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[verso-hebdo]
15-05-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Lucio Fontana, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, Paris Musées, 304 p., 49,90 euro.

Ce catalogue fait honneur à la magnifique rétrospective de Lucio Fontana présentée au musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Sans doute n'est-elle pas la première. Il y en a eu une importante au Centre Pompidou, mais qui était moins complète et moins équilibrée. Ce que cette exposition nous fait découvrir, ce sont les débuts de l'artiste. Né à Rosario, en Argentine, mais d'origine lombarde, c'est à l'Académie des Beaux-arts de Brera qu'il fait ses études. Il choisit la sculpture car son père était lui-même sculpteur. Il a pour professeur Adolfo Wildt, avec lequel il s'entend très mal. Il va donc créer ses premières oeuvres en réaction à ce maître symboliste et va dans la direction du primitivisme. Cette attitude le conduit à une simplification des formes, puis à l'abstraction. Pour lui débute alors une période étrange où il fait des sculptures complètement abstraites et d'autres, figuratives, mais pas dans un style connu. Ses figures d'êtres humains ou d'animaux, parfois ses plantes, ses légumes, sont à mi-chemin entre le réel et l'irréel. Toutes ces formes deviennent étranges, comme si elles proliféraient et constituaient une nouvelle histoire naturelle. Pour parvenir à ses fins, il utilise beaucoup la céramique avec succès. Après la guerre, il continue à faire des ouvrages figuratifs bien qu'il ait déjà rédigé le Manifesto bianco et commencé un travail en accord avec les principes du spatialisme. Et lorsqu'il s'engage dans ses recherches les plus radicales, il ne suit pas une logique inflexible : la période dite « baroque » en est l'exemple le plus flagrant. Enfin, j'ai été heureux de constater que ses oeuvres en néon sont présentes, phase fondamentale de ses réflexions sur l'espace plastique intégral.




La Boîte de Pandore, Dora & Erwin Panofsky, Hazan, 160 p., 12 euro.

Dans cet ouvrage, Dora et Erwin Panofsky font la démonstration claire et très convaincante d'une méthode de lecture nom d'une oeuvre d'art, mais d'un thème mythologique. Pandore est dotée d'une embarcation dans le monde grec et, dans le monde romain, cette barque se change en boîte. Assez étrangement, les Latins ne s'intéressent guère à cette figure, mais les chrétiens comme Tertullien lui redonnent vie. Les auteurs nous montrent comment elle a pu se métamorphoser encore au XVe siècle, comment Giroldi la traduit et comment Erasme l'interprète. Et ce fut Rosso Fiorentino qui a réhabilité le personnage de Pandora. Aussi curieux que cela puisse sembler, c'est en France et non en Italie que l'on étudie le grec ancien et qu'on en revient aux textes originaux. Des poètes comme Jean Segond ou Joachim du Bellay qui se sont emparés du sujet, le dernier pour fustiger Rome ! Et nous remontons le temps. Ce livre est construit comme une véritable enquête policière. Mais c'est aussi et surtout un discours de la méthode pour éviter les possibles erreurs d'interprétation : les allusions mythologiques doivent toujours être examinées dans leur contexte historique et culturel, pas seulement par rapport à un texte canonique. Et, en plus, c'est écrit avec une grande limpidité. Ce faisant, l'ouvrage est tout à fait accessible à ceux qui ne sont pas versés dans les méandres dédaliques de l'histoire de l'art.




Louvre Abu Dhabi, naissance d'un musée, Flammarion/Louvre Editions, 56 p., 9,90 euro.

Beaucoup d'eau a coulé dans le golfe persique depuis l'annonce de cette étrange entreprise qu'est l'installation d'une « annexe » du musée du Louvre sur le sol des Emirats ! Le ministre de l'époque et Loyrette, à peine nommé, en se contredisant l'un l'autre dans des pages parallèles d'un grand quotidien, tentaient de rassurer leurs concitoyens : les oeuvres importantes ne partiront pas là-bas, on puisera dans les réserves... Personne n'aurait pu croire que les riches clients de la péninsule arabe se seraient contentés, en mettant deux milliards sur la table, de toiles poussiéreuses confinées dans les caves du célèbre musée. Aujourd'hui on se rend compte qu'on y exporte un savoir-faire muséologique alors qu'on exporte depuis longtemps du savoir-faire technologique. Le bâtiment de Jean Nouvel (qui a déjà un an de retard) est assez beau. Mais il va abriter une collection spécialement constituée pour ce lieu. C'est un conseil scientifique avec des membres du musée, du Centre Pompidou, de la Bnf qui travaillent à ce projet avec leurs homologues arabes. La collection comprend des oeuvres de toutes les civilisations et de tous les genres, de Coran ancien (même une Bible et une Thora !) en passant par des joyaux de l'art islamique, une Vierge de Bellini, un beau Jordaens et un portrait en pied de Liotard remarquable et La Liseuse soumise de Magritte, sans compter un superbe Cy Twombly, un mobile de Calder et un Piet Mondrian. En somme, c'est une tout autre aventure qui s'annonce et que le catalogue de l'exposition en cours au Louvre nous dévoile.




Poétique de Céline, Henri Godard, « Tel », Gallimard, 490 p., 11,90 euro.

Paru pour la première fois en 1985, cette thèse a le mérite d'examiner avec le plus grand soin le travail que Louis-Ferdinand Céline a voulu faire dans et par la langue française. L'auteur rappelle combien il détestait qu'on puisse le comparer à James Joyce. Cela se comprend. Son aventure est ancrée dans le « sol » (le terreau) de la langue française, alors que Joyce en est venu, à la fin de son aventure littéraire, à une polyphonie linguistique Finnegans Wake. De plus, rien ne rapproche les deux écrivains, ni dans la manière, ni dans la forme, ni dans les fins poursuivies. Et pourtant, il y a chez les deux, je pense à Ulysse pour l'Irlandais, un dessein autobiographique. Mais, pour dire les choses rapidement, Joyce transpose, alors que Céline fantasme. Il aimait utiliser le terme de « féeries » pour certaines de ses morceaux littéraires. En fait, il modifie les absides et les coordonnées du roman « classique », surtout dans Mort à crédit où se trouvent les plus belles promenades « surréalistes » dans Paris. Céline est un auteur d'avant-garde qui ne se voit pas comme tel : il se voit comme un conteur populaire, qui se raconte tout en racontant la France et le monde qui l'entoure. Dans ce livre brillant, Godard nous montre par quels moyens l'écrivain sulfureux finit par trouver les outils pour « parler » autrement de ce qu'il a vu et ce de qu'il voit d'une manière qui rompt avec tout le passé romanesque. Sans doute, le caractère souvent pesant de ses analyses, ses lenteurs, peuvent décourager. Mais ce qui importe c'est qu'il a su mettre en évidence ce qui constitue tous les registres de l'artiste Céline, qui demeure un mystère. Génial dans le Voyage au bout de la nuit et, plus tard dans D'un château l'autre ou dans Nord, après la parenthèse déplorable des pamphlets entre autres antisémites, où il écrit aussi mal que son infâme modèle, Edouard Drumont. Avant Bagatelles pour un massacre (1936), pas d'antisémitisme et après les Beaux draps (1941), plus d'antisémitisme, et le génie est revenu. Homme assez médiocre dans la vie, il n'en fut pas moins, avec Proust, l'un des inventeurs de la littérature française du XXe siècle, exception faite de ces six années où il se perd dans d'abjectes vociférations.




Les Désarçonnés, Pascal Quignard, « Folio », 352 p., 7,40 euro.

Si le volume est divisé en chapitres, ce n'est pas un roman, loin s'en faut. C'est un livre de méditation, décousu en apparence, mais à dessein, car il possède sa logique interne. Si l'on veut, il s'agirait d'un soliloque sur le renversement (qui peut être ou une chute, ou un transport), sur toutes les formes concevables (ou inconcevables) de voir le corps abandonner l'âme. C'est ainsi qu'on est véhiculé du père de George Sand à la princesse de Clèves en passant par une foule de figures historiques ou légendaires. Mais loin de lui l'idée de passer en revue les personnages célèbres qui ont passé de vie à trépas en tombant de cheval, comme Géricault ou Umberto Boccioni, sans parler de ceux à qui l'on a attribué ce genre de mésaventure, sans mourir, pour rendre le tableau plus frappant, comme Paul de Tarse sur la route de Damas ! L'auteur s'en est expliqué quand le livre a paru en 2012 : « Dans les Désarçonnés j'évoque ceux qui tombent et se relèvent. » En termes modernes, il veut parler de la dépression nerveuse : « Pour toute renaissance il faut repasser par la naissance. [...] Il faut recommencer la mue souche, l'extrême défaillance musculaire, la désorientation totale, la dépendance infinie, la nudité, le silence, la faim, la mort qui hante, l'effroi natal. » Mais il veut également parler du silence qui est peut-être la seule réponse aux manigances du pouvoir, de n'importe quel pouvoir. C'est le genre de livre qu'on ne doit pas lire d'une seule traite, mais consulter de temps à autres, comme les Essais de Montaigne.




Rencontres et visites, Bohumil Hrabal, traduit su tchèque par Claude Ancelot, préface de Petr Kràl, « Pavillons poche », Robert Laffont, 262 p., 8,90 euro.

Bohumil Hrabal (1914-1997) est le plus grand des écrivains tchèques de l'après-guerre. Il fait figure d'exception dans une littérature pourtant très riche, de Capek à Nezval, de Hasek à Klima, pour ne citer que les auteurs écrivant dans cette langue. Il n'entretien aucun rapport si ce n'est avec le surréalisme des années trente. En effet, comme le montrent ses premiers textes remontant à 1947, c'est plus le jeu des mots des phrases démantibulées, des confusions entre le réel et le rêve qui priment. Par la suite, il va créer des canevas plus limpides, mais en tirant le meilleur parti possible de ses recherches antérieures. En sorte que cet ouvrage (qui est en réalité une anthologie) nous fait voir comment se sont forgés les instruments si particuliers de la littérature de Hrabal : une écriture où il associe l'ellipse, qui accentue la rapidité de ses histoires, le changement de tempo, l'enchevêtrement des discours et des destins, et puis une narration débridée, comme les voix mêlés de buveurs à la taverne, dont on ne perd jamais le fil, mais dont on est sans cesse surpris à cause ses ramifications complexes et ludiques. La nouvelle baptisée « Rencontres et visites » semble être le texte le plus exemplaire de sa formation de prosateur. C'est la porte ouverte à de grandes oeuvres, comme les Noces dans la maison, J'ai servi le roi d'Angleterre ou Une trop bruyante solitude. En tous cas, tous ces récits prouvent qu'il fait partie de ces grands inventeurs du langage, qui ont su maltraiter le roman, genre pourtant en révolution permanente, pour lui donner d'autres dimensions, plus en phase avec notre temps.




L'Homme précaire et la littérature, André Malraux, « Folio essais », 512 p., 8,90 euro.

A la fin de son existence, éloigné désormais des affaires publiques, André Malraux s'est lancé dans une aventure littéraire considérable, presque titanesque : écrire une histoire de la littérature. L'entreprise était si considérable qu'elle ne pourra être diffusée en librairie que quatre mois après sa mort en 1977. Et encore, cette version n'était pas définitive. La maladie lui avait montré les limites physiques et morales de son ambition. A la différence de ce qu'il avait fait pour le Musée imaginaire, il a dû en partie relativiser l'universalité de son propos sa « Bibliothèque idéale » : son monument est surtout français. On ne peut pas envisager ce livre comme une histoire, mais comme un regard aigu sur celle-ci. Il rappelle au début qu'il avait eu le projet en 1928 de produire un Tableau de la littérature française. Il l'a abandonné pour le reprendre bien des décennies plus tard en l'élargissant. Il définit des phases diverses à l'évolution de l'humanité dans sa quête littéraire. Le Moyen Age selon lui, est dominé par la quête de « l'imaginaire de vérité », qui est celui du temps sacré. Ce monde est englouti par la Réforme, par Montaigne et Shakespeare. La Renaissance se caractériserait par l'apparition de l'humaniste qui a confiance dans le futur qui s'offre à lui. La suite de sa construction est plus chaotique car, avec le succès de « l'imaginaire de l'écrit », c'est-à-dire l'invention du roman moderne, il doit orner son arbre maître de plusieurs branches annexes. Il voit par exemple en Dostoïevski le précurseurs de ce qu'il appelle les « professions délirantes », dont Joyce est le meilleur représentant dans la première moitié du XXe siècle. Ce grand livre est plein d'intuition, de chemins à suivre, de cap à calculer pour aller plus loin dans la connaissance. Sans doute échoue-t-il parfois, comme dans le cas du dictionnaire, qu'il ne parvient pas à caler dans sa chronologie fantasque. Mais il n'en reste pas moins vrai qu'une telle pensée est faite pour tenter de comprendre ce à quoi sert la littérature dans notre civilisation.
Gérard-Georges Lemaire
15-05-2014
 
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