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[verso-hebdo]
28-11-2013
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Bernard Blistène à la tête du MNAM :
une bonne nouvelle
Vendredi 15 novembre, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a nommé Bernard Blistène directeur du Musée National d'Art Moderne sur proposition du président du Centre Pompidou, Alain Seban. Cette décision est d'importance, car il s'agit de diriger l'un des trois plus importants musées d'art moderne et contemporain au monde (avec le MOMA de New York et la Tate Modern de Londres), outil essentiel notamment pour rendre lisible l'histoire de l'art en train de se faire et pour la défense des artistes français. Voilà une bonne nouvelle qui a rassuré ceux, dont j'étais, qui s'étonnaient de son absence dans la liste des quatre « nominés » ( deux français, deux étrangers ; deux hommes, deux femmes) alors qu'à l'évidence Blistène présentait des qualités et une expérience bien supérieures à celles des candidats annoncés. Aussi je ne comprends pas bien le ton méprisant employé par M. Michel Guerrin qui demande dans Le Monde du 16 novembre qu'on lui explique « comment Bernard Blistène, conservateur certes de qualité, un temps recalé, a finalement été repêché ». Le problème, voire le scandale, n'est pas qu'il ait été « repêché », mais bien qu'il ait pu être « un temps recalé ». On croit savoir que M. Seban aurait préféré un autrichien ignorant tout de la scène française, Max Hollein, qui par bonheur nous aura été épargné. Cela dit, je voudrais donner aux détracteurs de Bernard Blistène (il y en a quelques uns dans le petit monde de l'art) un double témoignage.

En 1987, Bernard Blistène était, avec Catherine David et Alfred Pacquement, l'un des trois responsables de la gigantesque exposition du Centre Pompidou L'époque, la mode, la morale, la passion qui récapitulait dix années de la vie artistique mondiale. Or cette exposition fut démolie par la critique en France, car elle se soumettait visiblement aux intérêts et aux goûts de puissants acteurs étrangers du marché de l'art, en particulier Charles Saatchi et Peter Ludwig. « Le dernier salon officiel » titrait par exemple Le Monde, en précisant sous la plume de Philippe Dagen : « C'est ici le raout joliment raffiné de la jet art society, stars en tête, ou, si l'on préfère, le bal chez les Guermantes version années 80 ». L'écrivain, poète et critique Alain Jouffroy était l'un des commentateurs les plus sévères, aussi j'organisai un débat entre lui et Bernard Blistène, qui se défendit avec habileté, solidaire des choix de son institution. L'essentiel, dont on va mesurer rétrospectivement l'importance, est qu'il mentionna, sans insister, le catalogue avec « les 150 textes jamais traduits en français qui offrent une matière à réflexion d'une totale ouverture ». Eh oui, dans ce catalogue, qualifié avec dédain par Dagen de « très volumineux - et bavard », il y avait, tenez-vous bien, de quoi découvrir certaines des impostures à la base de l'exposition. On pouvait comprendre, grâce à la courageuse initiative de Bernard Blistène, avec un texte de Hans Haacke, les manoeuvres de Charles Saatchi pour prendre le pouvoir partout où il pouvait forcer les portes (celles de la Tate Gallery en particulier). Il fallait avoir la révélation, avec l'article de Kenneth Baker traduit de Art in America, de tout le montage du même Saatchi aidé par le marchand Leo Castelli, pour propulser au top niveau de la scène mondiale un médiocre mais prolifique peintre, Julian Schnabel (particulièrement honoré au Centre Pompidou). Bernard Blistène n'était donc absolument pas dupe du jeu auquel il lui fallait participer, et il le faisait savoir à ceux qui voulaient bien lire. Apparemment, ces derniers furent rares.

En 1998, Bernard Blistène, devenu directeur adjoint du MNAM, fut nommé responsable d'une importante exposition au musée Guggenheim de New York destinée à présenter l'art en France sous le titre Premises : invested spaces in visual arts and architecture from France 1958/1998. Le 4 février, avant l'exposition qui devait s'ouvrir le 28 octobre, Bernard Blistène répondait aux questions des étudiants de Sciences Po qui l'avaient invité dans l'amphi Leroy-Beaulieu. J'étais là, frappé par la lucidité du commissaire. Lucidité par rapport à ses partenaires américains : le Guggenheim étant une fondation privée, ses responsables « sont des trustees évoluant dans le monde des affaires, ne connaissant absolument rien à l'histoire de l'art européen, et ne s'intéressant pas au passé d'une manière générale ». Alors que faire pour construire une présentation de l' « art contemporain » quand on sait que cette notion est très controversée et que, qui plus est, les partenaires de l'opération ne savent pas grand-chose ? Bernard Blistène eut un mot qui aurait pu choquer, mais qui témoignait, là encore, de sa lucidité et de son aptitude à faire des choix. Il s'amusa à qualifier lui-même sa position de cynique : « l'art contemporain, c'est tout ce qui m'arrange ! C'est l'espace à l'intérieur duquel je vais essayer de construire mon discours. C'est une géographie que je dois définir, étant entendu qu'il s'agit d'un espace à bords flous... » Il se reconnaissait déjà un pouvoir qu'il détiendra désormais plus encore : le pouvoir de nommer, trop accaparé par ailleurs aujourd'hui par les puissances d'argent. En ces temps de crise, à laquelle l'art dit contemporain n'échappe pas, nous avions besoin à la tête du MNAM d'un homme cultivé à l'esprit clair, capable de choix à la fois radicaux et bien mûris. À cet homme, qui se prépare depuis longtemps à la tâche qui lui est enfin dévolue et qui sait où il va, souhaitons bon vent puisque, n'est-ce pas, comme le disait Sénèque, « il n'est pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va ».
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
28-11-2013
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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