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[verso-hebdo]
11-04-2019
La chronique
de Pierre Corcos
Criminelle duplicité
Des films talentueux qui montrent comment les religions instituées en pouvoirs ont les moyens de broyer des individus, exciter un fanatisme dévastateur, stériliser les intelligences, bloquer les émancipations collectives, entretenir des guerres interminables, et comment le divin peut se faire affreusement inhumain, il en a déjà été question dans cette chronique. De quelle manière les religions peuvent dissimuler en leur sein des perversions criminelles parce que pratiquées sans le consentement des victimes, cela doit aussi être rajouté à la liste des méfaits précités : un film et un documentaire remarquables, de démarches très différentes, sont venus récemment éclairer la pédophilie à l'ombre des communautés religieuses.

Justement récompensé par le Grand Prix du jury au festival de Berlin, le film Grâce à Dieu de François Ozon met en scène, à partir de faits avérés, le combat de victimes d'un prêtre pédophile que sa hiérarchie a scandaleusement protégé. En même temps, il montre avec une acuité sociologique remarquable l'« éthos » des différents milieux catholiques français. Il ne craint pas en outre de convoquer les vivants protagonistes de cette affaire en cours (le procès du père Preynat est prévu à la fin de cette année, et le cardinal Barbarin a démissionné, suite à sa condamnation par la justice au début du mois dernier), et enfin il pointe sans ménagements la duplicité criminelle de l'Église. Dans l'efficacité percutante de son déroulement, qui exalte le spectateur par la puissance lumineuse d'une vérité et d'une justice en marche contre les ténébreuses équivoques du clergé, on a cru retrouver le film américain multiprimé Spotlight (2015) de Tom McCarthy, traitant d'un sujet identique. Mais Spotlight était aussi un vibrant hommage au journalisme d'investigation, tandis que le film d'Ozon résonne, lui, comme un vibrant appel à toutes les victimes sexuelles des religions : témoignez, portez plainte, et n'attendez rien des pouvoirs religieux !... Le réalisateur a rencontré les victimes du père Preynat, des anciens scouts de la troupe de Sainte-Foy-lès-Lyon, et il a d'abord songé à faire de ce drame pénible un documentaire (c'est l'option choisie par Yolande Zauberman dans M), puis il a préféré, et l'on ne s'en plaint pas du tout, produire une fiction collant au mieux à la réalité, en s'entourant d'excellents acteurs (Melvil Poupaud, Swann Arlaud) et en variant sa focale du plan général culturel au gros plan psychologique.
Faire éclater la vérité, puis exiger la justice, alors que ce combat peut nuire à l'activité professionnelle, à l'image sociale, alors que le conjoint, la famille, la bureaucratie et la hiérarchie religieuses freinent et jouent l'obstruction, c'est juste de l'héroïsme. Cette dramaturgie de l'héroïsme, individuel puis de groupe, contre l'« omerta » de l'institution religieuse porte admirablement Grâce à Dieu, un film lui-même héroïque à sa façon, puisque la défense du père Preynat avait assigné en référé le réalisateur, et que Régine Maire, ex-membre du diocèse de Lyon, l'avait mis en demeure d'ôter son nom du film. Empêcher la sortie du film, perpétuer le secret ! Aucun mot de ces « bonnes âmes » pour les victimes, enfants abusés, destins d'adultes brisés... L'inverse de ce film rédempteur, empathique, magistralement construit, bel acte de foi en la résilience de chacun par la justice pour tous.

La documentariste Yolande Zauberman - dont nous avons pu revoir les excellents Classified People et Would you have sex with an Arab ? dans le cadre du récent 41ème Festival « Cinéma du Réel » - a accompagné le jeune Menahem Lang dans son quartier natal de Bnei Brak, la capitale des Juifs ultra-orthodoxes, quinze ans après qu'il y a été abusé, violé par des rabbins. Elle en a tiré M (comme M le maudit d'un autre... Lang ?), un documentaire aussi multiprimé, lyrique, à la caméra virtuose et noctambule, parfois cachée, qui s'engouffre dans une communauté religieuse archaïsante (« Netureï Karta »), et dans un quartier où il n'y a plus ni radio, ni télévision, ni cinéma bien sûr, et où la prière, les rituels, les danses et les chants religieux occupent toute la place. Le héros du film, Menahem Lang, que Zauberman ne lâche pas de ses gros plans mobiles, est un personnage étonnant : enfant surdoué du chant (en yiddish ou en hébreu), adulte prolixe et d'une grande liberté de ton, comédien anarchisant et parfois même cabotin, il surmonte ses blessures profondes, intimes, par une sorte d'auto-analyse sauvage et d'hystérie contagieuse, expansive. Il chante et parle sans cesse, mais n'oublie jamais qu'il a été, comme il le dit, « un enfant pour le plaisir ». Il rappelle tout ce qu'il a enduré, et enfin il se confronte à son bourreau de rabbin, qui a fait de la prison et dû suivre une psychothérapie... On a peine à imaginer que dans cette communauté juive ultra-orthodoxe (où les rabbins sont mariés, contrairement aux prêtres), exhibant sans cesse la joie du culte et la convivialité familiale, dans cette communauté que la documentariste a filmée avec la chaleur et la fougue d'un Cassavetes, des enfants de sept ans (Menahem Lang n'était pas le seul) aient pu être, aussi longtemps et impunément, les victimes sexuelles de brutes, qu'une fanatique dévotion n'a vraiment pas aidées à rendre plus humains. On s'étonne... Et puis l'on se rappelle les décapantes analyses que des Freud ou Reich firent de la névrose religieuse. Cette duplicité alors, et tout ce qu'elle peut dissimuler de pire sous un manteau de vertu, remonte à la conscience critique... Que cette dernière ne se rendorme pas !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
11-04-2019
 
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Verso n°136

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