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[verso-hebdo]
28-03-2019
La chronique
de Pierre Corcos
Magie et légèreté
Dans les spectacles où la magie prend toute sa place, se multiplient les disparitions et réapparitions au grand plaisir du spectateur. Mais d'où vient ce plaisir ? La disparition est potentiellement anxiogène, la réapparition est bien entendu rassérénante... Dans Au-delà du principe de plaisir (1920), Freud observe, à partir du jeu de la bobine observé chez Ernst, son petit-fils d'un an et demi, que l'enfant fait disparaître la bobine attachée par une ficelle et dit « pas là ! », puis la ramène à lui en s'écriant « là ! ». Et inlassablement, il répète le même jeu qui, selon Freud, symbolise l'alternance d'absence et de présence de la mère. L'enfant serait contraint par la « compulsion de répétition » de maîtriser symboliquement ce traumatisme... La magie (blanche) joue avec les inquiétudes sourdes du spectateur. Elle les allège. Deux spectacles parisiens tirent l'essentiel de leur charme d'une esthétique de la légèreté, que la magie d'une mise en scène ou d'une prestidigitation revisitée a su mettre en mouvement.

Ah, si Charlie Chaplin pouvait voir comment, une quarantaine d'années après sa mort, sa fille, Victoria Thierrée Chaplin, avait prolongé, amplifié, poétisé son génie burlesque de la pantomime, de la gestuelle, en de magnifiques spectacles comme Murmures des Murs ou Le Cirque Invisible ou encore ce tout dernier Bells and Spells ! Et comment sa petite-fille, Aurélia Thierrée, interprète avec grâce ce féerique Bells and Spells (créé en Juillet 2018 au Festival de Spoleto, et se jouant jusqu'au 12 mai au Théâtre de l'Atelier), qui tient de la magie ou du rêve ! Comme il serait heureux de retrouver sur les planches des théâtres la poésie du cinéma muet, que le parlant a précipité aux oubliettes !... Pendant une heure et dix minutes, nous nous laissons enchanter par l'histoire rocambolesque d'une jeune kleptomane - plus passionnée de disparitions que carencée en affection - et de son fervent admirateur (son compagnon de scène, Jaime Martinez), qui enchaînent les tableaux surréalistes ou en trompe-l'oeil, entament de romantiques pas de danse (chorégraphie élégante d'Armando Santin), « dans un monde où l'imaginaire côtoie l'invraisemblable au sein duquel les objets dérobés se dérobent à leur tour générant un gigantesque tournis cosmique », comme il est dit dans la note d'intention. Dans ce type de spectacle, les décors, les costumes, les éclairages, et le rythme de leur enchaînement jouent bien sûr un grand rôle, puisqu'il s'agit, tout comme dans les rêves, d'une succession envoûtante d'apparitions et disparitions. Aurélia Thierrée, Jaime Martinez et quelques comparses jouent avec tous ces éléments matériels comme s'ils étaient d'autres acteurs du spectacle. Le mime, la danse et la musique ont jeté le discours et la logique par-dessus bord, et donc allégé considérablement la montgolfière onirique. Les objets les plus anodins, comme les portemanteaux ou les portes tournantes, se chargent de mystère. Et subrepticement de vieilles peurs enfantines se réveillent : qu'y a-t-il derrière le rideau ? Ou derrière le mur ?... Dans Bells and Spells, un univers étrange, non plus aplati par la rationalité mais creusé par la magie, a réveillé en chaque spectateur le sens du fantastique, mais également du merveilleux. Et, comme dans cet univers tout se transforme et bouge, comme les êtres, les choses y perdent leur consistance, ce même spectateur, qui fut enchanté, a l'impression en sortant du théâtre de peser une tonne de prosaïque.

Au théâtre du Petit Montparnasse, et dans une mise en scène (ou mise en espace) de Christophe Lidon, le « magic psy show » (sic) Le sourire du chat d'Elisabeth Amato est à la fois un vif questionnement sur la magie, une illustration pédagogique de ce questionnement, et enfin un spectacle visant à une esthétique de la légèreté... Seule en scène, devant un écran circulaire et à côté d'une petit meuble, Elizabeth Amato s'interroge et interroge les spectateurs sur les tours que nous fait l'illusion (du latin illusio, de illudere, « se jouer, se moquer de »), et amorce en même temps des numéros de prestidigitation, puis de divination qui semblent viser plus à nous enchanter, nous émerveiller, qu'à nous impressionner par de nouvelles performances. En effet, le principal intérêt et la véritable originalité du spectacle ne résident guère dans ses numéros, classiques et que l'on retrouvera souvent ailleurs, mais dans ce supplément poétique, imaginaire qui mobilise les nuages, le papillon, les bulles, un envol (d'avion) pour exprimer cette élégance légère qui peut émaner de la magie. Le sourire du chat d'Elisabeth Amato témoigne également d'une revendication féminine justifiée dans un monde majoritairement masculin, et se traduisant par une autre façon d'aborder les différentes figures de la magie. N'irait-elle pas jusqu'à penser que là où surgit le féminin, la magie affleure ? On comprend vite qu'étant apparue sur le tard dans la profession et le milieu, comme elle le confesse, Elisabeth Amato apprend toujours, au sens intransitif et transitif du verbe, qu'elle est venue sur la scène avec un bagage inhabituel en psychologie, enfin qu'elle entend apporter quelques profondeurs de sens à ce type de spectacles, lourdement banalisé par le cirque et le music-hall traditionnels... Trop de discours et de contributions des spectateurs, regretteront certains. Sans doute, mais quelle tentative rafraîchissante d'alléger, par un surcroît d'intelligence, la magie blanche de ses nombreuses conventions !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
28-03-2019
 
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Verso n°136

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