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[verso-hebdo]
28-03-2019
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Franz Marc, August Macke, l'aventure du Cavalier bleu, sous la direction de Cécile Debray & Sarah Imatte, musée de l'Orangerie / éditions Hazan, 192 p., 39, 95 euro.

Que peuvent avoir en commun August Macke (1887-1914) et Franz Marc (1880-1916) en dehors du fait qu'ils appartenaient à une même génération ? Ils sont devenus amis au début des années dix et ont tous les deus fait partie du groupe du Blaue Reiter - Le Cavalier Bleu - à Munich. Ils ont eu aussi des pratiques picturales non pas similaires, mais relativement proches. Et d'ailleurs, l'exposition est centrée sur cette période précise de ce groupe d'artistes qui a permis de réunir Kandinsky, Klee, Gabriele Münter et Alfred Kubin. Cela étant dit, étant donné que les deux peintres sont morts sur le front de l'Ouest, le premier quatre jours après le début des hostilités et le second ayant été tué près de Verdun le 4 mars 1916, il est évident que l'exposition embrasse une période un peu plus large, ce qui permet au visiteur de comprendre leur rapide évolution esthétique. La confrontation est passionnante, d'autant plus passionnante que les occasions de contempler leurs oeuvres est plutôt rare à Paris. Je commencerai par évoquer August Macke. Né en Rhénanie il a passé l'essentiel de sa jeunesse à Cologne. La passion de la peinture lui est venue très tôt. Tour en suivant les cours du soir de l'école des Arts décoratifs, il s'inscrit à l'Académie des Beaux-arts en 1904 de Düsseldorf. Il la quitte deux ans plus tard, très déçu par son enseignement . Il fait plusieurs voyages à Paris en 1907 : il découvre l'impressionnisme et aussi Manet, Degas, Toulouse-Lautrec, Pissarro. A son retour à Bonn, où il demeure désormais, il décide e se rendre à Berlin et entre un temps dans l'atelier de Louis Corinth. Après son service militaire, il se marie et, après un voyage de noce à Paris, séjourne à Tegernsee où il peint environ deux cents tableaux. C'est en 1909 qu'il est conquis par la nouveauté de l'art de Paul Cézanne, comme le montre Le portait aux pommes, qui est un véritable hommage au peintre français, ainsi que des natures mortes. Il n'a pas encore trouvé sa voie, mais il met déjà en place les instruments formels qui vont bientôt lui permettre d'accomplir sa révolution esthétique. Si cette influence est encore perceptible dans Torrent de forêt (1910), on constate qu'il s'en détache par le travail de la couleur, qui est beaucoup libre et arbitraire. Par la suite, sa peinture est plus expressionniste, surtout quand il commence sa brève collaboration avec Le Cavalier Bleu. Le voyage en Orient a joué aussi son rôle, comme le prouve son superbe Café turc (1913). La Promenade en forêt, de la même année, montre que désormais il a franchi le cap le plus important de sa vie d'artiste : c'est une merveille ; dommage que tout a été brisé par la guerre car Macke avait toutes les dispositions pour nous donner une oeuvre importante. Venons en maintenant à Franz mark dont l'existe a été elle aussi brisée bien trop tôt (en plus, il est mort, frappé d'une balle dans le front, un mois avant d'en être retiré). Il n'a pas eu trop de mal à convaincre sa famille à se consacrer à l'art car son père était peintre. Il fait ses études à l'Académie des Beaux-arts de Munich, sa ville natale. Mais il ne tarde pas à s'y sentir à l'étroit. Il se marie en 1907 et se rend à Paris où il découvre Gauguin et Van Gogh. Il se lie d'amitié avec August Macke deux ans plus tard et commence à découvrir le monde de l'art. C'est en 1911 qu'il rencontre Kandinsky avec lequel il fonde Le Cavalier Bleu. Il avait déjà accompli un grand chemin vers un art émancipé des conventions, comme le montre ici l'étude de 1908, qui présente une forêt, où il travaille quasiment dans une optique qui est presque celle du monochrome. Sa palette est libre et certains de ses tableaux dévoilent une affinité avec Munch. Peu après, c'est la construction de ses compositions qui devient anguleuse et plus arbitraire, s'éloignant ainsi de ses repères réalistes. En 1912, il peint La Cascade d'hommes, qui est d'une audace plastique très saisissante. Je dois toutefois revenir en arrière d'une année pour dire deux mots de sa collaboration avec Kandinsky pour la réalisation de l'Almanach du Blaue Reiter, qui met en avant leur intérêt commun pour les arts populaire, la tradition slave, les icônes, etc. c'est un manifeste, bien sûr, mais engageant à une grande diversité d'expérience. Leur objectif n'est pas de créer une école, mais un élan. Marc aime également s'exprimer dans la sphère de la gravure, où il excelle et beaucoup dans le dessin. Il n'a de laisse de repousser les frontières de la peinture, comme le prouve son Moulin ensorcelé (1913). Il a une prédilection pour les animaux et je regrette de ne pas voir sur les cimaises de l'orangerie sa magnifique Frise d'ânes, conservée dans son museau en Bavière, ni le fameux Cheval gris. Mais je ne boude pas mon plaisir : l'exposition mérite vraiment le déplacement et le catalogue est un document remarquable pour mieux se familiariser avec ces grands hommes de la peinture, avec des essais à la fois très bien documentés et tout à fait lisibles.




Derniers impressionnistes, le temps de l'intimité, Yann Farinaux-Le Sidaner, Palais Lumière, ville d'Evian / Editions Monelle-Hayot, 352 p., 39, 90 euro.

Le titre de l'exposition du Palais Lumière d'Evian est sans doute un peu forcé. Il correspond plus au besoin d'attirer du public qu'à rendre compte de ce que l'exposition contient véritablement. Ce qu'il faut retenir est surtout le fait que sont réunis des oeuvres d'artistes ayant travaillé à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, qui n'ont pas choisi d'être la queue de la comète de l'impressionnisme, tout en lui empruntant telle ou telle manière de poser la couleur ou de placer les touches. Ce ne sont en aucun cas les derniers impressionnistes, sauf peut-être l'un d'eux. Mais peu importe. Ce qui est intéressant dans cet événement, c'est que la plupart des peintres présentés sont inconnus du grand public, et il n'y a que quelques uns qui soient familiers des historiens d'art : seuls des spécialistes de ces créateurs qui ont eu une certaine renommée à leur époque ont une réelle connaissance des autres. La cohérence du choix ce peintre est lié à un événement qui a eu son importance : la création d'un nouveau Salon (les deux autres étant jugés trop rétrogrades) sous l'égide de la Société nouvelle de peinture et de sculpture qui pour la première fois ses portes en 1900 au sein de la galerie Georges Petit. Tous ces artistes ne pouvaient plus supporter l'esprit réactionnaire du Salon des artistes français (fondé en 1881) et de celui de la société nationale (créé en 1890) la Je commencerai par parler des figures qui ont une relative renommée encore de nos jours. Henri-Eugène Le Sidaner (1862-1939) est de tous, à mon goût le plus attachant. C'est aussi celui qu'on a commencé à réhabiliter depuis quelque temps, et à juste titre. Originaire de Dunkerque, fils de marin, il es entré à l'école des Beaux-arts de paris et a été l'élève du très académique Alexandre Cabanel. Il a pu exposer pour la première fois au Salon des artistes français en 1887. Quatre plus tard il obtient une médaille et une bourse de voyage en 1891, ce qui lui permet de voyager en Hollande. Quand il s'installe à Paris à son retour, il se lie d'amitié avec des poètes symbolistes, comme Georges Rodenbach et Emile Verhaeren, et fréquente le musicien Gabriel Fauré. C'est en 1895 qu'il a l'opportunité d'exposer un choix d'oeuvres à la galerie Georges Petit, surtout des paysages au crépuscule. A cette époque, il détruit la majeure partie de sa production. Quoi qu'il sa soit, sa première exposition personnelle a lieu en 1897 à la galerie Mancini et a du succès. Puis, un an plus tard, il est invité à participer à prendre part à la manifestation de La Libre Esthétique à Bruxelles. Il fait désormais des jeunes talents du symbolisme. Marcel Proust le remarque et, dans A la recherche du temps perdu, le compare à Elstir. Il décide alors de peintre des scènes d'intérieur, des jardins (sans doute ses plus belles compositions, son propre jardin à Gerberoy étant son sujet de prédilection), des paysages qui paraissent toujours contenir un secret. Dans les salles du Palais Lumière on peut voir certaines vues de Paris dont La Rue royale au crépuscule (1905), où l'on constate que son penchant pour le symboliste s'accompagne d'une manière de peindre où l'héritage des impressionnistes est pris en compte, mais avec un retenue évidente. Le Toulousain Henri Martin (1860-1943), élève de Jean-Paul Laurens quand il vient à Paris, il s'est tourné lui aussi vers le symbolisme, mais en conservant quelque chose de la technique impressionniste et postimpressionniste. C'est sa capacité à maîtriser cette curieuse mais efficace synthèse qui le rend assez connu et qui lui apporte de très nombreuses commandes publiques, comme le Capitole dans sa ville natale, la Sorbonne, le Conseil d'Etat, le palais de l'Elysée et plus tard la mairie du Ve arrondissement de Paris. Il a su allier poésie et réalisme, représentant souvent le monde du travail, dans les champs ou dans les cités industrielles. Sa capacité à séduire en se tenant en équilibre entre modernisme et un réalisme tout de même bien assumé fait le peintre qui prendra la place dans les commandes publiques de Puvis de Chavannes. Parmi les créateurs qui ont conservé une relative notoriété, il faut aussi souligner la présence d'Eugène Carrière (1849-1906), l'aîné de tous, graveur de grand talent, ami de Rodin et de Bourdelle, qui a fondé une académie en 1 890. Il a beaucoup privilégié les clairs-obscurs et s'est illustré dans l'art du portrait. A ne pas oublier : la présence de Jacques-Emile Blanche peintre mondain, portraitiste célèbre, et observateur passionné de l'art de son temps. Le commissaire de l'exposition a voulu aussi nous procurer un second fil rouge : celui de la « Bande noire». Il s'agissait d'un groupe d'amis exposant encore au Salon de la Société nationale, on décidé de former un groupe non autour d'une conception précise de la peinture, mais d'un désir d'échapper aux sirènes de l'académisme dominant. Ils sont tous tombés dans l'oubli. Ainsi, l'on peut redécouvrir les travaux de Charles Cottet, d'André Dauchez, de George Desvallières, de Lucien Simon, d'Emile-René Mesnard. Aucun de ces derniers n'ont d'accointance véritable avec l'impressionnisme et pourrait être plutôt rapproché (de loin) de l'école anglaise de Camden Town, qui se revendiquait de Manet. Ils puisent aussi bien dans un répertoire de caractère que dans le registre du symbolisme, avec prudence. En somme, cette exposition nous fait découvrir toute une époque, que nous connaissons assez mal parce que les grands courants d'avant-garde font leur apparition dès la première décennie du XXe siècle. Voilà donc une belle opportunité de voir la Belle Epoque sous un nouvel éclairage.




L'Orient des peintres, du rêve à la lumière, Editions Hazan / musée Marmottan, Paris, 192 p., 29 euro.

Je dois confesser que je ne suis pas parvenu à comprendre la logique présidant à ce catalogue. Prenons les premières pages : nous débutons par Les Femmes d'Alger d'Eugène Delacroix qui sont issues de son séjour au Maroc et puis en Algérie et d'autres dessins annexes -, pourquoi pas ? Je pense que si l'on veut parler sérieusement d'orientalisme, il est indispensable de remonter au XVIIIe siècle, avec Liotard, les fantaisies des Guardi et aussi les mystérieux personnages qui hantent les peintures de Giambattista Tiepolo (même dans des scènes antiques !) et aussi d'évoquer la Renaissance, avec les Orientaux qui déambulent dans Venise dans plusieurs tableaux fort connus. Nous passons ensuite à Emile Bernard, puis à un triptyque d'Henri Matisse. Après la reproduction d'un Sahara et Une femme allant puiser de l'eau de Guillaumet, nous trouvons la magnifique Grande odalisque d'Ingres, copiée par Jules Flandrin en 1903 ! Il y a vraiment de quoi perdre son latin ! La seconde partie revient sur Ingres avec les études préparatoires de son Bain turc (Ingres n'est jamais allé en Orient, mais a consacré une grande partie de sa vie à élaborer ce tableau qu'il a achevé en 1862, à l'âge de quatre-vingt-deux ans !). Ensuite on retourne à Delacroix, avec une composition de jeunesse, La Mort de Sardanapale (une ébauche peinte achevée vers 1827, sujet antique, qui se déroule dans une région orientale, mais qu'on ne peut classer dans la catégorie de l'orientalisme). Viennent maintenant Théodore Chassériau et puis La Juive de Tanger de Charles Zacharie qui date de 1866. Après arrivent les érotiques divagations qui ont valu à Gérôme tant de succès ! L'admirable Esclave blanche (1888) exécutée par Jules-Jean-Antoine Lecomte de Nouÿ, rare réussite dans cet Orient de pacotille. Une autre belle curiosité à souligner : la présence d'une belle toile d'Osman Hamdi Bey, le fondateur de l'Académie des Beaux-arts à Istanbul : Le Mirhab (vers 1903). Ce peintre a su joué de cette mode qui sévissait en Europe : il peignait deux versions de taille différente du même sujet, l'une pour l'envoyer au Salon, l'autre pour l'Empire ottoman. Le même désordre règne dans la suite de ce catalogue irraisonné : un Marquet de 1945 est précédé par La Toilette de Bazille (1870). Eugène Fromentin ne fait son apparition que plus tard! Et n'allez pas m'en demander la raison ! La logique de cette présentation qui n'est ni chronologique, ni thématique à de quoi déconcerter. A la fin, on trouve les travaux de Renoir, un Claude Monet, qui représente les environs de Bordighera (qui se trouve en Ligurie ! Il y a aussi Les Îles d'Or, au large d'Hyères-les-Palmiers, peintes par Cross - une superbe toile mais qui n'a à voir avec la question). ), et je n'ose rien dire de Van Gogh, qui n'est pas allé plus loin qu'Arles et qui ne s'est jamais intéressé à ce genre. On peut certes comprendre ce que Vassili Kandinsky, Paul Klee, Matisse, son ami Camoin on peut trouver en Afrique du Nord. Masi il n'y a rien de Franz Marc ou d'August Macke - dommage. A noter toutefois deux découvertes pour moi : La Vue de Meknès de Théo Van Rysselberghe (1887-1888). Bref, point n'est besoin d'épiloguer. L'éditeur a su tirer son épingle du jeu en parvenant à mettre en page un bel ouvrage, mais l'exposition, elle, se rapproche de l'aberration.




Lundi, Pierre Bergounioux, Galilée, 54 p., 11 euro.

Dans mon enfance, le lundi avait une saveur particulière. C'était un jour malheureux car, après la trêve de la fin de semaine, il fallait retourner au lycée. Je ne me réveillais jamais seul et ma mère devait faire des efforts pour me sortir des bras de Morphée. C'était aussi un jour particulier parce qu'on mangeait rituellement des restes de poulet froid, ou des abats dudit volatile, du coeur aux carottes, et souvent de la viande de cheval. Pierre Bergougnoux nous fait le récit de ses lundis, jours qu'il n'appréciait guère. Mais, au lieu de le raconter de manière linéaire, il trace des cercles incomplets formant des spirales. L'atmosphère, les odeurs, les impressions particulières liées à ce jour tellement honni sont souvent pour lui sujet de tristesse. A travers ces souvenirs qui reviennent à la surface, apparaissent ses parents, la rue à l'époque, ses cours de piano, son père qui va pêcher et mille détails de ce quotidien de l'enfance ; dis de cette façon, cela semble être des réminiscences de ce temps perdu où il allait au collège. En réalité c'est un très beau texte, écrit avec beaucoup de finesse, un style ciselé, mais en rien maniériste, C'est là, en somme, un tour de magie scripturale qui transforme les choses les plus banales de cette vie souvent morne en une reconstruction d'un univers qui dévoile toute sa richesse et sa singularité par l 'agencement et le choix des mots, le rythme des phrases, l'enchaînement des événements décrits. C'est là un beau moment d'écriture, qui nous fait regretter que l'auteur n'ait pas été plus loin dans son histoire ; mais, en fait, c'est très bien ainsi : on goûte ces minutes passer à découvrir toutes ces sensations et toutes ces images qui sont demeurées inscrites dans sa mémoire et qu'il a su restituer avec un art consommé de l'écriture. Une petite pépite, comme on a parfois l'habitude de dire.




Traité des catégories et de la signification chez Duns Scot, Martin Heidegger, traduit de l'allemand et présenté par Florent Gaboriau, « Tel», Gallimard, 256 p., 12 euro.

La très sérieuse préface nous apprend qu'il s'agit là de la thèse d'habilitation soutenue par Martin Heidegger qu'il a soutenu en 1915 (il avait pour directeur Heinrich Rickert) qui lui permet de commencer sa carrière universitaire comme chargé de cours. Mais ce le préfacier ne nous explique pas, et rend la compréhension de cette étude assez difficile pour les non initiés que nous sommes, qui a été Jean Duns Scot (vers 1266-1308) et quelle furent ses idées. Surnommé le Doctor subtililitis, ce théologien écossais était un franciscain qui a une grande influence en son temps. Il s'est opposé à la philosophie de saint Thomas qui préconisait l'analogie de l'être : il prônait l'univocité de l'être - pour lui, l'étant s'applique à tout, même à Dieu, la seule différence tenant dans le fait que Dieu est infini. Il a fait école et on a pu parler de philosophie scotiste. Déjà ces brèves indications peuvent nous indiquer en quoi ce philosophe médiéval a pu intéresser Heidegger. Heureusement, dans son introduction, le jeune philosophe est un peu plus explicite. Il souligne que l'étude de l'histoire delà philosophie doit amener à se poser la question de l'être - qui se pose d'abord comme relation entre l'homme et Dieu. Il prend pour exemple l'étude des thèses d'Aristote telles qu'elles sont commentées par la scolastique. Sa vision de cette philosophie encore mal connue en son temps est remarquable, d'autant plus qu'il est convaincu que les problèmes philosophiques se répètent en se proposant en d'autres termes. Son propos est dans cet ouvrage de décrypter et d'analyser les principaux concepts avancés par Duns Scot, il conclue que ce dernier a ouvert une perspective sur la structure métaphysique fondamentale « dans laquelle l'unicité, l'individualité des actes se trouve comprise dans une vivante unité avec la validité universelle et la consistance en soi du sens. » En somme ce livre n'intéresse pas seulement ceux qui éprouve le besoin de connaître les fondements de la pensée d'Heidegger, mais aussi de mieux comprendre les enjeux de cette philosophie qui, à l'époque de Dunns Scott, s'est retrouvé à un tournant décisif avec une claire volonté de remettre en cause les conceptions d'Aristote. A condition bien sûr de pouvoir la replacer dans un contexte qui la dépasse. C'est un travail passionnant, mais réservé aux seuls spécialistes.




Voyage d'Italie, Sade, préface et édition de Michel Delon, Flammarion, 200 p., 22 euro.

Voici une remarquable réédition du récit du voyage que D. A. F. de Sade (1740-1814) a entrepris en Italie à partir de juillet 1775. Il ne s'agissait pas pour lui d'un simple voyage d'agrément, mais d'une fuite après une plainte déposée à Lyon pour l'enlèvement de plusieurs jeunes filles. Il se fait dès lors appeler comte de Mazan. Ce séjour a été relativement long. Il ne rentre en France qu'en août 1776. Mais les ennuis ne font qu'empirer et il est arrêté à Paris en février 1777 et une lettre de cachet l'envoie au donjon de Vincennes. A partir de cette date, il devient un prisonnier sous tous les régimes qui se succèdent jusqu'à la fin de l'Empire ! Cet ouvrage sur ce qu'il a pu découvrir dans la péninsule italienne n'a jamais été terminé et donc jamais publié dans une forme définitive ; mais la qualité littéraires de ses pages a au moins deux vertus : nous montrer ce que Sade a pu et su apprécier de ces villes qu'il a découvertes, mais aussi qu'il a une très belle plume. C'est un écrivain de valeur, ce qui a été masqué par les outrances de ses ouvrages les plus célèbres ou une tendance parfois à une sorte de graphomanie aigue. La préface de Michel Delon est remarquable pour sa limpidité et sa capacité de résumer à merveille les événements qui ont conduit le divin marquis à franchir les Alpes. Les descriptions qu'il fait de Florence (c'est le début de son manuscrit) sont assez belles, rédigées dans une belle langue, et ce qu'il dit de la chapelle des Médicis, du musée des Offices, de la nature des spectacles qu'on y donne et surtout la peinture des moeurs qui y ont cours, sont de beaux morceaux d'écriture, un peu succincts (par définition) sans doute, mais dénotent d'un véritable talent. Et nous pouvons faire le même constat quand il nous fait visiter le Colisée de Rome (malheureusement, il n'en dira pas plus long sur la Cité éternelle) ou nous fait découvrir les coutumes de Naples. Dommage qu'il n'ait plus développer ce livre qui reste à l'état d'ébauche, ou plutôt se limitant à quelques aspects de ce qu'il a pu visiter ou observer à chacune de ses étapes. En tout cas, on a le plaisir de pouvoir connaître le manuscrit reproduit ici en facsimilé et de prendre connaissance de ses notes sur la vie de Michel-Ange et sur son oeuvre (on comprend qu'il avait le désir de développer cette question et que ces notes étaient l'amorce d'une étude plus poussée). Grâce à ces pages, nous faisons la connaissance d'un autre Sade, qui s'engage un temps dans un genre bien éloigné de celui qu'il a privilégié ! Cette édition mérite tous les éloges possibles. Et c'est aussi un bon moyen de se faire une idée un peu différente de l'auteur de Justine.




Pour une critique de la violence, Walter Benjamin, traduit de l'allemand et postfacé par Antonin Weser, Allia, 64 p., 6, 50 euro.

Dans cet essai, écrit en 1921 ans la revue berlinoise Weissen Blässer dirigée par Paul Cassirer. Mais il n'y est pas publié. En fin de compte c'est une autre revue fondée par Max Weber qui le fait paraître. Walter Benjamin y a tenté de répondre à une question qui pourrait être une parfaite question pour le baccalauréat : la violence peut-elle être légitime ? Walter Benjamin y examine ce point avec beaucoup de sérieux et aussi de finesse. Il en vient à considérer qu'au bout du compte, la violence a pour but final de soutenir le droit. C'est sa seule justification véritable dans la société. C'est presque un paradoxe car il ne saurait exister de société digne de ce nom sans législation ! En examinant de très près cette logique qui peut sembler étrange mais qui est pourtant bien ce qui se passe (quitte à assortir ces lois d'amendements renforçant sa défense), il ne met pas dans la balance la guerre, sinon comme un aspect de la protection du droit (ce qui est là quelque peu singulier, mais il fait au nom de sa démonstration). Il analyse ensuite la spécificité de la violence policière, garante des lois qui l'engendre. Selon lui, cette violence est à la fois la fondatrice et la conservatrice du droit. Ce qui ne peut que la légitimer puisqu'elle est à l'origine des dispositifs légaux la justifiant. Il en vient ensuite a s'interroger sur ce que peut signifier la violence d'une grève prenant un tour insurrectionnel. Dans cette perspective, il s'appuie sur les écrits de Georges Sorel, qui accordent un droit en dehors du cadre de la loi. Enfin, il se demande s'il n'y a pas de moyens de régler les conflits sans avoir recours à des solutions extrêmes. La diplomatie est sans doute un moyen de régler les choses sans en venir au conflit ouvert. Mais il ajoute que la justesse des finalités est sans aucun doute le talon d'Achille de cette problématique, car elles sont souvent reconnues comme étant générales et universelles. Il est aussi convaincu que la violence est d'abord la manifestions de la colère chez l'homme ou de l'arbitraires des divinités dans les récits mythiques : ce n'est donc pas une fin en soi. C'est alors qu'il en revient à la question de la guerre et de la paix : c'est l'expression du droit et le traité de paix n'est que le renforcement d'un droit. Le règne de la justice ne saurait s'instaurer sans l'usage de la violence. C'est là le paradoxe de cette affaire : tout ce que l'homme a fait, fait et fera reposer sur cette ambivalence : le doit condamne le meurtre, mais il permet aussi le meurtre pour se protéger ! Il en vient à conclure qu'il est indispensable de rompre le cercle magique des formes mythiques du droit. Il réfute la violence divine, « qui est insigne et sceau, jamais moyen d'exécution sacrée, portant le non de « violence souveraine ». Benjamin fait une démonstration assez convaincante dans une tentative philosophique qui demeurera assez rare dans son oeuvre.
Gérard-Georges Lemaire
28-03-2019
 
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Verso n°136

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