Dossier Bruno Macé
L'art dans la ville, pour une autre approche

par Bruno Macé

mis en ligne le 14/01/2011
Cette « clientèle », dont le développement est intimement lié à l’apparition d’une nouvelle oligarchie issue du commerce et de l’industrie, reprend ainsi à son compte un des attributs visibles du pouvoir : l’Art (on assiste aujourd’hui à un phénomène similaire avec la montée en puissance sur le marché de l’art des nouveaux millionnaires russes, chinois et asiatiques). Un art qui ne s’adresse plus aux foules mais s’expose dans des circuits plus spécialisés que sont les salons puis, bientôt, les galeries. Cette évolution alimente , et s’alimente, d’un changement de statut des artistes, de moins en moins lié à l’institution.
Dans la foulée, à la lumière de cette nouvelle donne, on assiste, petit-à-petit à une relecture totale de l’histoire de l’art et des oeuvres du passé. L’idée centrale en est que l’oeuvre artistique est d’abord un objet, qui, par sa nature même, se soustrairait à toutes les contingences liées à sa genèse.
Cet angle d’attaque, qui atteindra un de ses sommets avec André Malraux, n’est pas, malgré sa richesse et son intérêt, sans poser de problèmes lorsqu'il s'agit de le transposer à l'espace public.
Il va, d’une part, installer dans l’esprit d’un public néophyte une contre-vérité historique quant à la destination des oeuvres du passé et, par là même, faire le lit de ce que j’appellerais « la culture de l’esthétisme et de l’objet autonome ». A noter que cette approche est propre à l’occident qui étend de plus en plus sa vision esthétisante sur le monde, trop souvent au détriment du contenu.
Il va, d’autre part, brouiller définitivement les cartes entre art public et ce qu’il est convenu d’appeler art muséal. La récente bataille, entre le Musée de l’Homme et le Musée des Arts Premiers du quai Branly, pour la possession des oeuvres dites primitives, montre bien les deux extrêmes d’une lecture de l’art qui gagnerait, au niveau muséal, à permettre les deux approches.

Un mythe est né: celui de l’oeuvre absolue, indépendante de tout contexte avec, à la clé, le statut de démiurge pour l’artiste.
Soulignons que si cette lecture de l’oeuvre comme instrument, pour le spectateur, d’un parcours individuel, «go-between», comme disent les Anglais, entre soi et soi-même, est d’une richesse indéniable, et permet aux « amateurs » de se construire, on sait que ce type de parcours n’est effectué que par ceux à qui la possibilité en est offerte et qui, de plus, en ont le désir.
Pour accroître la confusion des genres, l’espace public est souvent, de nos jours, réduit à un livre ouvert de l’architecture, auquel les artistes ont de tous temps participé. Dans un premier temps assez naturellement puisque les artistes étaient architectes, et vice versa (Michel-Ange est le paradigme de cette situation) , puis, lorsque les deux professions se sont lentement distinguées, par un travail d’ornementation, intérieur et extérieur, des bâtiments.

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