Dossier Bruno Macé
L'art dans la ville, pour une autre approche

par Bruno Macé

mis en ligne le 14/01/2011
Même si les architectes dès le début du XX ème siècle ont réduit ces interventions à leurs portions congrues, il en subsiste l’idée, extrêmement restrictive, que la participation de l’artiste à l’espace public se résume à une collaboration avec l’architecte et un dialogue avec l’architecture.

Revenons à ce qui fut, la vaste « parenthèse muséale » mise à part, la donnée centrale de l’art, des peintures rupestres aux colonnes de Buren: son rapport, sa participation, à l’espace public. L’espace public est celui de la rencontre, voire de la confrontation. Le principal lieu où se tisse du lien entre espace individuel ( physique et mental ) et espace collectif, le lieu de la mise «faceface » des utopies individuelles et des utopies collectives, l'opposé même de l'espace privé qui lui est souvent constitué de miroirs ne réfléchissant que son propre égo.
Y favoriser l’implantation d’oeuvres contemporaines conçues comme autonomes où l'artiste d'un Palais de Justice à un hôpital, en passant par un Lycée, décline sa problématique personnelle en lui donnant, plus ou moins, un vernis In Situ, relève donc du malentendu . Le résultat, souligné en son temps par Robert Musil, est la multiplication des monuments invisibles qui ne parlent qu’à ceux qui les interrogent déjà, c’est-à-dire une petite minorité de la population. Quant à croire qu’il suffit de parsemer la ville d’oeuvres muséales pour créer une appétence auprès d'un nouveau public, je vous renvoie aux études régulières du Ministère de la Culture sur les consommations culturelles des Français qui prouvent le contraire. De plus, cette pratique ne peut conduire qu’à une saturation d’un espace public déjà envahi "d’objets signalisant ", de la sucette Decaux aux panneaux routiers, sans oublier les bornes d’informations historiques !

Alors que faire dans l’espace public? Remettre les artistes au service du pouvoir religieux ou politique pour célébrer les valeurs dominantes? A l’évidence non! L’histoire ne ressert jamais deux fois les mêmes plats sans leur donner un goût amer. La liberté acquise grâce à l’apparition de ce «marché privé» doit, au contraire, ouvrir de nouvelles perspectives qui correspondent au contexte actuel. Ceci doit se faire en évitant les deux ornières que sont, d’une part, le regard esthétisant de l’occident sur tout ce qu’il touche, transformant le monde en un paquebot de luxe à la dérive, revue façon Samaritaine de l’esthétisme, et, d’autre part, le fonctionnalisme, l’utilitarisme, transformant l’artiste en designer du quotidien.
Il faut donner aux artistes qui manifestent le désir d’intervenir dans l’espace public le rôle qu’ils peuvent tenir : celui de passeur, celui de tisseur de lien ; là, entre espace collectif et espace individuel. On sait pertinemment que c’est de cela, qu’aujourd’hui, la ville souffre; cette impossibilité pour beaucoup de trouver un lien, un point d’adhérence, entre leur problématique personnelle et l’espace de la ville.
Ce travail suppose une désacralisation de l’acte artistique; il ne s’agit plus de faire «Oeuvre autonome» mais d’intervenir.

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