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[verso-hebdo]
27-04-2022
La chronique
de Pierre Corcos
L'intime se défile...
En dépit (ou à cause ?) de sa volonté de séduire un large public, de ses jolis documents roses bonbon parsemés de petits coeurs rouges, de la playlist pouvant être téléchargée pour accompagner musicalement la visite, la grande exposition de photographies Love Songs - Photographies de l'intime (jusqu'au 21 août à la Maison Européenne de la Photographie) risque de quelque peu décevoir le public... Simon Baker, commissaire de l'exposition et directeur de la MEP, s'est pourtant donné les moyens : sur deux étages 14 photographes du 20ème et du 21ème siècles (certains très connus, mais majoritairement américains ou japonais, ce qui reste un biais), plus deux séries vedettes au coeur de l'exposition - « Sentimental Journey » de Nobuyoshi Araki et «Ballad of Sexual Dependency» de Nan Goldin - supposées « emblématiques », mais en fait confirmant ce que les amateurs de photographie connaissent déjà par coeur. Une moitié de l'exposition est composée de séries allant des années 1950 à 2000 et l'autre moitié des années 2000 à aujourd'hui. Mais ce qui manque - un fin questionnement sur cette notion complexe d'« intime », et non une relativisme facile sur l'amour - ne va guère permettre de surprendre le visiteur par des points de vue d'une pertinence affûtée, renouvelée. Mieux valait encore une interrogation a minima sur l'intime qu'une prétention intenable (« Love Songs est une réflexion sur l'essence même de la photographie », sic). Au lieu de quoi, nous nous retrouvons souvent en face de photographies dont on ne comprend pas toujours en quoi elles concernent vraiment la sphère de l'intime : par exemple une photo officielle du mariage d'Araki, ou Édith et son bébé par Emmet Gowin, ou des photos de marginaux drogués par Larry Clark, ou celles de la dystrophie musculaire de Larrey par Sally Mann, ou encore des portraits d'Angel par Collier Schorr, etc... Par ailleurs le lit, et de préférence défait, doit-il pour toujours rester le parangon de représentation, symbolisation de l'intime ?
Questions éventuelles : l'intime peut-il être saisi, sur un mode idéaliste, comme ce qui constitue l'essence d'un être, d'une chose ? Son intériorité, et potentiellement sa poésie ? « La poésie c'est tout ce qu'il y a d'intime dans tout », écrivait Hugo. On imagine alors quels photographes auraient pu être ici sélectionnés pour leur démarche poétique... Si l'on réduit l'intime à la sphère affective, ne faut-il pas y inclure (« amis intimes ») l'amitié ? Mais, si l'on veut en rester à ce qui est strictement privé dans la vie des gens, les scènes de tendresse (par ailleurs visibles dans l'espace public) suffisent-elles à témoigner de l'intime ? Quelle part accorder à la toilette (« toilette intime »), aux parties cachées du corps (« parties intimes »), photographiées sans intention obscène ? Et les habitudes, rituels inavoués, ne font-ils pas pleinement partie de l'intime ?... Voilà quelques questions, et il en est d'autres, qui auraient pu servir de trame dans le choix des commentaire autant que dans celui des exposants. Sans doute le problème de l'exposition vient-il surtout de ce que son titre inclut deux notions (l'« amour » et l'« intime ») qui ne se superposent pas. Les photographies de l'amour peuvent être très socialisées, et conventionnelles jusqu'aux stéréotypes. Celles de l'intime, parce qu'elles exhibent ce qui reste en principe caché, gardent un potentiel de transgression... Bien entendu, cette rigueur insuffisante et ces contradictions d'ensemble ne signifient nullement que les photographies exposées n'en valaient pas la peine. Si la présence d'Hervé Guibert, Nobuyoshi Araki, Nan Goldin était convenue, on découvre avec joie le travail intimiste de René Groebli ou d'Alix Cléo Roubaud, par exemple, qui font passer quelque chose de troublant. Comment sauvegarder l'« intime » dans une « société du spectacle » où, par exemple, l'exhibitionnisme photographique triomphe sur Facebook ? L'exposition séductrice Photographies de l'intime n'a pas su (ou voulu) relever quelques défis conceptuels, explorer d'autres champs photographiques risqués. Une belle occasion manquée.

À la galerie Miranda et jusqu'au 30 avril, la photographe américaine Merry Alpern (née en 1955) a pris, elle, le risque de la controverse et de la transgression, en nous montrant avec son appareil ce qui est censé rester caché. Ayant pu, en 1993, avoir un accès visuel à une petite fenêtre, celle des toilettes ( !) d'une boîte de striptease clandestine ( !), elle a photographié en zoom et pendant six mois divers échanges (baisers, drogues, argent, etc.), et des fragments de corps qui auraient sans aucun doute comblé voyeurs et fétichistes. Peu de photographies sont proposées par la galerie, qui a consacré il y a trois ans à la photographe une exposition plus importantes, mais toutes, fortes et inscrites dans une cohérence stylistique (images en noir et blanc contrastées au gros grain, plans cinéma) et méthodologiques (procédant de la formation sociologique initiale de Merry Alpern), semblent identifier l'intime au secret, au clandestin. Le titre de son exposition passée, Dirty Windows, renseigne sur l'équivalence sociale admise sale/caché. La lucarne, divisant l'image en trois, réalise une composition involontaire, contribuant parfois à opacifier le sens du cliché...
Alors, peut-être que dire par la photo l'intime plutôt que l'exhiber (ce qui reste artificiel) consisterait à en suggérer la part furtive, mystérieuse, voire impénétrable.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
27-04-2022
 

Verso n°136

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