avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 36
N°Verso : 65
La chronique de Gérard-Georges Lemaire
Titre : La bibliothèque de l'amateur d'art
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 12/10/2012




[ Histoire de l’écriture ]
[ L’Imprimerie en Chine ]
[ Quando Marina Abramovic’ morirà ]
[ Les Ecrits ]
[ Buren ]
[ L’Europe des esprits, ou la fascination de l’occulte, 1750-1950 ]
[ Rome, 1630 ]
[ L’Origine de la perspective ]
[ Hans Hartung, opere scelte, 1947-1988 ]
[ Antoni Clavé ]
[ Wols, dessins ]
[ Abstractions 50, l’explosion des libertés ]
[ Penser la peinture : Simon Hantaï ]
[ Léonard de Vinci, posthumes ]
[ « Robinson ou la force des choses » ]
[ Dictionnaire de Supports/Surfaces ]
[ « Géométries variables » ]
[ L’Art du jazz ]
[ « L’Art du baiser, de la séduction à la volupté » ]
[ New York est possible ]
[ Aldo Mondino Sculptore ]
[ Plaisirs de glace ]
[ Ailleurs ici, Sarkis ]
[ Jean Rustin, peinture du réel ]
[ Rouge absolu, Amman ]
[ Man + Doctor ]
[ Eugène Isabey ]
[ César, le Rhône pour mémoire ]
[ Chemin de Croix biblique, tableaux de Sergio Birga ]
[ R.U.R. ]
[ La postérité de Sade ]
[ Tous les diamants du ciel ]
[ Léon et Louise ]
[ Le Triomphe de l’œuf ]
[ Préface à la transgression ]
[ Georges Bataille, la mort à l’œuvre ]
[ Nouveaux contes de Bustos Domecq ]
[ Gîtes ]
[ Contre tout espoir, souvenirs ]
[ Ecrits farfelus ]
[ Sonnets ]
[ Les Lapins ne meurent pas ]
[ Les Traîtres ]
[ Les Fidelités successives ]
[ Marquise ou la vie sensuelle d’une comédienne ]
[ La Convergence des alizés ]
[ Le Moins aimé ]
[ Les Bas-fonds du rêves ]
[ La Nuit des femmes qui chantent ]
[ Sur les pas de Jean-Jacques Rousseau ]
[ Rousseau et la Révolution ]
[ La vie rêvée d’Ernesto G. ]
[ Le Jardin des représailles ]
[ Mon père ]
[ Le Purgatoire ]

La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

Le retour du roman historique

Longtemps décrié, rangé dans la catégorie inférieure de la littérature populaire, toujours comparée à l’œuvre d’Alexandre Dumas, et en a été longtemps été le mètre, le roman historique revient en force et bien des façons. Ce phénomène est mondial. En France, ces derniers temps, Gérard De Cortanze y a excellé. Mais les auteurs ne cessent de se laisser tenter par l’aventure, aussi bien en Europe qu’outre-Atlantique. Les résultats sont aussi contrastés que les manières d’aborder le genre.

Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Les Traîtres, Giancarlo De Cataldo, traduit de l’italien par Serge Quaddrupani, Editions Métailé, 510 p., 24 €.

Cette gigantesque fresque historique nous entraîne dans la péninsule italienne de 1844 à 1873. Elle retrace des épisodes tragiques du Risorgimento. Elle débute avec une expédition de jeunes volontaires favorables à l’unité de l’Italie débarquant en Calabre, qui échoue face à l’hostilité des paysans et face aux troupes du royaume des Deux-Siciles. Les héros de toutes ces aventures est un aristocrate vénitiens, Lorenzo di Vallelaura, ancien officier de l’armée autrichienne. L’auteur joue de la complexité de la situation dans cette région de l’Europe, le Sud étant un grand royaume gouverné par les Bourbons, le centre, la propriété du pape et le Nord, se trouvant aux mains des Autrichiens à part le royaume de Sardaigne et du Piémont. Alors tout se mélange dans une succession ininterrompue d’imbroglios et de conspirations, d’épisodes sanglants et de fuites éperdues.
En réalité, le véritable héros de l’ouvrage est Giuseppe Mazzini, l’un des grands personnages de cette lutte pour l’indépendance, hostile à la volonté hégémonique de la famille de Savoie, anticlérical et républicain. Il devient le chef de la République de Rome à laquelle se rallie Giuseppe Garibaldi, qui combat les Français venus au secours du souverain pontife et finit par perdre la partie. Et, comme si les choses n’étaient pas assez embrouillées, l’auteur la pimente avec des histoires de brigands calabrais et de sorcières. Et comme Mazzini est resté longtemps en Angleterre, une partie de son histoire se déroule à Londres où apparaît même le peintre Dante Gabriel Rossetti (l’auteur a dû faire confusion, avec son père, Gabriele, qui avait travaillé pour le roi Ferdinand de Naples, puis avait préféré quitter la cour). Ce n’est pas un mauvais romain, loin de là. L’auteur a de l’expérience. Mais il n’est pas Alexandre Dumas et encore moins Victor Hugo. Ce feuilleton est d’une nature hybride. Quoi qu’il en soit, Giancarlo de Cataldo ne sait pas donner une impulsion telle à son livre pléthorique pour qu’on s’attache à son héros et qu’on discerne une vision de l’Histoire à travers du ces récits enchevêtrés. Dans son cas, le mieux est l’ennemi du bien : les choses sont trop confuses et surtout se lient mal les unes aux autres.

*

Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Les Fidelités successives, Nicolas d’Estienne d’Orves, Albin Michel, 720 p., 23,90 €.

Les Bienveillantes ne sont sans doute pas pour rien dans ce regain de fictions ayant pour arrière-plan ou même pour thème la Seconde guerre mondiales et tous ce qu’elle a comporté d’effroyables. Ce jeune auteur dont le premier roman a été salué par le prix Goncourt des lycéens, a entrepris avec ce second ouvrage un travail très ambitieux : relater la France de l’Occupation à travers le prisme des membres d’une famille vivant dans un château posé sur une petite île anglo-normande, Malderney. L’action se déroule avant, après et pendant le conflit. Avant la désastreuse campagne de France, nous découvrons les habitants de la Seigneurie en haut de la colline qui domine toute l’île. On y trouve la famille Berkeley, avec le père, Philip dit le « Bailli », qui a deux fils, Victor et Guillaume, mais qui a fauté, ayant une fille hors du mariage, Pauline, qui est devenue citoyenne américaine. Elle est justement là pour la première fois et engendre une rivalité entre ses beaux-frères, qui ont pour elle des sentiments mêlés d’attirance et de refus. Au début du livre, qui se déroule une fois le IIIe Reich détruit, arrive un survivant des camps de la mort, Simon Bloch. Son ancien ami Victor pensait qu’il était mort. Guillaume, qui l’avait vu à l’œuvre à Paris le dépeignait comme un personnage peu scrupuleux – un corrompu corrupteur.
L’auteur revient en arrière, à l’année 1936. Nous sommes sur l’île et Lejeune Guillaume parle avec passion de Céline avec Bloch. Ce dernier veut que Victor vienne avec lui à Paris car il lui trouve un beau talent de dessinateur qu’il devrait cultiver. Par ailleurs, il lui enseigne une stratégie pour séduire Pauline qui semble lui préfère son frère. En somme, il est son Méphistophélès.
Et nous voici à Paris pendant les années sombres de l’après Montoire. Bloch l’introduit dans le monde de l’art, où il plaît. Nous naviguons entre la déclaration de guerre et un visite chez Picasso, puis nous croisons l’éditeur Denoël et l’auteur Montandon, qui a achevé un essai : « Comment reconnaître le juif ». Guillaume évolue dans ce monde trouble où il se lie avec Rebatet, rencontre Otto Abetz, est présenté à Alfred Cortot, fait la connaissance de Robert Brasillach – il ne tarde pas à être un des journalistes de Je suis partout. Il passe d’un sentiment léger d’être à l’aise dans le monde de la culture à la même légèreté dans le monde de la collaboration. Il revoit Pauline, qui s’est mariée avec Victor qui, lui, a choisi le camp de la Résistance. Il a une liaison perverse avec elle. Alors commence sa descente en Enfer car il est associé à des trafics louches, surtout avec un mystérieux et puissant M. R., qui joue double jeu, qu’il tente de racheter par le sauvetage de familles juives. En réalité, mais il ne comprend que bien plus tard, il les conduisait tout droit à la mort ! Il est finalement arrêté et torturé, puis libéré. Il se retrouve à Sigmaringen avec les débris du gouvernement de Vichy. Il est arrêté et jugé (son défenseur est Aloïs Bloch, le cousin de son ami). Il est condamné à mort et à l’indignité nationale. Des écrivains demandent qu’on lui fasse grâce. En fait, il avait été manipulé par tout le monde et surtout par Pauline. Victor est la victime désignée de cette période où toutes les ambiguïtés coexistaient.
Tous ont tiré leur épingle du jeu, même Bloch, qui retrouve une grosse somme d‘argent cachée. Victor est un héros. Bloch qui était en possession du carnet de notes de Guillaume, a permis la reconstitution de son tragique destin sur une toile de fond funeste.
L’histoire est bien plus complexe et intriquée que cela. Elle manifeste en tout cas la hantise de jeunes auteurs qui n’ont pas connu cette guerre et qui ne sont pas les enfants de ceux qui l’ont vécu de s’y plonger. Pour y parvenir, il a fait d’abondantes recherches et rien ici n’est vraiment faux, sauf peut-être l’atmosphère, l’esprit du temps. Tous les personnages sont en fin de compte glauques, Bloc est peut-être le plus répugnant. Camp d’extermination ou pas. Ce n’est pourtant pas Maurice Sachs ! Mais on a du mal à croire à tout ce baroquisme romanesque. Il manque la vie. Le destin des hommes et des femmes se déroule sur un fond plat. C’est souvent bien écrit, bien construit, indéniablement trop long, et surtout manque d’une subtilité dans les relations entre ces êtres. Cela étant dit, Nicolas d’Esteinne d’Orves pourrait être un bon candidat pour un des prix de la rentrée.

 

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