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[verso-hebdo]
11-02-2016
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
L'art actuel et l'abjecte violence
Je reçois un grand cahier dont la couverture bleue porte une triple question posée par Samuel Beckett dans L'Innommable : « Où maintenant ? Quand maintenant ? Qui maintenant ? » L'expéditeur est Emmanuel Saulnier, qui a fait imprimer sur la page de garde les mots suivants : « Je vous adresse cette édition. Elle est tirée à 1000 exemplaires hors-commerce. J'ai conçu ce projet après le vendredi 13 novembre 2015. Chacun des auteurs ressent gravement l'horreur des crimes commis et la violence inexorable de l'intolérance qui les portent dans le monde. Chacun a tenu à y répondre ». Ces réactions sont précieuses, elles témoignent du besoin des artistes plasticiens d'aujourd'hui de répliquer au phénomène terrifiant de la folie djihadiste. L'initiative d'Emmanuel Saulnier est donc plus qu'utile : nécessaire. On connaît ce grand artiste, aujourd'hui professeur à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, qui ne demande pas à ses étudiants de l'imiter, mais dont l'atelier questionne ouvertement les formes de la sculpture aujourd'hui « dans la diversité de ses moyens et de ses possibles ». On se souvient notamment de sa participation à l'exposition du Centre Pompidou Traces du Sacré en 2008, qui consistait en une pièce de 1992 intitulée Tête, née de sa réflexion à propos du drame du sida qui s'étendait alors sur le monde. C'est un autre drame, d'une autre nature mais tout aussi mortel, qui menace l'humanité actuellement, et Emmanuel Saulnier entend contribuer à y faire face avec une dizaine d'artistes proches de lui.

Ces artistes viennent de tous les horizons, ils appartiennent à diverses générations, depuis Nil Yalter, née en 1938 au Caire, artiste vidéaste et peintre de nationalité turque, à Steeve Bauras, né en 1982 à la Martinique, s'exprimant par le moyen de la photographie numérique. On trouve aussi Rudy Riciotti, l'architecte du Mucem à Marseille, qui donne une photographie de son Mémorial de Rivesaltes (2015, par Kevin Dolmaire, photographe), et Hema Upadhyay, artiste militante indienne qui réalisait des maquettes dénonçant la misère des bidonvilles et qui fut assassinée, ou encore Alain Declerq, né en 1969, ancien élève de Saulnier, baroudeur de la lutte contre toutes les formes de pouvoir institutionnel. Toutes les oeuvres reproduites dans le cahier ont été réalisées avant le 13 novembre 2015. Ce qui importe donc au moins autant que les oeuvres reproduites, ce sont les textes complémentaires, qui eux ont été choisis après l'événement. Les assassins de 130 innocents au Bataclan ont tué au nom d'Allah, ce qui nous ramène aux frayeurs des grandes mythologies auxquelles faisait écho Samuel Beckett et que commentait Jean-Marie Domenach en ces termes, il y a une trentaine d'années dans son Retour du Tragique (Seuil) : « Des coupables innocents, c'est absurde. Un dieu coupable, c'est monstrueux... » Parmi ces textes, l'un d'eux est particulièrement révélateur : celui de la philosophe Céline Flécheux, qui témoigne : « Impossible de prendre la parole, même quatre semaine après les faits. Platitude, manque de recul, sidération, tout empêche la distance nécessaire à l'élaboration... » Elle préfère donc proposer un texte prophétique de Claude Lévi-Strauss évoquant en 1962 un univers, le nôtre, qui « ne laisse aucune portion de l'humanité à l'abri d'une abjecte violence... »

Je détache, à propos d'Hema Upadhyay, un texte de l'écrivain Marcel Cohen faisant remarquer qu'aujourd'hui, un adolescent de 14 ans aux Etats-Unis, « a déjà vu 20.000 meurtres à la télévision » et qui conclut : « Nous sommes entourés d'assassins ». Et à propos de Maha Kays, auteur d'une vidéo intitulée Les damnés dans les flammes en 2014, une réflexion de Mahmoud Harb qui, de Beyrouth où il écrit, constate tristement son impuissance et son incompréhension devant l'horreur. « L'événement en lui-même, dans ses détails les plus atroces, les conditions sociales, économiques, géopolitiques, psychanalytiques qui ont conduit au déferlement de barbarie, le débat public laboure tous les terrains, convainc, déçoit, mobilise, indigne, lasse, assourdit... » Mais il n'y a personne pour calmer l'angoisse. Pas même les artistes plasticiens dont le rôle, depuis toujours, est de poser les grandes questions. Emmanuel Saulnier a le mérite de leur donner l'occasion de les crier un peu plus fort que d'autres, ces questions qui sont les nôtres. Ce n'est évidemment pas à eux de répondre, mais ils nous empêchent de nous endormir, et c'est déjà beaucoup.
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
11-02-2016
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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