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[verso-hebdo]
21-09-2017
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Histoire du costume en Occident, François Boucher, Flammarion, 480 p., 45 euro

Il est nécessaire de le dire d'entrée de jeu : ce livre est indispensable si l'on veut connaître comment l'art vestimentaire s'est développé depuis ses origines les plus lointaines. Mais ce n'est pas comme les histoires de ce genre qu'on a pu connaître : il y a une iconographie très abondante et chaque changement dans la forme et l'esprit du costume est étudié et commenté dans le plus menu détail. C'est une encyclopédie très complète mais ce n'est pas simplement ce qu'on appelle un « usuel ». De la Révolution à l'Empire, pour choisir cette période, on assiste aux métamorphoses nombreuses et quelques fois surprenantes de l'habit des hommes et des robes des femmes, qui ont des relations étroites avec la mode, cela est évident, l'art, le goût, même la politique de la période. Les nombreux tableaux reproduits nous montrent, surtout dans les portraits, les grands modèles qui s'imposent un temps. Le travail de François Boucher et de ses collaborateurs mérite le respect car il nous fournit l'ouvrage dont on ne peut se passer si l'on veut connaître cette histoire, mais aussi imaginé la grande Histoire ou les vie des rues dans les siècles précédents, car l'auteur nous fait commencer son voyage dès la préhistoire pour nous faire aborder presque à l'heure actuelle (la fin du XXe siècle). C'est conçu avec méthode, clarté et s élit avec un grand plaisir. Que rêver de mieux, surtout pour un tel sujet ? La réflexion qui s'impose en le consultant est la suivante : comment serons-nous habillé demain, dans les années qui viennent ? Je crois qu'il y a aura beaucoup à dire sur le passage du XXe au XXIe siècle, sur la sans cesse plus grand écart entre la mode, telle qu'elle est pensée par les créateurs, et ce qui se passe dans la rue. Plus la mode (disons, ce que nous offre la haute couture) devient extravagante (ce qui n'est pas nouveau), en se considérant comme un art à part entière, plus nos contemporains font d'autres choix. Ils achèteront sans doute des habits de soirée ou d égala pour les plus riches, ou des habits griffés, mais jamais il n'y aura une sorte d'unité vestimentaire. Finalement, les jeunes des banlieues sont peut-être plus attachés à une mode uniforme que leurs aînés ! J'ai hâte de voir l'édition revu, corrigée et surtout ajournée qui viendra dans un futur proche ! Mais déjà cette histoire est aussi utile que l'est le grand Littré pour la langue française.




Anne et Patrick Poirier, sous la direction de Laure Martin, Flammarion / Maison Européenne de la Photographie, 264 p., 49 euro

Après Robert et Sonia Delaunay, Sophie et Jean Arp et d'autres couples célèbres, Anne et Patrick Poirier ont décidé de faire équipe ensemble dans la création artistique. Ce qui les distingue des précédents, c'est que leur oeuvre est entièrement commune. Ils ont puisé leur inspiration dans les ruines. C'est le passé archéologique qui est leur principale source d'inspiration, ce qui a fait naître d'emblée une certaine ambiguïté dans leurs réalisations, même si elles paraissaient s'inscrire dans une optique avant-gardiste. Dès la fin des années soixante, ils se servent de reproductions de fragments de statuaires antiques, comme les Hermès de la Villa Médicis de Rome pour avancer ce qu'ils appelle leur « archéologie parallèle «. L'art médiéval les inspire aussi, comme le prouvent les stèles de la cathédrale Saint-André à Bordeaux.  Les sites de fouilles deviennent leur champ d'investigation. Ils peuvent d'ailleurs passer de l'installation la plus ravageuse comme Mémoire avant dispersion (1999) à L'Incendie de la grande Bibliothèque (1978), qui pourrait faire allusion à la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie. Ils se mettent à fantasmer les ruines, comme Monsu Desiderio ou Hubert Robert. Ils inventent des architectures imaginaires d'un temps lointain, comme l'avait fait le peintre anglais John Martin avec des tours qui ne suggère aucune civilisation particulière et qui deviennent leur propre univers. De plus en plus, deux conceptions se compénètrent : le rêve de l'antique et leurs cités imaginaires. C'est alors qu'il multiplient des signes de reconnaissance, comme la flèche symbolisant la foudre et l'oeil géant de Mimas. Après quoi, ils opèrent un tournant décisif en créant des lieux avec du mobilier improbable dont les tiroirs révèlent des fragments de statues ou des objets et conçoivent des villes qui pourraient ressembler à la maquette de Germania élaborée par Albers ! Ce penchant pour le classicisme perd de son intensité quand ils prennent une autre direction, qui n'est pas opposée, mais un peu différent : l'étude de la mémoire. Cette fois, ils ont recours aux technologies modernes, avec des succès variés. Exotica est une représentation assez kitsch avec ce néon rose qui surplombe toute la ville qui envahie elle-même une île. Ils se lancent dans ce qu'il nomme l' « archéologie du futur »avec des constructions de ruines modernes, nos ruines, celles des conflits récents. En fait, ils jouent trop sur des effets esthétiques clinquants qui sont la conceptualisation d'idées un peu trop sommaires. Ils ne peuvent s'empêcher de faire « beau », mais un beau ancien recouvert une mince couche de modernité. Au cours de leur long parcours, ils ont néanmoins su créer des visions puissantes et des ensembles qui donnent à méditer sur le rapport que nous entretenons avec la culture d'autrefois. Il est indéniable qu'ils ont marqué la fin du siècle dernier et un peu le début du nôtre.




Le Massacre des Innocents, sous la direction de Pierre Rosenberg, Domaine de Chantilly / Flammarion, 192 p., 45 euro

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me demande (une fois de plus) pourquoi une exposition d'art ancien (il s'agit dans le cas présent de Nicolas Poussin), les conservateurs se croient obligé d'ajouter des compositions contemporaines, le meilleur voisinant avec le pire ! C'est devenu une sorte de maladie française, alors que nous avons des musées et des centres d'art à cet effet. Je referme la parenthèse. Tout tourne autour de la restauration du célèbre tableau de Poussin, Le Massacre des innocents (1665), qui est considéré comme une de ses oeuvres majeures. Notre mémoire nous joue des tours : quand on pense à Poussin, on a en tête des images pastorales tout à fait poétiques et paisibles. Or Poussin, on l'avait vu lors de la grande rétrospective du Grand Palais, a peint de grands tableaux religieux où, forcément, l'on peut découvrir des scènes très violentes, avec la vie des saints martyres ou même des scènes tirées de l'histoire romaine, comme la mort de Germanicus. Et ce sujet est souvent traité depuis la fin du Moyen Age, avec des compositions signées par Giusto Fiamingo, Brueghel l'ancien, Arcimboldo, Raphaël, Massimo Stazione, Marantonio Raimondi, Carolis Schut, Cornelis van Haarlem -, la liste est très longue, ce qui signifie que les commanditaires ecclésiastiques étaient très friand de cet épisode du Nouveau Testament. Cela a duré jusqu'au XVIIIe siècle, après quoi, ce sont d'autres massacres qui ont séduit les peintres, de plus en plus libres de leurs sujets. Puisqu'on a jugé bon de mettre en regard de Poussin Pablo Picasso et Francis Bacon, je tiens à souligner que Guernica a été une commandé par la République espagnole au grand artiste pour placer cette grande composition dans son pavillon à l'Exposition universelle de Paris. Le Charnier, qui est aussi une très belle oeuvre a été la contribution à la mémoire des victimes de la guerre mondiale, qui n'avait pas de destination précise. Quant à Bacon, le lien est assez mince, car il n'a jamais peint qu'une célèbre Crucifixion. Ses toiles sont hantées par l'idée de la chair sanglante et décomposée. Mais point de massacres et encore moins d'innocents. Quoi qu'il en soit, je pense que prendre un thème de la peinture profane ou religieuse est une excellente chose, car on peut ainsi comprendre comment il a pu avoir un moment de gloire et puis un déclin et quels ont été les artistes qui ont éprouvé de la passion à le traiter. Donc le lecteur pourra tirer un grand profit de ce catalogue.




Ni bruit ni fureur, Lucien Suel, La Table Ronde, Gallimard, 176 p., 16 euro

Lucien Suel est comme Calvin et moi, d'origine picarde. Cela peur sembler incongru, mais cela prend tout son sens quand on se plonge dans son dernier ouvrage qui porte un si joli titre, qui est une sorte de déclaration de principe -, un manifeste littéraire. Aussi singulière puisse-t-elle être, son oeuvre ne cherche pas à être « avant-gardiste », ou s'inscrire dans une quelconque école, avouée ou inavouée. Il est autant prosateur que poète et sa prose est résolument poétique, alors que sa poésie est elle narrative -, seul le rythme et une pus grande liberté fait la différence entre ces deux modes d'écriture. Dans les premières pages, il se remémore son enfance dans ces terres peu amènes, avec une pointe de nostalgie et un humour fin et une ironie très discrète. Puis il nous entrainer jusqu'à la Mer du Nord, nous place face à d'impressionnante falaises, nous conduit jusqu'à Roubaix par le canal (son père fait alors son apparition, comme un empreinte en palimpseste), toujours avec ce charme qui est le produit d'un curieux mélange de sentiments, les uns heureux, les autres moins. Tout est concis dans son récit, concis et plein de retenu. Il laisse sa faconde de kermesse se libérer quand il adopte la forme poétique. Une brouette devient un objet de méditation. Il nous fait découvrir les corons, mais aussi les modestes jardins qui recèlent pourtant des trésors. Toutes sortes de souvenirs se croisent dans une sorte de sarabande, celle de la Grande guerre, la Der des Ders, un ami qui lui écrit à Paris, les tombes de ses parents, la croix de la crucifixion, omniprésente à la fin de son périple. Ce livre possède une certaine beauté qui est rare, et une curieuse manière de dire les choses, mais une manière qui est aussi suave et grave, qui drôle et caustique. Mais, je le souligne encore, rien n'est du ressort du grotesque, de l'outré ou de l'outrageux. Lucien Suel n'est pas un James Ensor de la poésie. Il met tout en oeuvre pour que ce cheminement avec les mots, reste plaisant et d'une lecture apaisée. Il n'y a guère que deux poèmes qui font surgir des vaches (veaux, cochons !)et des tranches de porc de sa besace imaginaire pour engendrer un rire franc ! Tout le reste est baigné d'une tendre mélancolie.




Flore & bestiaire imaginaire, Daniel Habrekorn,illustré par Hélène Nué & V. Mavounia-Kouka et 5 dessins de l'auteur, L'Harmattan, 248 p., 20 euro

Je suppose qu'un grand nombre d'entre vous a lu le merveilleux ouvrage de Jorge Luis Borges, écrit avec le concours de Margarita Guerrero, le Manuel de zoologie fantastique. Daniel Habrekorn a voulu prolongé cet ouvrage à sa façon et aussi il en élargi le champ d'exploration car il y a inclus la botanique à la classification des animaux. Ce n'est donc pas en imitateur qu'il a composé son oeuvre, mais plutôt en en soutirant l'envie d'écrire une sorte de dictionnaire fantasque(encore plus fantastique que son illustre prédécesseur) d'une faune et d'une flore sorties tout droit de son esprit. Et quel esprit ! On de se divertit beaucoup en le lisant. A l'inverse de Borges, il ne pastiche pas les ouvrages anciens (je pense, par exemple, à Bruno Latini) , mais imagine un univers qui puisse ses sources chez Rabelais ou les auteurs d'utopies, sans les imiter. C'est ainsi qu'on se plaît à lire la description du poireau constrictor et de la grue guillotine, de la guêpe franc-maçonne, de l'unipatte des marais et de l'arbre généalogique. L'invention de l'écrivain est absolument merveilleuse, absurde à souhait et drôle. Et belle toutefois. Il ya quelque chose de dadaïste dans son attitude, qui n'est pas volontaire, ou même de surréaliste. Mais son intention n'est certainement pas de reprendre à son compte des formules qui font désormais partie de notre histoire littéraire. Il a voulu nous proposer un jeu de lettré qui est un jeu à la portée du plus grand nombre, car les références aux auteurs d'autrefois ne sont pas utiles pour aborder ces pages. A la fin, Habrekorn a ajouré un petit catalogue de publicités s'adressant à des plantes et à des animaux. Il aime l'absurde, le rire, mais aussi, plus que tout, ce que Barthes appelait « le plaisir du texte ». Du plaisir, il nous en donne, à revendre. Il nous faut l'en remercier !




Le Syndrome Indigo, Clemens J. Setz, traduit de l'allemand par Claire Stravaux, « Babel », 464 p., 8,90 euro

Je n'avais jamais ouvert un roman de Clemens J. Selz. Bien mal m'en a pris ! Indigo est un livre formidable, avec un mélange sulfureux de science fiction et de littérature fantastique, de roman noir et de roman d'aventure, de roman d'histoire et de spéculations scientifiques, surtout médicales. L'auteur mélange aussi les modes d'écriture, il a recours à des vignettes, comme Sebald, et utilise plusieurs genres de typographies. Mais si la présentation de l'oeuvre est vraiment barrique au sens premier du terme, il n'en reste pas moins que le tout conserve sa cohérence et se lit avec passion. Tout débute par l'histoire d'une maladie étrange, celle des enfants indigo. Mais elle touche aussi tous les âges et toutes les populations. Le narrateur est un professeur. Mais son rôle exact dans l'histoire est vite dissout par le fait que le récit se dédouble, se démultiplie à l'infini. On comprend que cette maladie incurable a commencé à se répandre sérieusement en 1990. En réalité il y a l'auteur qui fait aussi de narrateur, mais aussi un homme indigo, Robert, qui cherche à survivre à tout prix malgré son handicap médical. Le premier rappelle les témoignages qu'il a pu recueillir dans le passé, ce qui engendre des appendices narratifs de toutes sortes et de toutes longueurs. Le second s'inscrit dans le présent et se projette aussi dans le futur. Tous ces fragments s'entrecroisent, s'enchevêtrent, se mélangent, et on perd au bout d'une bonne centaine de pages le fil de l'histoire. Mais ce n'est pas l'histoire qui est la plupart important et dont on ne saura jamais le fin mot, mais plutôt ces pérégrinations en tous sens, qui sont savoureuses, parfois inquiétantes, parfois drôles. C'est une littérature franchement atypique. Mais elle est si bien agencée qu'on se laisse d'emblée emporter par la fouge de cette écriture plurielle. Le monde inventé par C. J. Setz n'est pas une utopie : c'est un monde inquiétant, disloqué, dangereux, dissolu, fantasmé et quelques fois halluciné. On y perd véritablement son latin, mais c'est avec délectation, car l'auteur a eu l'heureuse faculté de faire sortir de son crâne un espace complexe de pure fiction et c'est un délice, mais si la peur nous prend de temps autre. J'espère que vous avez une poche assez grande pour l'y mettre !
Gérard-Georges Lemaire
21-09-2017
 

Verso n°136

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