Il s'agissait pour eux de vivre selon ses convictions dans un cercle somme toute assez fermé et qui ne concernait que la très bonne société britannique. Ce sont là les deux facettes de al révolution sexuelle amorcée par ces hommes et ces femmes d'exception. Lawrence se trouvait don aux antipodes de leurs choix, tout en se faisant le porte-parole d'idées assez proches.




Elégies de Duino, Rainer Maria Rilke, traduit de l'allemand par Rainer Biemel, Allia, 76 p., 6,50 euro.
La Mélodie de l'amour et de la mort du cornette Christoph Rilke, traduit de l'allemand par Roland Crastes de Paulet, Allia, 64 p., 6,50 euro.


Les Elégies de Duino (qui ne sont pas les « Elégies duinesques » comme on a pu le voir récemment (Duino est une localité près de Trieste et le château où Rilke séjournait de temps à autre, appartenait alors à la descendante de la grande famille du baron Thurn und Taxis, la princesse Marie), sont un chant qui se référait à une partie de la côte Adriatique qui était alors autrichienne (elle ne l'était plus quand le poème a paru en 1922). Rainer Maria Rilke (1875-1921), né à Prague, que son père destinait à une carrière militaire, a mené une vie de bohémien, et aussi de parasite de luxe, allant d'un château à un palais, un peu partout dans l'Europe, là où de belles aristocrates appréciait sa présence et son art poétique. Il faut d'ailleurs lire la cinquième élégie qui est sous-titrée « Saltimbanques », qui commence en ces termes ; «  Mais dis-moi donc, qui sont ces errants, un peu plus fugitifs que nous-mêmes. » L'ensemble constitue une méditation d'une vertigineuse profondeur sur les relations entre les êtres et un terrible exercice d'introspection, qui est sans complaisance ultime. Sous le vernis d'esthétisme de sa langue très châtiée, on trouve des réflexions d'une dureté sans nom. C'est certainement l'une de ses plus belles créations. La Mélodie de l'amour... (1904) est sans doute l'une de ses poésies en prose les plus étranges de Rilke. Il s'agit de l'existence d'un de ses parents (réel ou supposé). Il s'agit d'une jeune homme, de noble naissance qui, au milieu du XVIIe siècle, Il s'appelle Christoph Rilke. Il devient porte-étendard dans l'armée autrichienne et va combattre les troupes de l'Empire ottoman. Il rencontre un aristocrate français qui lui fait un cadeau singulier : une feuille de rose que sa maîtresse lui avait envoyée. Il se trouve ensuite dans une forteresse hongroise et y rencontre enfin la jeune femme qu'il pourrait aimer. Mais les Turcs se lancent à l'attaque et le jeune homme est séparé de son régiment. Il s'efforce de rattraper ses compagnons d'armes, et son drapeau s'enflamme. Il est tué au cours des violents combats qui ont lieu ce jour-là. Jamais on n'a pu retrouver sa dépouille. Toute cette histoire est racontée comme un rêve fiévreux, d'une manière concise et fantasmagorique. Il y a dans ces pages un curieux mélange de littérature épique et de littérature amoureuse, l'amour et la guerre ne semblent plus n'être qu'une seule et même entité. L'amour et la mort aussi s'embrasse étroitement. L'étrangeté du récit va de paire avec un érotisme dévorant. C'est une oeuvre qui devrait fasciner ceux qui ne connaissent pas encore.
Gérard-Georges Lemaire
11-05-2017
 
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Verso n°136

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