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[verso-hebdo]
28-11-2013
La chronique
de Lara Tournemire
Humain, trop humain
Le constat actuel sur l'art contemporain révèle qu'un grand nombre d'oeuvres sont destinées à une élite de puissances financières. Des installations démesurées aux oeuvres exubérantes, la recherche passionnée de sens et de courants dominants n'est plus une priorité, tandis que la spéculation devient prépondérante. Le film La Ruée vers l'art traite d'ailleurs de cette actualité. D'un autre côté, certains galeristes se démènent pour soutenir leurs artistes en tentant, par exemple, d'exposer de nouveaux peintres en qui ils croient sincèrement. Nous pouvons donc espérer un second souffle pour la création du XXIe siècle grâce à l'initiative de ces derniers, soucieux d'authenticité.

Jean-Louis Nehlich, explorateur de l'âge d'or de la Renaissance, est l'un d'eux. Au travers de ses mises en scène caravagesques, de ses grands paysages et de ses représentations figuratives extrêmement poussées, un retour inattendu à l'époque baroque est évoqué. Une maîtrise absolue de techniques variées qualifie son travail, qu'il s'agisse de peinture à l'huile, d'acrylique, de gravure monotype ou encore de pastel. Cependant, malgré ce réalisme allégorique quelque peu déroutant, une vraie modernité se retrouve dans ses oeuvres.

Les thèmes exploités par Jean-Louis Nehlich honorent plusieurs époques. En effet, certains de ses portraits sont inspirés de photographies de grands mutilés d'après-guerre. Ces figures, quasi-vivantes, connaissent des déformations faciales progressives, de sévères mutilations. Ces gueules-cassées aux regards vifs et intenses restituent des fragments d'histoire de la Grande Guerre. Ainsi que l'écrivait Leonard De Vinci « les yeux sont les fenêtres de l'âme », et le travail attribué au regard dans les oeuvres de Nehlich s'avère d'une importance capitale. Il permet de donner une seconde vie à ses protagonistes.

Les grandes mises en scène théâtralisées occupent tout l'espace de la toile et nous saisissent par leur lumière frappante, souvent ciblée sur un personnage ou un regard en particulier. L'oeuvre Vision en est la preuve, et c'est à la fois une réminiscence du travail de Rembrandt, référence absolue de l'artiste, et du Caravage, source d'inspiration inépuisable. L'apparition de scarifications sur certains visages dénote néanmoins l'originalité de Nehlich.

Le thème noble du paysage classique est quant à lui revisité de façon magistrale. L'illusion d'optique qui agit sur le spectateur est celle d'un fond abstrait au contenu paradoxalement détaillé. Les violents coups de pinceaux mêlés à la texture picturale donnent tout le dynamisme que l'on attend d'une expression abstraite. Cela sans oublier l'indispensable apport d'une lumière saisissante, travaillée avec le clair-obscur.
À la vision de certains paysages impressionnistes, nous pouvons croire que Nehlich nous plonge cette fois-ci en plein art moderne, son oeuvre Ciel vert faisant particulièrement penser aux Nymphéas de Monet.

Pour sa première exposition « Humain, trop humain » présentée à la galerie Schwab Beaubourg, Jean-Louis Nehlich nous fait vivre plusieurs grands courants artistiques à l'aube de la Renaissance ou de l'avant garde moderne. Véritable héritier de ces maîtres, l'artiste jusqu'ici anonyme est brillamment révélé. La preuve vivante qu'un retour à l'authenticité picturale reste possible.

Jean-Louis Nehlich à la galerie Schwab Beaubourg
Lara Tournemire
28-11-2013
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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