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ID : 192
N°Verso : 128
L'artiste du mois :
Ivan Messac

Titre : Ivan Messac, peintre de la figuration narrative
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 09/03/2022



Ivan Messac, peintre de la figuration narrative
par Jean-Luc Chalumeau

Ivan Messac avait vingt ans en 1968 : c’est peu dire qu’il s’engagea à fond, en tant qu’artiste, dans les « évènements » et la bagarre politique. Dès juin 1969, on le trouve au Salon de la Jeune Peinture, celui qui s’était placé sur le thème « Police et Culture », sous le signe d’une citation de Gramsci. Messac et ses camarades refusaient le travail individuel « petit bourgeois ». Ils réalisaient donc des œuvres collectives capables de participer à la lutte des classes : Messac faisait notamment partie du groupe « La Boxe » avec Biras, Arroyo et Fanti. Tous pratiquaient un style efficace, immédiatement lisible, qui devait beaucoup aux pop américains montrés à cette époque à Paris par Ileana Sonnabend depuis 1962. Ces circonstances expliquent comment Messac s’est intégré très tôt aux peintres de la Jeune Peinture, matrice de la Figuration narrative qui allait naître en 1974. Cela explique aussi que des jeunes marchands cherchent aujourd’hui à ressusciter la période « pop politique » de Messac avec des œuvres situées entre 1967 et 1973.

Messac n’est pas seulement peintre : il est sculpteur aussi, graveur et en plus écrivain. On se souvient de son inénarrable Fédor Klepssévitch, artiste canin. Le chien-héros de Messac, exclusivement passionné par les fanions rouges qu’il répand partout, était une parodie hilarante du genre de l’ « artiste contemporain » dont Ivan ne faisait évidemment pas partie. Praticien de l’humour, certes, Messac est finalement essentiellement peintre depuis ces années pop auxquelles succédèrent les années narratives (jusqu’en 1978) que présenta la Villa Tamaris en 2001. Après le Salon Police et Culture, Messac était revenu au travail individuel, comme en témoignent par exemple Les Enfants polychromes (1972) ou Le noble art bleu (1973).

Je possède avec bonheur un exemplaire de la série de sérigraphies Les Enfants polychromes. Une œuvre parfaitement politique, qui répondait directement à l’absurde circulaire de M. Joseph Fontanet, ministre de l’Education de Pompidou, spécifiant que « les enfants de maternelle iront sur le pot à 11 heures ». Pas avant ni après : au-dessus de ces bambins bien rangés en rouge, figuraient des petits chinois en, identiquement alignés, mais au garde à vous selon les principes intangibles de la pensée Mao Tsé Toung. Il y avait sept enfants et sept sérigraphies pour les sept couleurs du prisme. Quant aux deux boxeurs, sans doute inspirés par la participation de Messac à la Jeune Peinture en 1969, figures bleues se détachant impeccablement sur fond noir, ils parlaient clairement : le logo olympique qui les surmontait contenait une chaise roulante, avenir assuré de ces sportifs dans le système capitaliste. Dans l’exposition de 2022 que présente la galerie T & L chez Patricia Dorfmann, de nombreuses œuvres des années 1969-1972 rappellent les réflexions plastiques que Messac avait résumées en 1972 avec sa participation au 23° Salon de la Jeune Peinture. Il montrait des Indiens travaillés d’après des photographies, avec de subtiles interventions sur la couleur. Messac réfléchissait beaucoup sur le rôle de la couleur dans les sociétés humaines, où le code de la route, par exemple, associe le bleu à « autorisé » et le rouge à « interdit ». Quant aux Indiens, simples survivants parqués dans des réserves, ne représentent-ils pas assez bien la situation de l’artiste dans notre société indusrielle ? Le véritable artiste bien entendu, pas celui qui ressemble aujourd’hui à Fédor Klepssévitch…

 




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